Un nouveau putsch vient d´ébranler l´Afrique. Un coup particulièrement sanglant avec l´assassinat par des militaires du président bissau-guinéen, Joao Bernardo Vieira. En moins d´une année, c´est la troisième prise de pouvoir par la force enregistrée en Afrique après les putschs commis en Mauritanie en août et en Guinée Conakry en décembre de l´année dernière. Si les deux premiers se sont déroulés sans effusion de sang, ce qui ne les rend pas moins condamnables, celui d´hier en Guinée-Bissau a fait couler du sang avec les morts violentes du chef d´état-major de l´armée, le général Tagmé Na Waié, tué dans la nuit de dimanche à lundi et ensuite du président Vieira, tué hier matin par des militaires. Joao Bernardo Vieira, assassiné hier par des militaires à Bissau, lui-même ancien militaire, a été l´auteur en 1980 du premier coup d´Etat en Guinée-Bissau, petit pays enclavé entre la Guinée (Conakry) et le Sénégal, avant d´être renversé par des rebelles en 1999 pour revenir ensuite au pouvoir par les urnes en 2005. Ce nouvel épisode de prise de pouvoir par les armes en Afrique ne fait que confirmer une longue tradition de putsch inaugurée en 1952 en Egypte par le général Mohamed Naguib qui renversa le roi Farouk 1er. S´il y eut plusieurs coups d´Etat en Afrique, une soixantaine depuis celui du général égyptien en 1952, l´assassinat de Joao Bernardo ´Nino´´ Vieira est le second commis en Afrique sur la personne d´un président en exercice après celui, en janvier 1963, du président Sylvanus Olympio, premier président du Togo, au moment même où, à Addis Abeba, des dirigeants africains se réunissaient pour créer l´Organisation de l´Unité africaine (OUA). Quoi qu´il ne soit pas «d´invention» africaine, le putsch ou coup d´Etat, a fait florès en Afrique où, malheureusement, il est devenu une «spécialité» bien africaine, où une grande majorité des actuels «hommes forts» en Afrique sont arrivés au pouvoir après un coup de force militaire. De ce fait, sur les 54 pays du continent africain, ceux qui échappent à cette calamité, souvent sanglante, se comptent sur les doigts d´une seule main. Ils sont devenus très rares, les pays africains où l´accès au pouvoir obéit à des règles et principes bien établis. Quand ce ne sont pas les coups d´Etat qui interpellent sur des indépendances africaines bâclées, ce sont les incrustations au pouvoir - dont le président zimbabwéen, Robert Mugabe, donne l´exemple caricatural jusqu´à l´absurde - qui viennent rappeler combien l´Afrique est partie du mauvais pied. Tout au long du dernier demi-siècle, depuis les indépendances en 1960, les Africains ont donné d´eux les images de gouvernance les plus déplorables quand elles ne sont pas simplement saugrenues. Les putschs constituent de fait la maladie infantile dont souffre l´Afrique, dont les dirigeants n´arrivent toujours pas à regarder au-delà d´une fixation, quasi morbide, l´exercice du pouvoir. En fait, très tôt, la primauté du politique sur le militaire a été balayée laissant toute latitude aux militaires d´exercer à leur guise un pouvoir pour lequel ils n´étaient pas préparés. D´où les déficits, en démocratie, en libertés collective et individuelle et en droits de l´Homme, que l´Afrique a en partage. L´Afrique un cas à part? Certes pas! Toutefois, il faut bien enregistrer le fait que tous les Etats africains, à un degré ou à un autre, subissent la déstabilisation sous le double effet d´une course effrénée au pouvoir et d´une démocratisation au rabais, d´Etats dépourvus de moyens avérés pour se faire et sans vraie culture démocratique de dirigeants demeurés sur le concept de «l´homme providentiel». De fait, ces données ont, dans de larges mesures, délégitimé la construction d´une démocratie africaine tout en perpétuant l´usurpation par la force du pouvoir, comme nous en avons eu, en trois occasions, le triste exemple en moins d´une année.