Spécialiste des médias, Frédéric Lemaire, tente dans ce billet de démontrer qu'à l'ère d'Internet et de la liberté d'expression pour tous, quand les médias décident de museler l'information, ils sont aussi efficaces qu'avant le numérique, voire encore plus efficaces. Le mouvement d'occupation de Wall Street, débuté fin septembre, a rapidement pris de l'ampleur. Le 6 octobre, des campements ont vu le jour dans près de 146 villes états-uniennes. Ce mouvement s'est heurté au quasi-silence des grands médias américains, voire à la morgue et au mépris des plus conservateurs d'entre eux (et particulièrement de Fox News, du magnat Ruppert Murdoch). La critique des médias s'inscrit au cœur du mouvement… I. Black-out Face au silence médiatique (“black-out”), c'est une critique acerbe du rôle des grands médias (“Mainstream Media”) qui s'exprime, d'abord sur les pancartes de manifestants. Quelques exemples. II. Occupy Media Le “black-out” médiatique initial a rendu particulièrement précieux le développement de médias alternatifs, en ligne notamment. C'est le cas du Occupied Wall Street Journal. Un documentaire, tourné par un collectif de réalisateurs de Brooklyn, revient sur le rôle joué par les médias indépendants dans le développement du mouvement. Outre le rôle des médias alternatifs, la critique des médias est loin d'être absente des préoccupations des activistes, comme en témoigne l'initiative “Occupy Mainstream Media” (“Occupons les médias dominants”). Nous reproduisons ici sa présentation : “Depuis les années 1990, la concentration dans l'industrie des médias s'est accélérée de manière alarmante, contribuant à favoriser la mise en avant d'intérêts privés avant ceux de la population, à réduire la liberté d'expression et à menacer la démocratie. Qu'est-il advenu du pluralisme ? De la liberté de la presse ? De la libre circulation des idées ? Depuis que Bagdikian a publié le désormais classique “Monopole des médias”, en 1997, le nombre de grandes entreprises de médias est passé de 50 à 6 en 2010. Tout se passe comme si le champ des possibles était inéluctablement restreint, au profit d'un pseudo “consensus”. Le même phénomène, qui s'observe en Europe, Asie et ailleurs, est renforcé par le contrôle sur Internet, sur les fréquences hertziennes et les frontières – comme une mauvaise farce. Et pour finir cette critique de l'industrie des médias sous forme d'une reprise parodique d'une affiche de guerre (“Vous écrivez ce qu'on vous dit d'écrire ! Merci, l'industrie de l'information, nous ne pourrions pas contrôler le peuple sans vous”) : Ce que veulent faire les caméras de surveillance Notre visage : l'enjeu biométrique de demain Partout dans la capitale algérienne et ailleurs dans les grandes villes d'Algérie, on voit pousser de grands poteaux métalliques avec de grosses armoires chromés puis au sommet, on voit fleurir une, deux, trois ou un bouquet de caméras de surveillance… Georges Moréas, commissaire principal honoraire de la police nationale française s'est penché, dans son blog (moreas.blog.lemonde.fr), sur l'utilité de ses caméra de surveillance. À la différence des empreintes digitales ou ADN, notre visage ne laisse aucune trace tangible, et pourtant, par la magie d'une formule algorithmique, on peut aujourd'hui créer l'empreinte informatique du visage. Et si l'on s'interrogeait sur l'utilité des caméras de surveillance, la réponse est tombée : demain, la reconnaissance faciale va les… rentabiliser. Certes, les résultats de la reconnaissance faciale ne sont pas aussi probants que ceux obtenus par les empreintes papillaires, mais le pourcentage d'erreur est toutefois acceptable. Bien loin du début des années 2000. Epoque où le système avait été expérimenté en Floride, pour finalement se terminer par un fiasco. Le porte-parole de la police avait alors dit, en résumé : “Nous n'avons arrêté aucun criminel.” Ce truc ne sert à rien. Autres temps... De nos jours, le procédé est amplement utilisé aux E-U, soit pour “filtrer” les arrivants, dans les principaux aéroports, en fonction de leur apparence ethnique, soit pour détecter des suspects. On dit même qu'un logiciel scruterait le visage de chaque visiteur de la statue de la Liberté... Et bientôt (si ce n'est déjà fait) les policiers américains pourront télécharger une application IPhone qui leur permettra d'identifier un individu, simplement en le prenant en photo. Cela dit, lorsqu'on sait que là-bas les contrôles d'identité se font souvent la main sur la crosse du calibre, je me demande comment ils vont procéder… Au Québec, ce sont les casinos qui sont sur la sellette. On leur reproche d'utiliser cette technique pour détecter les clients indésirables. Et la reconnaissance faciale pourrait être utilisée pour les JO de Londres. Même si le sujet fait débat en G-B. Facebook pour aider les policiers Donc, en associant les caméras de surveillance à un logiciel de reconnaissance des visages, il sera possible d'identifier les gens instantanément. Mais, pour cela, il faut une base de données, c'est-à-dire un fichier regroupant l'empreinte faciale d'un grand nombre de personnes. Le plus possible. Il semblerait que la CIA en ait trouvé une inespérée et entièrement gratuite : les centaines de millions de photos de Facebook. Sans nos petits secrets, que deviendrions-nous ? En France (comme en Algérie d'ailleurs, ndlr), la tentation est forte d'utiliser la future carte d'identité biométrique. D'où, sans doute, les réserves formulées par la Cnil sur l'utilisation qui pourrait en être faite. Car elle comportera la photo et l'empreinte papillaire de huit doigts. (Pourquoi huit ? Sans doute pour simplifier le travail, car il est quasi impossible de mettre à plat les cinq doigts de la main en même temps.) Qu'on se rassure, pour l'instant, pas question d'enregistrer l'ADN. Ce que certains, sans doute, regrettent. On se souvient, il y a quelques années, des déclarations de M. Estrosi qui voulait prélever le code génétique de tous les nouveau-nés... Il faut faire attention, nous dit la CNIL, car les données biométriques ne sont pas des données comme les autres. Elles ne sont ni attribuées ni choisies, mais produites par le corps lui-même. En deux mots, elles sont propres à chacun, elles sont immuables, elles sont nous. Et en les mettant en boîte sans s'entourer de sérieuses garanties, on prend le risque de mettre à jour notre moi profond. Et sans nos petits secrets, que deviendrions-nous ? Tous identiques. Tous dans un même uniforme, nous serions de bons petits soldats. Et de Gaulle serait content, nous mangerions tous le même fromage. En matière de police judiciaire, les avancées seront certaines. Il existerait, à titre expérimental, un système facilement transportable (une valise à roulettes) capable “d'aspirer” les données enregistrées par les caméras de surveillance. Ce qui permettrait de suivre, par exemple, le trajet emprunté par la victime d'une agression. En repérant, un individu en plusieurs endroits de son parcours, on tiendrait un suspect. Et l'empreinte de son visage serait exploitée par un logiciel de reconnaissance faciale qui permettrait soit de l'identifier, s'il est fiché, soit de suivre son trajet pour le localiser. Mais le risque, évidemment, c'est de fliquer toute la population. L'étape suivante sera peut-être la programmation neurolinguistique (PNL), que la série américaine Lie to me a mis en scène d'une façon caricaturale. En numérisant certaines expressions ou certains gestes, sera-t-il possible un jour de détecter sur un visage, la haine, la violence, la colère, la peur, l'envie, le mensonge… Les entrepreneurs sont aux aguets. Il y a là de formidables marchés à prendre. Si l'on peut comprendre l'utilité dans une grande surface pour tester les réactions des clients ; en matière de police, les résultats paraissent beaucoup plus incertains. La PNL ne va pas remplacer le détecteur de mensonges – qui n'a d'ailleurs jamais remplacé la perspicacité d'un bon flic. Ces objectifs de caméras qui, sans arrêt, nous épient ont un impact certain sur notre comportement. Qu'en sera-t-il demain, lorsqu'ils suivront nos déplacements de manière… nominative ? Je n'ose l'imaginer. Y. H.