C'est un vendredi des plus ordinaires qu'aura vécu le quartier de Kouba, après les incidents constatés la semaine dernière, durant lesquels les abords du commissariat et du stade Benhaddad se sont transformés en véritable champ de bataille. Les jeunes casseurs étaient là, à attendre qu'on leur donne l'occasion, une fois de plus, de se défouler. Les policiers, aussi, étaient là. Discrets, mais en grand nombre, à sillonner le quartier par intermittence. Sans s'arrêter devant la mosquée, ils observaient le ballet des fidèles. La moquée El-Bakoun Aâla Al-Ahd (les fidèles au serment) du quartier l'Apreuval, a attiré, comme à son habitude, un grand monde, en ce vendredi, pas seulement les gens du quartier, mais aussi et surtout ceux qui s'attendaient à la réédition du scénario de vendredi dernier. La publicité faite autour de cette mosquée, réputée pour être le fief des salafistes, a excédé l'imam de la mosquée, qui a tenu à faire, pendant son prêche, une mise au point aux écrits de la presse : “Des journaux ont écrit qu'une marche a démarré à partir de la mosquée El-Bakoun Aâla Al-Ahd. Je tiens à lever toute équivoque : nous avons parlé de Gaza et nous continuerons à en parler, mais nous n'avons jamais appelé les gens à casser, ni à s'attaquer aux biens des autres. L'Islam interdit que l'on s'attaque aux biens et aux personnes. Il interdit que l'on attente à la vie des musulmans.” Une façon pour lui de dégager sa responsabilité par rapport à ce qui s'est passé vendredi dernier et par rapport à ce qui pourrait se passer après la prière. Cette précision vient confirmer la dernière sortie du théologien des salafistes algériens, Ali Ferkous, qui a estimé sur son site Internet, que “les marches, les grèves et les sit-in étaient des habitudes de mécréants”. L'imam consacrera son prêche à la situation de Gaza et aux divisions arabes au sujet de la tenue d'un, ou de plusieurs sommets, consacrés à ce drame qui se poursuit. Il plaidera pour l'unité face à cette épreuve et fustigera les voix qui sèment la discorde. Un message largement partagé par les habitants du quartier, qui en ont plus qu'assez de la mauvaise réputation qui leur colle à la peau. “Chassez-nous ces jeunes casseurs qui salissent la réputation de notre quartier”, lance un commerçant à ses amis en montrant du doigt un groupe d'une vingtaine de badauds, agglutinés en face de la mosquée et prêts à en découdre avec les forces de sécurité. Ce commerçant refuse d'ouvrir sa boutique. “Si jamais ça tourne mal, je ne veux pas que les casseurs viennent se cacher chez moi”, lance-t-il à son ami. À la fin de la prière du vendredi, les fidèles se sont dispersés dans le calme, alors qu'une cinquantaine de badauds attendaient, dehors, que quelqu'un leur donne le signal de départ pour une nouvelle journée d'émeutes. Mais personne ne le fera, au grand soulagement des habitants de Kouba, encore sous le choc des scènes de vendredi dernier. Dans le café, beaucoup se demandent : “Alors, il y aura une marche ou non ?”, mais personne n'avait la réponse. Alors, tout le monde repart, d'où il est venu, dans le calme. Azzeddine Bensouiah
