L'ovin, actuellement objet de toutes les convoitises pour célébrer la fête de l'Aïd, semble être devenu un produit de luxe. Petit tour d'horizon dans la région d'El-Hodna. Sur les marchés traditionnels ou improvisés, la forte odeur du foin, le bêlement incessant des bêtes et les longues files de camions parqués à l'entrée, offrent un avant-goût de l'ambiance qui marque le marché du bétail dans la région d'El-Hodna. Les cris des éleveurs et des revendeurs vantant à qui mieux mieux leurs moutons s'élèvent ici et là. “Mouton d'El-Hodna nourri de thym, de romarin et de plantes 100% naturelles”, crie un éleveur. “Du producteur au consommateur, pas d'intermédiaire”, lance un autre. Cette cacophonie indescriptible chatouille l'envie des clients potentiels qui semblent tourner en rond. Car si l'embarras du choix est au rendez-vous, les prix exigés par les commerçants font littéralement fuir même les revendeurs venus d'autres wilayas du pays. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs plusieurs personnes, rencontrées sur les lieux ont décidé de reporter l'achat de leur mouton dans l'espoir que la flambée des prix s'assagisse à la veille de l'Aïd. “Nous préférons attendre encore deux ou trois jours avant d'acheter le mouton”, confie un groupe d'enseignants venus de Bordj Bou-Arréridj pour acheter le mouton qu'ils croyaient moins cher dans la région. Nos interlocuteurs n'ont pas du tout tort au fond. Le prix des moutons dans ce souk comme ailleurs est victime d'un excès de fièvre. “L'agneau pesant 20 kg ne dépassait pas les 7 000 DA voici deux mois, alors qu'aujourd'hui, son prix est affiché à 15 000 DA sur tous les marchés de la wilaya et aussi ceux des wilayas limitrophes, Batna, Bouira et Sétif”, nous révèle un maquignon de la région. En clair, le citoyen payera éventuellement l'agneau de 20 kg à 20 000 DA dans les prochains jours. On parle d'une hausse de presque 100% que le ménage algérien, à peine sorti de la pression du Ramadhan, de la fête de l'Aïd-El-Fitr et de la rentrée scolaire, doit supporter. Cette flambée des prix est-elle réellement justifiée ? Que font les autorités de contrôle des prix ? Quelles sont les mesures prises pour éviter tout dérapage et surtout pour préserver le pouvoir d'achat des ménages ? Les éternelles raisons évoquées sont la rareté de l'aliment du bétail et ses prix exorbitants, affirme-t-on, au marché noir, bien que la nature a rendu les pacages disponibles après les fortes pluies d'octobre. Il y a bel et bien de la spéculation. Les éleveurs ont vite trouvé la formule : la cherté des aliments du bétail. “Les prix du son et de l'orge ont atteint les sommets au marché noir, soit 1 600 DA le quintal pour le premier et 3 000 dinars le quintal pour le second, ces derniers jours, bien que la CCLS ait mis des quantités considérables sur le marché à raison de 1 550 DA le quintal pour l'orge”, constate un éleveur de la région de Ben s'Rour. “La disponibilité de l'herbe au niveau des pâturages a mis en confiance les éleveurs, lesquels ont pu garder leurs troupeaux d'ovins qu'ils auraient été contraints autrement, de liquider”, nous a chuchoté à l'oreille un vieillard qui semble connaître les rouages des souks aux bestiaux. “Ils fixent les prix à leur guise”, ajoute-t-il. Mais qui sont-ils ces éleveurs et maquignons occasionnels ? Toute personne disposant de liquidités et nourrie du désir d'arrondir sa bourse. L'élu, le politicien, l'investisseur, l'entrepreneur, l'enseignant, le boucher, le commerçant ou même le retraité s'adonnent à ce commerce occasionnel et qui rapporte gros. La combine est simple. Il suffit de s'associer avec un éleveur pour l'achat d'un troupeau, surtout d'agneaux, de les engraisser naturellement grâce à ce qu'offre la nature ou à l'aliment du bétail. “Je ne peux vendre mes moutons à des prix plus bas au risque de perdre tout mon capital”, affirme Lazhar, un commerçant disposant d'une dizaine d'ovins. Et d'ajouter : “Ce sont les éleveurs qui fixent les prix. Notre gain se résume à offrir un mouton gratuit à ma famille”. Mais il existe d'autres spéculateurs, connus d'ailleurs par tous, qui s'organisent et montent des combines à grande échelle pour dépouiller les citoyens dans de pareilles circonstances. Chabane BOUARISSA
