La justice française a donné son feu vert pour l'ouverture d'une information judiciaire pour enquêter sur les soupçons de corruption sur un contrat d'armement avec l'Arabie Saoudite en 1994, le contrat Sawari II, a-t-on appris hier de source proche du dossier. Le juge Renaud Van Ruymbeke qui enquête sur un volet de l'affaire Karachi, un circuit de corruption présumé lié à un contrat d'armement avec le Pakistan, avait demandé fin novembre au parquet de Paris d'élargir ses investigations à ce contrat conclu en novembre 1994 par le gouvernement d'Edouard Balladur et qui a donné lieu à de juteuses commissions. La justice enquête aussi pour savoir s'il y a un lien avec un attentat commis le 8 mai 2002 à Karachi au Pakistan, qui avait fait 15 morts dont 11 Français travaillant à la fabrication de sous-marins vendus par la France au Pakistan (contrat Agosta). Le parquet a toutefois refusé de confier les nouvelles investigations concernant l'Arabie Saoudite au juge Van Ruymbeke et a décidé d'ouvrir le 6 décembre une information judiciaire distincte, qui devrait être confiée à un autre juge au motif notamment que «ces faits nouveaux sont de nature différente», selon cette source. Le contrat Sawari II prévoyait la vente de frégates Lafayette pour environ 2,9 milliards d'euros. Le montant des commissions, légales jusqu'en 2000, s'élevait à 18% du montant du contrat, selon un responsable de la Direction des constructions navales. Un montant important de ces paiements n'a finalement pas été honoré, Jacques Chirac ayant stoppé les versements après son élection à la présidence en 1995. Pour enquêter sur un lien éventuel entre un arrêt de versements de commissions et l'attentat de 2002, «il faut prendre en compte» à la fois le contrat de vente de sous-marins conclu avec le Pakistan et la vente de frégates la même année à l'Arabie Saoudite, avait expliqué, en mai, le rapporteur de la mission parlementaire sur l'attentat, Bernard Cazeneuve. Dans leur rapport, les députés jugeaient «plausible» que l'attentat ait pu «avoir été commandité par des intermédiaires mécontents de ne pas avoir touché de FCE (commissions, Ndlr) soit sur le contrat Sawari, soit sur le contrat Agosta».