Dans un monde en ébullition et en pleine mutation, la francophonie reste confinée dans le strict domaine culturel. Que représente l'Organisation internationale de la francophonie en termes de poids diplomatique, militaire et économique dans les relations internationales d'aujourd'hui? Au départ et jusqu'à aujourd'hui, les objectifs déclarés de la francophonie étaient et restent la défense et la promotion de la langue et de la culture françaises dans le monde. D'emblée, et sous cet angle, il n'est nullement question d'une quelconque intégration politique ou économique qui tendrait vers la création d'un vaste regroupement en ce sens des pays qui y sont membres à même d'avoir un rôle majeur dans l'évolution du pouvoir dans les relations internationales. Aussi, pour nombre d'analystes des relations internationales et de la géopolitique mondiale, hormis le chef de file de cette organisation, la France, une puissance moyenne dotée cependant de l'arme nucléaire et disposant du droit de veto au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, mais qu'elle n'utilise que rarement face aux autres grandes puissances disposant de ce même droit, le poids de la francophonie dans la prévention ou la solution des conflits et des crises internationales demeure imperceptible. Comparativement au défunt mouvement des Pays non alignés ou du Groupe afro-asiatique des «77» dans les années 60 et 70, l'influence de cette organisation francophone ou de son similaire anglophone, le Commonwealth, dans la conduite des affaires du monde reste ainsi très limitée pour ne pas dire quasi nulle particulièrement lorsque des crises internationales touchent des intérêts occidentaux. En fait, pour pouvoir expliquer cette impuissance et ce peu d'influence de ce genre de regroupement, il faut remonter à leur genèse. A l'origine, l'idée de la francophonie suggérée ou soufflée par la France qui venait d'achever le processus de décolonisation de son empire colonial qui s'étendait de l'Afrique à l'Asie en passant par l'Amérique, est reprise par trois chefs d'Etat africains à la fin des années 60. Il s'agissait alors, pour le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, le Tunisien Habib Bourguiba et le Nigérien Hamani Diori auxquels s'est joint le dirigeant cambodjien Norodom Sihanouk, de créer un ensemble de pays ayant en commun l'usage du français, à l'instar du Commonwealth qui, lui, lie entre elles les nations attachées autrefois à la couronne britannique et à la langue anglaise. Dans ce cadre, fut créé, en 1970, à Niamey au Niger le premier organisme francophone multilatéral, la fameuse Agence de coopération culturelle et technique (Acct), chargée en principe de développer des programmes de coopération culturelle et économique au profit des pays francophones du Sud. Devenue ensuite Agence intergouvernementale de la francophonie (AIF), elle se veut par ses programmes d'aide à la presse écrite, à l'accès aux nouvelles technologies, au développement économique, au renforcement de l'Etat de droit le principal organisme de la francophonie multilatérale. Doté d'un budget annuel global de 130 millions d'euros, cet organisme dispose aussi d'une agence universitaire, d'une université en Egypte, d'un réseau télévisé international (TV5) et d'une association internationale de maires. Rassemblant aujourd'hui 55 pays dont 4 en tant qu'observateurs, les 600 millions de personnes des pays qui font partie de la francophonie et qui constituent ainsi 10 % de la population mondiale soit plus du quart des Etats membres de l'ONU, ne retrouvent pas leur poids réel, hormis la France, dans les instances internationales où l'avenir du monde tant sur le plan politique qu'économique est décidé par d'autres acteurs (les multinationales) que ce genre de mouvements. Il est vrai que depuis leur apparition sur la scène, autant la francophonie que le Commonwealth ont été perçus par beaucoup comme de simples instruments parallèles pour la diplomatie des chefs de file des deux regroupements.