J'ai pensé à ce titre, pour paraphraser Shakespeare. Telle était la condition de la majorité des Algériens sous le régime français. Cette question que l'ancien directeur d'Alger républicain a posée sous forme de texte, livre publié et distribué sous le manteau en 1959. Son livre vient d'être réédité par les Editions de Minuit. En 1959, cette maison d'édition dirigée par Jérôme Lindon, décédé il y a quelques années, a dû affronter les rigueurs de la censure à la fin des années 1950 pour publier et surtout distribuer un court texte qui raconte les malheurs d'Henri Alleg torturé par l'armée française pour sa participation au mouvement de libération. On sait, hélas, le sort qu'il a connu à l'Indépendance puisque son journal, Alger républicain, a été interdit et Henri Alleg est reparti vers la France alors que des combattants de la dernière heure (Shab 19 mars) planqués aux pays du couscous au poisson et de la harira se dorent la pilule au soleil aux frais de la princesse. L'Histoire est parfois ingrate. Elle avale des hommes et des femmes qui se sont sacrifiés pour une cause noble. Jeunes Algériens (nes) ! Lisez ce livre pour comprendre un peu mieux le chemin tortueux et pénible qu'ont dû emprunter les résistants à un ordre qui peut vous paraître aujourd'hui antédiluvien, mais qui a réellement existé. J'entends déjà certaines voix qui demandent aux aînés de les lâcher parce qu'elles sont fatiguées d'entendre le même refrain entonné souvent par des combattants de la dernière heure. Je peux comprendre votre lassitude, mais sachez que le symbolique, le travail verbal et fictionnel, le forgeage du sens donc, l'Histoire, passent par la littérature d'abord. “La littérature définalise ce que l'Histoire pour des raisons politiques et méthodologiques tend toujours, plus ou moins hypocritement, à surfinaliser”, Pierre Barbéris. Je dois ajouter que les Editions de Minuit créées dans la clandestinité en 1942, dans la France occupée par les armées allemandes, ont publié un livre, Le silence de la mer, de Jean Bruller qui a pris le nom de plume de Vercors pour ne pas tomber aux mains des tortionnaires teutons. C'est le premier livre de cette nouvelle maison d'édition née dans la clandestinité : Editions de Minuit. C'est également un livre que je vous recommande. La genèse de cette maison d'édition est racontée dans l'essai : la Rive gauche de Herbert Lottman publié au Seuil (1981) qui raconte le Paris culturel (littérature, peinture, arts en général) de l'entre-deux guerres. Avis à ceux et celles qui aiment l'art. Pour ceux et celles qui s'intéressent à la littérature, il faut savoir que le nouveau roman a vu le jour grâce aux Editions de Minuit. Alain Robbe-Grillet, Samuel Beckett, Michel Butor, Marguerite Duras, Nathalie Sarraute et Claude Simon entre autres ont participé à cette nouvelle aventure. Rachid Boudjedra a été influencé par Claude Simon La question d'Henri Alleg aux éditions de Minuit 2009 D. B.