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Sale temps pour les Patriotes
Les Héros de la Mitidja livrés à leur sort
Publié dans Liberté le 15 - 11 - 2003

Ils se jugent “encombrants” pour les visées “concordistes” de Bouteflika. À les croire, un second mandat de l'actuel locataire d'El-Mouradia laminerait définitivement ce corps de plus en plus marginalisé. Déjà, une opération de “dégraissement” a touché une partie de leurs effectifs. Ils ont affronté un ramadan particulièrement pénible pour n'avoir pas perçu leur solde depuis quatre mois. Bref, ils voient flou. Ils menacent d'occuper la rue.
Les Patriotes de la Mitidja sont en grogne. Et pour cause. Un millier d'entre eux n'ont pas perçu leur solde depuis le mois de juillet dernier. Ils ont affronté le mois de ramadan à sec. Avec l'Aïd qui se profile, leur situation se corse davantage. “Certains n'ont que de la soupe de lentilles à se mettre sous la dent”, témoigne un patriote. “La plupart ont une famille nombreuse à charge, et sont criblés de dettes à force de faire leurs courses à crédit. Jusqu'à quand les commerçants vont-ils nous supporter ?”, se demande notre interlocuteur. Le comble, c'est que, nous assurent nos sources, “le chèque a bel et bien été signé, et ce, depuis plus de deux semaines. Or, au jour d'aujourd'hui, seul un groupe de Meftah a perçu sa solde. Les autres attendent qu'un officier des finances daigne se décider à nous verser notre traitement !”
En fait de “traitement”, il faut savoir qu'un Patriote touche 11 000 DA nets. Paie, prime ou indemnité ? Allez savoir ! “Nous n'avons ni Sécurité sociale ni droit à la retraite. À la limite, un épicier peut nous vendre à crédit. Ce n'est pas le cas du pharmacien, surtout quand le médicament coûte cher. Or, ils sont légion les Patriotes qui ont contracté des maladies onéreuses. Aucun de nous n'est sorti indemne de cette guerre. Qui traîne une blessure à vie, qui a contracté le diabète, un tel le cœur et tel autre la tuberculose”, lance, amer, un ancien cadre des Patriotes de la Mitidja. Le cas des Patriotes “retraitables” pose particulièrement problème. Ces vaillants baroudeurs, qui n'ont pas hésité à abandonner terre, travail, confort et famille pour aller guerroyer contre Zouabri et consorts, se retrouvent aujourd'hui dans une situation des moins enviables.
“Imaginez que cela fait dix ans depuis que j'ai quitté l'entreprise où je travaillais. Est-ce qu'on va me comptabiliser à mon actif ces années de résistance contre le terrorisme ? Non monsieur. Pour eux, j'ai déserté mon poste. Et donc, toute mon expérience professionnelle est partie dans le vent. Pour mon entreprise, pas de cotisation, donc pas de retraite !”, affirme l'un d'eux.
123 Patriotes “dégradés” GLD
Certains Patriotes avancent même que les plus âgés d'entre eux vont être tout bonnement remerciés, “sans même daigner les honorer d'une petite collation solennelle, comme dans les cérémonies folkloriques chères à nos officiels”. Il faut noter, en tout cas, qu'une importante opération de “dégraissement” des effectifs de ce corps paramilitaire a commencé. Ainsi, dans les localités où le “calme” est revenu et le niveau de sécurité jugé satisfaisant, les Patriotes se sont vu reléguer au rang de GLD. La différence est de taille : un Patriote relève du commandement de l'ANP. Les groupes des Patriotes sont sous le contrôle direct du DRS par le biais des CTRI (Centres territoriaux de recherche et d'investigation). Ils sont encadrés par des officiers opérationnels, et leurs opérations interviennent en soutien direct à celles de l'ANP. En revanche, un élément d'autodéfense est, comme son nom l'indique, un simple citoyen armé par l'Etat pour parer à une éventuelle menace terroriste autour de sa maison ou de son village. Au niveau numéraire, même si la “solde” du Patriote est discutable, c'est tout de même de l'argent. Auxiliaire de l'armée, il est malgré tout rémunéré. Ce n'est pas le cas du GLD. Selon des sources proches des Patriotes de la Mitidja, 123 éléments ont été relégués au “statut” de GLD. Le message est lourd de sens : pour les Patriotes, “nous sommes des éléments encombrants. Après tout, c'est dans l'air du temps : nous gênons le projet de Concorde nationale si cher à Bouteflika !”
Cette politique de “dégraissement” est maquillée, nous dit-on, par l'argument de la double fonction. Certains Patriotes jouiraient d'autres ressources. “Faux !”, ripostent les concernés. “Il est vrai que, durant la belle époque, d'aucuns parmi nous avaient des biens, des jardins, des véhicules de transport ou des commerces. Mais avec le terrorisme, nous avons tout perdu.
Quant à ceux qui, soi-disant, continuent à percevoir leur salaire, ils se comptent sur le bout des doigts. La plupart d'entre nous — soyons réalistes — ne peuvent plus réintégrer leur ancien emploi. Mine de rien, cela fait quand même dix ans que cela dure. Du reste, la majorité des résistants de la Mitidja étaient tous des paysans. Et puis, les 11 000 DA que nous percevons constituent-ils une paie ? Que nenni ! En réalité, il s'agit d'une indemnité. Et puis, s'ils sont si regardants sur nos sous, pourquoi ils ne voient pas ce que les gros bonnets, les ministres et les généraux possèdent ?”
Autre fait qui corrobore ce désengagement progressif mais sûr de l'autorité militaire et de l'autorité politique : depuis un peu plus de trois mois, tous les Patriotes, y compris ceux qui avaient des responsabilités (coordinateurs, chefs de groupe, etc.), se sont vu retirer leur arme de poing. “C'est aberrant ! Sous prétexte d'être menacé, le repenti, lui, est blanchi, logé, nourri, payé, avec, en prime, le droit de garder son arme ; et le Patriote est désarmé ! C'est scandaleux !”, s'indigne un Patriote. Un autre de faire remarquer : “Les gros importateurs, eux, ont la paix. Ils ont toute une armada dans leurs demeures et personne ne les a jamais inquiétés, parce que, eux, ils achètent ce qu'ils veulent et qui ils veulent !”
Une pensée pour Zebiche H'midat
Les Patriotes estiment que même si c'est un fait avéré que la sécurité est revenue, une situation — on ne le répétera jamais assez — à laquelle ils ont largement contribué, leur vie n'en est pas pour autant à l'abri, surtout dans les périodes de baisse de vigilance et d'euphorie collective qui accompagnent les moments de tranquillité.
Ils en veulent pour preuve ce qui est arrivé jeudi dernier à feu Zebiche H'midat. Cet ancien Patriote a été froidement assassiné en plein centre-ville de Boufarik par quatre délinquants faisant littéralement dans le crime organisé. Zebiche H'midat, 37 ans, avait, à son corps défendant, empêché, le lundi 3 novembre, cette bande de malpropres de sévir dans le marché de gros de Boufarik où ils s'apprêtaient à commettre un forfait.
Il convient de souligner que le défunt, un Patriote de la première heure converti au corps des gardes communaux, était intervenu à ce titre. Le jeudi 6 novembre, aux environs de 13h, les quatre malfrats le guettent. Ils le suivent et se ruent sur lui mais sans trop de dégâts. L'ancien Patriote s'en tire avec une blessure qui lui vaudra sept jours d'incapacité. Il dépose plainte auprès de la compagnie de Gendarmerie nationale et rentre chez lui. Vers 16h, alors qu'il sortait de son domicile en tenue pour aller reprendre son poste, les assaillants le suivent et l'accostent à hauteur de la salle Le Colisée. Ils l'ont tué à coup de couteau. Zebiche H'midat a laissé derrière lui une femme et trois petites filles. Il n'a pas pu se défendre parce qu'il n'avait pas d'arme de poing, estiment ses camarades, même s'il a réussi à blesser un des assaillants avec une baïonnette.
Les Patriotes se déchaînent : “Si nous avons effectivement vaincu le terrorisme, nous sommes loin de venir à bout de l'insécurité qui ravage la ville. Boufarik compte plusieurs BMPJ, un effectif pléthorique d'uniformes de tout acabit, entre policiers, gendarmes, militaires et gardes communaux, et malgré cela, le banditisme fait rage.
Des jeunes sans foi ni loi écument les marchés, armés de sabres et de bombes lacrymogènes, et agressent les citoyens au vu et au su de tout le monde. Nous, nous sommes capables de les arrêter comme nous avons arrêté pire qu'eux !”
La tragique disparition de Zebiche H'midat, enterré vendredi dans l'indifférence générale des responsables civils et militaires, aura été comme la goutte qui a fait déborder le vase. Les Patriotes se sentent floués, menés en bateau. “Il y a ceux qui détruisaient les ponts, les écoles et massacraient les bébés. Et il y a ceux qui protégeaient les ponts, les écoles et les bébés. Comment les mettre sur le même pied d'égalité ? Pis, le repenti se pavane aujourd'hui comme un nabab, en brandissant le papier de Bouteflika, et moi, je n'ai aucun texte qui garantisse mes droits. Demain, si j'ai un différend avec un ex-terroriste et que l'on se présente devant le juge, il va me dire “tu n'as pas le droit de lui chercher des noises,” et le terroriste aura gain de cause. Si j'ouvre ma gueule, je vais en taule”, fulmine un résistant. D'ailleurs, il convient de noter que quelque 133 Patriotes sont détenus dans les prisons pour des délits jugés “mineurs” par leurs camarades. Pour nombre d'entre eux, leurs familles sont dans le dénuement. “On a jeté des Patriotes en prison pour avoir chipé quelques oranges dans les vergers !”, témoigne-t-on.
Un statut ou rien
Aujourd'hui plus que jamais, au moment où, constatent-ils, l'amnésie semble entamer les mémoires, les Patriotes revendiquent avant tout un statut. Ils en font, d'ailleurs, leur cheval de bataille pour “négocier” leurs voix en prévision de la présidentielle. “Nous ne roulons ni pour x ni pour y. Le candidat qui nous garantirait nos droits, celui-là aura nos faveurs”, disent-ils. En fait de statut, ils exigent au premier chef d'être fixés : corps paramilitaire ? Civils assimilés ? Chair à canon ?
Ils n'ont ni les droits sociaux des premiers ni les droits politiques des seconds. Ils auraient volontiers créé leur “syndicat des Patriotes” mais le DRS les a à l'œil : pas de politique... Pourtant, ils n'ont ni uniforme, ni moyens, ni même pas des bottes décentes. Et avec cela, ils sont les premiers à aller au charbon.
Car il faut savoir qu'à aucun moment, ils n'ont suspendu leurs activités, continuant à sécuriser des tronçons dangereux, embusqués dans le noir et l'humidité. “Nous voulons un texte qui nous garantisse nos droits et les droits de ceux que nous avons perdus. J'ai commencé avec 150 hommes. Aujourd'hui, il n'en reste plus que 30. Les autres sont ou morts, ou amputés, ou devenus fous. Qui se souvient d'eux ?”, assène un ancien cadre. Ils veulent réintégrer dignement leur emploi pour ceux qui le veulent, ou pour les plus jeunes d'entre eux qui n'ont ni travail ni formation, pouvoir jouir d'un micro-crédit, ou être recrutés en priorité dans les nombreuses sociétés de gardiennage qui poussent comme des champignons à l'initiative de généraux et autres colonels à la retraite.
“Le problème, c'est que le gros des troupes manque de culture politique”, reconnaît un Patriote de Haouch Gros. L'association qui est censée les représenter est une coquille vide. “Elle a été créée de toute pièce par le DRS pour mieux nous contrôler”, confie une source sous cape. Peut-être que la mort tragique de H'midat Zebiche va-t-elle sonner le déclic plutôt que le glas de ces soldats d'honneur ?
M. B.


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