Ce ne sont pas moins de trente-six œuvres qui sont accrochées sur les murs de cette galerie d'art sise en plein cœur de la capitale, depuis samedi dernier, jour du vernissage. Ce n'est point une nouvelle collection, mais un amalgame de plusieurs tableaux issus de différentes collections, déjà exposés par le passé mais pas suffisamment pour que le public puisse les admirer. Réunies sous le titre générique “Ombrages”, ces gravures sont témoins d'une pratique artistique peu répandue. “La gravure est un art méconnu en Algérie. Cette discipline n'est enseignée qu'à Alger”, déclare le plasticien, expliquant les raisons de cette “exhibition” picturale. En fait, les œuvres picturales n'ont pas une limite de vie. Une collection doit tourner autant que possible, pour plus de visibilité d'une part, et de partage, d'autre part. Avec cette exposition, l'artiste Abderrahmane Aïdoud, qui n'est plus à présenter (il est artiste-peintre, graveur et professeur à l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger), renoue avec un art ô combien complexe, celui de la gravure. Un procédé qui, une fois maîtrisé, devient une représentation picturale à part entière, dévoilant des sensibilités, des thématiques, des visions, voire une mise à nu artistique sans balise aucune. Le regard est vite happé par les différentes représentations qui se dégagent des différentes gravures qui ornent la galerie d'art. Le visiteur peut à loisir découvrir mais surtout apprécier la minutie dans le travail et l'exécution. Occupant une surface blanche, les dessins – qui sont réalisés à partir d'une matrice que le public peut voir – paraissent fragiles, délicats tant la difficulté de l'exécution est perceptible. Un regard averti décèlera de suite l'originalité du travail qui s'inscrit dans le sillage de la pure tradition de la gravure d'antan (elle était anthropologique, essentiellement des représentations humaine). C'est également l'extrême difficulté dans la composition, qui du coup devient minimaliste : une réduction extrême des tons et des couleurs. Dans ce domaine, c'est le noir et le blanc qui accompagne le graveur dans sa création artistique. Une sorte de clair-obscur qu'Abderrahmane Aïdoud maîtrise à la perfection. De loin, le regard curieux pense à étalage succinct et successif de poussière de couleurs, allant de l'intense jusqu'au dégradé (un procédé obtenu grâce à l'acide) aboutissant à un effet de morsures, de stries, suggérant une perspective certaine. “Ces bariolages incroyables fixent la toile à travers les dédales de l'imaginaire flamboyant (…)”, écrit l'auteur Rachid Boudjedra à propos du travail d'Abderrahmane Aïdoud. Il le qualifie également d'authentique qui “frappe celui” qui le contemple. “Ombrages”, c'est un amas de formes, de silhouettes à l'esthétique très marquée, interroge le visiteur, l'interpelle à partir de sa sensibilité. Un travail de mémoire, que des titres suggestifs mettent en avant. Une technique tantôt de l'acqua-forte, tantôt de l'acqua-teinte, un procédé propre à la gravure. = “Ombrages”, exposition de gravures d'Abderrahmane Aïdoud, jusqu'au 15 juin, à la galerie Art 4 You (Alger).