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“L'Etat est en train de scier sa base sociale”
Le sociologue Nasser Djabi s'exprime sur les syndicats autonomes
Publié dans Liberté le 10 - 06 - 2009

Dans l'interview qui suit, le sociologue et chercheur Nasser Djabi analyse l'état des lieux du syndicalisme algérien. Il plaide pour la démocratisation de l'UGTA et le soutien des syndicats autonomes.
Liberté : Pensez-vous que les syndicats autonomes ont acquis leur autonomie et maturité syndicales ?
Nasser Djabi : Le syndicalisme dit autonome n'a pas su faire le saut nécessaire pour dépasser ce qu'on pourrait appeler l'étape d'adolescence. Il ne s'impose pas encore, il n'a pas de vie organique ni de doctrine ni de stratégie syndicale claire. Les syndicats autonomes recourent parfois à des formes d'actions radicales et je ne vois pas de production d'élites à l'intérieur de ces organisations. C'est un syndicalisme qui n'a pas su démarrer sérieusement. C'est peut-être dû aussi à la période… Il ne faut pas oublier que le syndicalisme autonome est né au début des années 1990, une période où l'Algérie était confrontée au terrorisme. Sa naissance a également coïncidé avec les transformations économiques brutales et mal gérées. À l'époque, la situation n'offrait pas les conditions pour une bonne pratique syndicale. Il y a évidemment d'autres explications. Le syndicalisme autonome s'est transformé, dans certains cas, en ascenseur de promotion sociale, pour des individus et des petits groupes de personnes. On observe en outre un essoufflement dans les rangs des syndicats. D'ailleurs certains syndicats ont déserté la scène. Il n'y a pas de syndicalistes pour la vie. Pourtant, avant et après l'émergence du mouvement national, il y avait des syndicalistes pour qui le syndicalisme est une vie, une conception de la vie.
En fait, le syndicalisme autonome n'a pas su créer des hommes et des femmes qui portent un projet syndical et qui s'impliquent dans la réalisation de ce projet. Il adopte des pratiques très néfastes : courir derrière l'intérêt personnel, manque de culture démocratique…En général, le syndicalisme algérien n'a pas su capitaliser tout ce qu'il a accumulé comme expérience ni apporter les clarifications idéologiques et doctrinales. On a l'impression que chaque nouvelle génération vient pour faire sa propre expérience puis repart. Le syndicalisme est basé pourtant sur des valeurs très simples : l'action et l'intérêt collectifs, la solidarité, la défense des intérêts des travailleurs, le progrès, etc. Ce n'est pas toujours le cas aujourd'hui.
D'autres aspects sont liés à l'environnement, aux facteurs politiques. Depuis quelques années, l'élite politique qui gère le pays donne l'impression, en raison de ses réactions dignes du XIXe siècle, d'être retardataire. Je veux parler de ces ministres ou ces gestionnaires qui refusent de dialoguer et de négocier avec des syndicats, de leur première réaction de recourir à la justice. Il y a aussi la culture de l'Etat. On a un Etat rentier qui fonctionne à la corruption. Face à cet Etat riche qui ne regarde pas sur les dépenses, se trouvent un mouvement politique et un mouvement social faibles. Aussi, quand les gens fonctionnent sans idéal, la corruption prospère. Mais, le fonctionnement interne de ces syndicats, le manque de locaux et de moyens, ainsi que l'hostilité de l'environnement, font que les syndicalistes, constamment harcelés par le judiciaire et le politique, se trouvent dans une situation de grande précarité. Les normes élémentaires d'un travail syndical sont inexistantes en Algérie.
En quoi se distinguent les syndicats autonomes ?
Le syndicalisme autonome est le fait des fonctionnaires de l'Etat, organisés en corporations. Ce sont les couches moyennes qui se sont appauvries. Les syndicats autonomes ne sont pas de grands révolutionnaires et, de par leur nature, ils ne veulent pas changer le monde. Ils cherchent juste à améliorer leur situation ou à la stabiliser.
J'ai du mal à comprendre l'hostilité et le mépris affichés parfois par l'Etat et les institutions politiques, vis-à-vis des fonctionnaires, alors que ces derniers sont la base de l'Etat. Un jeu très dangereux est en train de se faire. L'Etat est en train de scier la branche qui le soutient, sa main politique.
À moins qu'il s'agit là d'un indice qui montre que l'Etat tourne le dos à ses anciens alliés, pour avoir une nouvelle base, évoluant dans l'informel, le secteur privé, parmi les gens qui gagnent beaucoup d'argent…
En tout cas, ce n'est pas encore clair.
Dans ce cas de figure, la situation peut créer une instabilité politique, car les fonctionnaires représentent la base sociale d'un système politique normal.
Est-ce que le gouvernement, à travers le pacte économique et social, a piégé les syndicats autonomes et la base syndicale de l'UGTA ?
Il faut relativiser ce pacte. En Algérie, il n'existe pas de culture politique et syndicale de négociation et de respect des engagements. Le pacte a été conclu entre chefs, entre structures plus ou moins vides de l'intérieur. Il n'a pas d'effet direct sur le monde du travail. Même les patrons privés reconnaissent que les engagements n'ont pas été respectés.
Quant à la centrale syndicale UGTA, sa représentativité est remise en cause depuis déjà des années. Elle a beaucoup perdu dans le secteur public, il ne lui reste que Sonatrach, Sonelgaz et quelques secteurs.
Que pensez-vous de la revendication des syndicats autonomes qui veulent être partie prenante des réunions tripartites ?
C'est leur droit. Ils doivent y être représentés, car ils sont représentatifs.
Leur représentativité pourrait être plus grande si on leur facilitait la tâche. La question qui se pose est de savoir pourquoi l'Etat a choisi de négocier avec seulement l'UGTA, en acceptant de traiter avec plusieurs organisations patronales. Pour y répondre, il faut revenir au mouvement national, à la nature du système et aux fonctions politiques de l'UGTA. Le syndicalisme algérien est très politisé. Il a une relation étroite avec le politique et parfois avec le partisan.
Le syndicalisme est né de cette manière en Algérie. L'Etat tient toujours aux fonctions politiques du syndicalisme et tant que l'UGTA continue à le satisfaire, elle restera son partenaire privilégié.
Si les syndicats autonomes font allégeance au système politique… ?
Ce n'est pas de l'allégeance… C'est un fonctionnement. Si les syndicats autonomes veulent regagner le temple, ils doivent fonctionner de cette façon.
Pourquoi le système politique continue-t-il à fonctionner de la sorte ?
Il y a deux aspects, d'abord le problème de légitimité du pouvoir et ensuite celui de sa base et de son instabilité politique. Pendant la crise de 1990, le système politique a eu besoin de l'UGTA, qui a fait un grand travail : les syndicalistes étaient au-devant de la scène. Le problème de légitimité pousse le pouvoir à chercher un soutien politique dans un syndicat ou chez des syndicalistes. De plus, le système est en crise perpétuelle depuis des années. Il ne peut pas compter seulement sur les partis politiques. L'UGTA peut lui être plus utile que 4 ou 5 partis politiques. Malgré ce qu'elle a perdu, au niveau de sa base, l'UGTA reste relativement importante dans ce type de fonctionnement politique. Je pense que le système politique algérien n'a pas su avoir de grands partis politiques qui le soutiennent ni organiser des élections libres et démocratiques, pour avoir une légitimité. Cela l'oblige à chercher du côté des syndicats pour le soutenir, pour travailler avec lui et entrer dans le jeu de ses clans.
La prochaine tripartite traitera notamment sur la question salariale et le nouveau code du travail. Est-ce l'affaire des seuls signataires du pacte économique et social ?
Les signataires de ce pacte sont là surtout pour un show médiatique et politique, qui n'a pas tellement de conséquences réelles sur le fonctionnement du monde du travail…
L'ordre du jour est tout de même important pour le monde du travail… ?
C'est vrai… surtout le code du travail. L'absence de débat national sur ce code suscite déjà des appréhensions chez les gens. Pourquoi cette opacité et ce refus d'ouvrir le débat sur ce sujet, qui est important et qui intéresse tout le monde ? Si on veut faire mieux, il faut ouvrir le débat. S'il y a remise en cause de tout ce qui caractérise l'Algérie depuis 1962, c'est-à-dire la protection du salariat, celle de la femme au travail, la protection sociale… malgré toutes les insuffisances qu'on connaît, on aura une autre Algérie. Le système politique a intérêt à créer sérieusement un cadre de dialogue, avec des partenaires fiables, pour débattre des salaires et pour négocier. L'Algérie a intérêt à avoir un monde du travail organisé, avec des protestations et des grèves gérables. Cette structuration sociale où la négociation est pacifique nous évitera bien des problèmes : la socialisation réfractaire et communautaire détruira le pays. L'Algérie ressemble parfois à une cocotte-minute, prête à exploser à tout moment. Toute une génération est en train d'expérimenter l'émeute, comme forme d'expression politique et sociale.
La responsabilité des élites politiques est-elle si grande ?
Absolument. Il y a actuellement une tendance lourde chez nos élites politiques qui ne savent pas gérer une société moderne.
Vous avez travaillé sur les mouvements sociaux, surtout le mouvement syndical. Comment devrait être la carte syndicale nationale ?
Il n'existe pas de normes. La carte syndicale est le reflet d'une société, d'une histoire et d'une vie culturelle, ainsi que des spécificités. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que la carte syndicale doit comporter un seul syndicat ou plusieurs syndicats. Cette question se tranche dans la réalité quotidienne et dans le temps. Elle ne nécessite pas une décision politique. L'idéal serait d'assister à une grande démocratisation de l'UGTA. Si les choses restent telles quelles à l'UGTA, celle-ci va mourir. Pourtant, l'UGTA peut redevenir une centrale forte si elle se démocratise et si elle s'intéresse aux secteurs de l'informel, au privé, aux femmes et aux jeunes travailleurs hésitants vis-à-vis du syndicalisme.
L'Algérie a besoin d'une grande centrale syndicale, de son expérience, de son histoire des luttes et de ses cadres. Dans le même temps, il faut laisser l'expérience des syndicats autonomes se développer. Il faut aider ces syndicats et créer, s'il le faut, une autre confédération. Les syndicats autonomes travaillent dans des secteurs sensibles et peuvent devenir de vrais partenaires et aider dans la gestion de ces secteurs. Au lieu de laisser les syndicats autonomes se réunir dans des cafés ou des fondations étrangères, pourquoi ne pas les soutenir matériellement et financièrement ? Pourquoi ne pas les aider à créer une maison des syndicats, où ils pourront se réunir, dispenser des formations et mieux s'organiser ? On gagnera plus dans la transparence et la stabilité politique.
M. Djabi, où peut mener la politique de harcèlement et d'exclusion des syndicats autonomes ?
Au lieu d'avoir une grève organisée, avec des revendications claires et négociables, les gens se trouveront face à un mur et s'exprimeront autrement, à travers l'émeute, les violences, des revendications vagues, des formes communautaires et retardataires, comme les archs, les qabilas…
Des situations qu'on a déjà vécues en 1990 et plus tard. Pourquoi répéter les mêmes erreurs ? Il y a un blocage politique : on est géré par des élites qui ne connaissent pas le monde du travail ou qui ont peur de lui.
Spécialistes du monde du travail et médias ne cessent, depuis des années, d'interpeller les dirigeants sur les risques de l'exclusion. Faut-il croire que la régression est recherchée ?
Il ne faut pas se fier aux apparences. On peut avoir affaire à une personne avec des tas de diplômes et portant des habits modernes, mais ses idées appartiennent au XIXe siècle. Nos élites ne connaissent pas le monde du travail ou ont peur de lui…
Et connaissent-elles l'Algérie d'aujourd'hui ?
Non, elles ne la connaissent pas.
H. A.


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