L'Union africaine s'est défaite à l'arraché de Kadhafi qui voulait rempiler pour un second mandat à la tête de l'organisation continentale. L'argent qui, apparemment, a convaincu, dans un premier temps, le président du Malawi, successeur prévu du “Guide”, mais pas l'Afrique australe, une des cinq régions qui désignent à tour de rôle le candidat à la présidence tournante de l'Union. Ce qui a peut-être évité à l'UA le plus gros ridicule de l'histoire de l'organisation africaine et privé le colonel d'un couronnement dans ce qu'il affectionne le plus : outrager ses pairs, africains et arabes notamment, et leurs institutions. Kadhafi a donc fini par céder : “Mon frère le président de la République du Malawi, Bingu Wa Mutharika, va me remplacer et prendra le relais à la tête de l'UA.” Sans trop admettre son “échec”, puisqu'il s'octroie immédiatement un lot de consolation. “Ma responsabilité morale est suffisante, en tant que roi des rois traditionnels d'Afrique”, un trône sur lequel il s'était déjà autoproclamé. La culture de la pérennité politique n'est pas étrangère aux régimes africains, mais en tant qu'institution régionale, l'UA pouvait difficilement se permettre le camouflet de violer ses règles pour satisfaire à la fantaisie que Kadhafi voulait s'offrir pour son quarantième anniversaire d'autocratie. Dans son effort d'auto-apologie, il trouva même une certaine légitimité dans la longévité de sa dictature : “Je suis de plus un des chefs d'Etat les plus anciens d'Afrique.” Mais, il ne lui suffisait apparemment pas de trouver motif à balancer la présidence de l'UA à son successeur dans les honneurs de “roi des rois traditionnels d'Afrique” et de “doyen des dictateurs africains” ; il dépouilla la fonction de toute efficience. “Le président de l'UA n'a aucune prérogative”, lança-t-il à la face d'une assemblée générale de chefs d'Etat et de gouvernement. Il est vrai qu'à part d'avoir soutenu les coups d'Etat de Madagascar, de Guinée et de Mauritanie, le mandat de Kadhafi a brillé par sa vacuité. Il est donc bien placé pour apprécier l'utilité des institutions de l'Union africaine. Et il n'y a pas que la présidence tournante qui souffre de la stérilité de la collectivité africaine. Elle sert, comme il le précise, à distribuer de la “responsabilité morale”, presque fictive, à des politiques et des diplomates. Et à justifier des budgets de fonctionnement. Déjà que l'organisation n'a jamais brillé par sa contribution au développement ou à la paix du continent, Kadhafi l'a asséchée de toute initiative, hormis celle de réunir ses pairs pour célébrer, dans un faste tiers-mondiste, le quarantième anniversaire de son coup d'Etat et de sa mainmise autoritaire sur la Libye. Le fait même que la relance d'un mandat de président en exercice ait pu être un moment envisagée est significatif de la conception du fonctionnement institutionnel des dirigeants africains. Kadhafi ne fait qu'exploiter la culture africaine du pouvoir et des relations entre pairs. Pour cette fois, le sommet n'a pas pu aller jusqu'au bout, jusqu'au burlesque. M. H. [email protected]