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Babors : la liberté au bout du fusil
Publié dans Liberté le 23 - 10 - 2003


Après une décennie de terreur et d'incertitude
Babors : la liberté au bout du fusil
Le pire est arrivé en 1994 quand les groupes armés ont attaqué la localité au lance-roquettes. Ils ont détruit les sièges de la mairie, le dispensaire, des blocs d'habitation ainsi que la brigade de gendarmerie. Les gendarmes ont été leurs cibles privilégiées.
De Babors, il ne restait que les ruines et une population rescapée sans défense. Personne n'imaginait un tel drame.
Sidi Mansour est la seule avancée que les habitants des Babors — à 50 km de Sétif — ont effectuée en territoire ennemi en dix ans. Situé à la sortie du chef-lieu de la commune, ce quartier en parpaings, construit à la hâte, abrite les villageois des alentours, contraints à l'exil après la conquête de leurs hameaux par les terroristes. Pendant une décennie, ils regardaient impuissants leurs masures de pierres s'effriter tout comme l'espoir d'un retour improbable. Déracinés, séparés de leurs terres (leur gagne-pain), les malheureux paysans n'y croyaient plus. Dans les murs de la ville qui se referment sur leur lente agonie, ils ne souhaitent plus qu'une chose : survivre à une nouvelle offensive de la horde qui les obligerait encore à des retranchements, à l'exode. Les villageois n'y croyaient pas, ils n'y croyaient plus jusqu'à ce jour d'octobre 2003 où ils ont vu leurs agresseurs, ces voleurs de terre, quitter la montagne, désarmés et vaincus. “Ils sont passés par là entassés avec leurs femmes et leurs enfants dans des camions de l'armée”, raconte Zoheïr, la mémoire encore encombrée par cette scène qui s'apparentait à un mirage, tant la revanche du destin était inespérée. Comme il appartient aux hommes de forcer leur destin, la délivrance n'aurait pas été possible sans le déploiement d'une véritable armada qui a épouillé les reliefs touffus, inlassablement, à la recherche des indus occupants. “Pendant plusieurs jours, les hélicoptères sillonnaient jour et nuit la montagne. Il y a eu ensuite les détonations et le crépitement ininterrompu des balles”, témoigne Zoheïr encore tout retourné. Largement médiatisée, l'offensive de l'ANP dans les Babors a duré plus d'un mois. Au terme d'une campagne ardue, les bidasses sont parvenus à la reconquête des villages, de la forêt et des sommets sur lesquels flotte désormais l'emblème national.
Lundi 20 octobre. À l'entrée d'une école primaire du village de Béni-Bezzaz sur les hauteurs des Babors, un drapeau vert et rouge orne le portail. De jeunes soldats d'une unité de parachutistes à la tenue débraillée se reposent sous le préau. Détendus, ils laissent vaquer leurs esprits au son d'une douce mélodie raï que diffuse le poste-radio. Hormis le chant des oiseaux et le ruissellement de l'eau, les lieux étaient soumis auparavant à l'austérité de leurs maîtres. Dans toute la montagne à la beauté insolente, le deuil d'une Algérie bienheureuse et insouciante coulait ses larmes dans les maisons vides, en ruines, les champs dévastés et en jachère ainsi que dans cette école primaire qui se languit du retour des élèves. “Nous allons bientôt la quitter pour qu'elle soit réfectionnée et préparée au retour des enfants”, dit le chef de l'unité de parachutistes. Lieutenant de son état, notre interlocuteur a le visage fatigué mais l'engagement résolu. “Il faut réoccuper le terrain. C'est impératif”, souligne-t-il avec gravité. Mobilisé avec ses hommes depuis plusieurs semaines dans le maquis, il a pris part à “l'opération de nettoyage” qui a mené les troupes jusqu'aux cimes, à plus de 2 000 mètres d'altitude. Selon lui, bien que le gros soit fait, la libération totale des Babors exige de la persévérance et de l'endurance. Notre lieutenant invoque en cela la configuration géographique du site qui enfouit çà et là des retraites imprévisibles et dangereuses. Aussi, à la question de savoir si des terroristes sont encore cachés quelque part dans une casemate ou une grotte, il dessine avec le doigt un grand point d'interrogation. Les Babors ! Rien que le nom de ces montagnes constitue un affront à l'armée coloniale qui n'a pas pu venir à bout du mouvement de résistance dans cette région, même en usant des moyens les plus extrêmes. Les stigmates indélébiles de cette répression sauvage sont apparentes sur de grandes étendues brûlées au napalm. Depuis, aucun arbre, aucune herbe n'a poussé sur les cendres de la France défaite. A contrario, les autres reliefs épargnés par la hargne de l'armée hexagonale respirent la santé. Un peu trop d'ailleurs. Luxuriantes, les forêts se sont agrandies durant la décennie noire et extensible du terrorisme pour masquer l'empreinte des autochtones contraints à la fuite. Plus de chemin, plus de route, la végétation rampante a tout mangé, y compris l'asphalte et le tuf. “Cela fait dix ans que nous n'avons pas emprunté cette route”, confie Zoheïr. Sur le tronçon cahoteux qui mène au maquis, les branches enchevêtrées des arbres envahissants obstruent la voie à divers endroits. Depuis quelques jours, des cantonniers recrutés par la mairie, et des entreprises privées, se consacrent à la dégager. Munis de haches et de faucilles, ils s'acharnent sur les troncs et les branches. Au terme de son offensive, l'armée a rouvert la route pour permettre aux villageois de regagner leurs hameaux. “C'est un axe important qui nous permettait naguère de rallier Jijel et Béjaïa”, révèle encore Zoheïr. En effet, sur plus d'une trentaine de kilomètres, cette voie traverse Babors et se jette dans la Méditerranée. C'est dire le bonheur des habitants de pouvoir à nouveau l'emprunter. Zoheïr est monté jusqu'au sommet de la montagne où les militaires ont installé l'un de leurs campements pour regarder la mer. C'est la première fois qu'il la voyait de si haut. Petit, il allait en expédition dans la forêt avec des copains. Il se souvient y avoir rencontré des touristes allemands qui séjournaient dans des refuges au printemps. Zoheïr raconte aussi que les hommes des villages environnants fouillaient régulièrement la pierre à la recherche de l'or.
La région était réputée pour être une petite mine d'or avant de devenir, hélas ! “une grande mine de terroristes”. En se faisant l'écho de cette boutade, Khaled, un ami de Zoheïr, pousse un rire amer. Il s'esclaffe et tous ses compagnons de table l'imitent bruyamment. Dans l'un des cafés du village où ils s'abreuvent d'illusions, Zoheïr, Khaled et leurs compagnons d'infortune parlent de leur ville comme d'une prison dont les geôliers sanguinaires n'appréciaient qu'un seul art : la guillotine. “Ici, les appelés du Service national étaient égorgés comme des moutons”, rapporte Khaled. Il sait bien de quoi il parle car son propre cousin est passé sous la lame du couteau. Cela s'est passé il y a quelques mois. “Nous avons trouvé sa tête près de la maison”, relate Khaled. Egorgements, rackets…, les habitants de la commune ont survécu au pire. Le pire est arrivé en 1994 quand les groupes armés ont attaqué la localité au lance-roquettes. Ils ont détruit les sièges de la mairie, le dispensaire, des blocs d'habitation ainsi que la brigade de gendarmerie. Les gendarmes ont été leurs cibles privilégiées. De Babors, il ne restait que les ruines et une population rescapée sans défense. Personne n'imaginait un tel drame. Auparavant, les terroristes avaient, certes, manifesté leur présence en s'en prenant aux éléments des forces de sécurité. En 1993, ils avaient dressé un faux barrage sur la fameuse route vers Jijel au lieudit Chabat El-Katran. Bilan : deux gendarmes tués. Cet attentat perpétré relativement loin du chef-lieu de la commune n'avait pas alarmé suffisamment les populations et les autorités. Résultat, les terroristes sont venus pour tuer dans le cœur même de la cité. Prise de court, l'armée met en place dans la hâte un détachement militaire. Faute de locaux appropriés, les soldats sont installés dans l'unique Maison de jeunes de la commune. Ils sont secondés dans leur tâche par les Patriotes et la garde communale. Cependant, en dépit de cette défense renforcée du territoire de Babors, les terroristes accentuent leur fréquence de nuisance. “Riches ou pauvres, les gens devaient payer une dîme”, atteste Messaoud, agent dans une école. Il raconte le sort de ce voisin qui a vendu sa vache le matin au marché et s'est vu délester du fruit de sa transaction, le soir venu, par des hommes armés qui lui ont réclamé l'argent sous peine de le découper en petits morceaux. “Ils étaient au courant de tout. Si quelqu'un faisait des travaux chez lui, mettait du carrelage, ils venaient le dépouiller de ses économies”, confie notre interlocuteur. Ce dernier est catégorique. Selon lui, les terroristes ont prospéré grâce à des complicités locales. Plus que de simples accointances, des jeunes désœuvrés n'ont pas résisté aux psalmodies des “moudjahidine” hirsutes. Notre interlocuteur évoque le cas du fameux “émir” Bettache originaire de Rdjia, un village voisin. Celui-ci avait semé la terreur chez les habitants en envoyant ses hommes, dont son lieutenant, son propre frère, les détrousser. Outre l'argent, les terroristes accaparaient les provisions pour l'hiver de la communauté, les sacs de semoule, l'huile, le mazout, etc. Ils emportaient les vivres sur des baudets qu'ils volaient aussi. Quand les militaires ont assailli leurs retraites, ils ont trouvé les malheureux animaux dans un château d'eau abandonné, transformé en écurie. Debout dans la montagne comme l'une des rares traces de la vie humaine, l'édifice porte les empreintes d'une bataille rude entre les militaires et les “barbus”. Sur les murs, les impacts de balles sont incalculables. Pendant des jours et des jours, le bruit des accrochages violents a rythmé la vie de la population de Babors. “Ce n'est pas la première fois qu'il y a une opération de ratissage mais celle-ci était la plus longue”, dit Messaoud. La vie de tous les habitants était suspendue au résultat de cette offensive d'envergure. Les résidants du chef-lieu de la commune en avaient assez du couvre-feu imposé par la horde et qui les contraignait à rentrer chez eux et à verrouiller leur porte au crépuscule. Les exilés, quant à eux, étaient consumés par la nostalgie. Ils rêvaient de retrouver leurs champs et leurs pâturages. Zoheïr et sa famille sont de ceux-là. En 1996, ils ont quitté leur maison après une tentative infructueuse des terroristes de tuer l'oncle, garde champêtre. Sur la route vers le maquis libéré, le jeune homme désigne du doigt la masure abandonnée. Elle est située dans un îlot d'habitations éparses tout aussi vides et solitaires. D'autres îlots parsèment çà et là les reliefs montagneux. Comme prélude au retour des habitants, une présence militaire accrue est manifeste. Leur mission accomplie, les unités de parachutistes cèdent peu à peu la place aux troupes de l'armée de terre. Des guérites en parpaings, des baraquements sont montés à la hâte pour la mise en place des postes avancés. Incontestablement, l'armée réoccupe le terrain. De toute l'armada déployée pour les besoins de l'assaut contre les terroristes, des engins du génie militaire sont encore stationnés devant la Maison de jeunes de la commune.
Dimanche dernier, le patron de l'opération Babors, le général Saïd Bey, chef de la Ve Région militaire, a convié ses hommes à un déjeuner festif. Chez les habitants de Babors, les festivités sont organisées autrement. Par groupes, les jeunes et les moins jeunes vont en pèlerinage dans la montagne, ce paradis autrefois perdu, respirer l'air de la liberté. Cet air de liberté qu'une femme étouffée dans son djilbab a humé aussi. Veuve de terroriste, elle a été empêchée de quitter le maquis avec ses enfants. Une fois libérée par l'armée, la prisonnière n'avait plus qu'un désir, enlever son voile.
S. L.
Il tuerait encore s'il le pouvait
La réplique du terroriste
Après leur capture par les militaires, les terroristes, leurs femmes et leurs enfants ont été emmenés dans l'unique hammam de la commune de Babors. Leur arrivée au bain dans les camions de l'armée a suscité la curiosité de la population et l'attroupement des badaux. Comme les autres, Zoheïr a accouru pour voir de près dans leur déchéance ceux qui ont, des années durant, martyrisé les siens. Au cours de ce défilé pour le moins inédit, il est interpellé par un échange de propos entre un des soldats affectés à la surveillance du groupe et un terroriste qui venait de sortir du bain, propre comme un sou neuf : “Nous auriez-vous traités aussi bien si nous étions tombés entre vos mains ?”, demande le soldat. “Je ne pense pas”, réplique sèchement son interlocuteur.
S. L.
Pas de travail, pas d'eau, pas de gaz…
“Ici, nous sommes tous des chômeurs !”, dit Hamid en balayant du revers de la main la foule juvénile amassée devant la table du café où il est assis avec un groupe d'amis pour siroter un café et tuer l'ennui. L'arrivée des journalistes attire d'autres oisifs qui profitent de cette occasion pour hurler leur état d'abandon et fustiger les autorités, indifférentes. “Zerhouni — le ministre de l'Intérieur — est venu il y a quelques mois pour inaugurer quelques logements et repartir”, dit l'un. Un autre renchérit : “Lors de sa dernière visite à Sétif — au mois de juillet —, le président de la République s'est arrêté à Aïn Kebira — une localité voisine — On l'a dissuadé de venir ici pour sa sécurité.” En situation de déperdition, les jeunes de Babors lancent un véritable SOS. En désespoir de cause, certains n'ont pas hésité à s'exiler, chassés cette fois-ci part la faim. Ils ont émigré dans la capitale et occupent des emplois précaires dans quelques chantiers. “Si vous allez à Birkhdem, vous remarquerez que tous les zouafra (ouvriers) sont originaires de Babors”, nous dit-on. Quant aux autres, ceux restés au pays et ne disposant même pas de l'argent du voyage jusqu'à Alger, ils attendent le salut. Ironie du sort, l'espoir est venu du maquis. En effet, pour les besoins de l'opération de déforestation et de débroussaillement entamée ces derniers jours, les autorités locales ont embauché des jeunes. Mais après quelques jours de travail et en l'absence de la rémunération promise, beaucoup ont rangé leurs outils. De nouveau, c'est l'attente. Les fils de paysans s'impatientent de renouer avec le travail de la terre, l'unique source de subsistance dans cette localité rurale. Pendant dix ans, cette terre interdite était accaparée par les groupes armés. Dans une parcelle du maquis, subsiste un potager d'où se nourrissaient les terroristes. Pour se réchauffer durant l'hiver, ils disposaient d'un bois à volonté alors que les populations tenues prisonnières dans la ville se disputaient des bouteilles de gaz butane fort rares.
S. L.


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