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Les Moulins de R'haouat
Publié dans Liberté le 25 - 11 - 2003

R'haouat, petite bourgade de la commune de Hidoussa, perdue au plus profond du pays chaoui, possède, à ne pas en douter, l'une des plus belles vallées d'Algérie. Cela ne l'a pas rendue célèbre pour autant. Pourtant, des atouts, elle n'en manque pas, R'haouat. À commencer par ces fameux moulins à eau qui lui ont donné son nom.
A l'origine, une source joliment nommée Aïn Titaouine, ou la source des yeux. Elle jaillit puissamment d'une anse rocheuse cernée par une petite falaise et forme une petite mare avant de s'élancer dans le lit de l'oued. Il n'y a pas longtemps, une autre source plus en amont créait ici une belle cascade mais, à cause de travaux pratiqués à proximité, la source s'est tarie. Cependant, d'autres sources, tout près de la principale, alimentent le joli petit ruisseau qui serpente tout au long de cette vallée. Sur ses berges, à droite comme à gauche, des petits vergers luxuriants bordés par des haies de ronces, de mûriers sauvages, de peupliers et de saules. Il y a dans ce petit paradis bucolique divers arbres fruitiers, notamment des abricotiers, des pommiers, des grenadiers, des figuiers et surtout des noyers. De majestueux noyers comme vous n'en verrez jamais ailleurs et certains sont d'un âge plus que respectable.
Le ruisseau glougloute, l'eau est limpide et n'est troublée que par le plongeon de grenouilles vertes effarouchées par notre passage. “Leur présence et celle du cresson, une petite plante aquatique, un indicateur de la qualité de l'eau”, nous apprend M. Lâabed, directeur du Parc national du Bélezma et notre guide dans cette expédition champêtre.
Ici, aucun bruit de voiture, aucune nuisance sonore ne vient troubler le murmure du vent dans les arbres, le chant des oiseaux ou celui du ruisseau. Pour déstresser loin du vacarme de la ville, c'est souverain. C'est un petit éden que le verger dans lequel nous faisons halte pour nous reposer. Il appartient à la famille Yekhlef et compte une vingtaine de grands noyers ombragés que le soleil a beaucoup de peine à percer. Nous nous affalons sur la pelouse pour savourer le repas que cette famille nous offre gracieusement. Un ragoût de pommes de terre, des piments pilés et cette bonne galette chaouie bien savoureuse. Comme dessert, nous aurons droit à des dattes, des pommes et des noix. L'hospitalité chaouie n'est pas un vain mot, tout au long de notre périple, on nous offrira des pommes, des grenades, du miel, des grappes de raisin et toujours le sourire et cette poignée de main franche et chaleureuse pour nous souhaiter la bienvenue.
“Les noyers sont un écotype qu'il faut absolument protéger”, nous dit M. Lâabed. “Cet arbre a été introduit il y a plusieurs siècles et s'est très bien acclimaté. Il y a plusieurs sites comme ça à R'haouat et ils peuvent devenir des pôles d'attraction.” Notre guide plaide ensuite longuement pour l'agrotourisme. Ce concept, selon lui, s'appuie sur une introduction prudente de touristes et de visiteurs qui découvrent un circuit et des petits parcours pédestres comme celui de R'haouat. Parallèlement, ils peuvent consommer des produits locaux garantis bio comme les fruits de saison et les plats traditionnels et se reposer sous les majestueux noyers. “Cela ne nécessite pas forcément de grands moyens et ce n'est pas non plus le tourisme de masse qui altère les sites naturels. Les touristes suivent des chemins pédestres et botaniques et, à ce propos, au parc de Bélezma, nous avons créé 29 chemins pédestres”, ajoute encore M. Lâabed.
Tout au long de cette étroite vallée, arrosée par des petits canaux d'irrigations et des rigoles, la moindre parcelle de terre est cultivée. C'est un paysage de vergers et de minuscules plantations de maïs ou des petites prairies où sommeillent deux ou trois moutons ou quelques vaches placides. La vie à R'haouat s'écoule paisiblement. Comme l'eau de son ruisseau. Il n'y a que des chemins pédestres. De quoi ravir le touriste de passage, mais ce qui n'est pas du tout du goût des habitants qui ont du mal à se déplacer. Ici, l'hiver est rude. Il neige dru et, comme en témoignent les fagots de bois devant chaque maison, tout le monde a déjà pris ses précautions pour affronter les grands froids de janvier. “Ecris dans ton reportage que nous manquons de pistes et que nous n'avons pas le gaz de ville”, nous dit M. Djematti, le maire du patelin, qui a tenu à nous accompagner. Un vieux fellah au turban impeccable et au visage buriné vient à notre rencontre et nous salue. “Mata hellam ?” (comment ça va ?), s'enquiert l'édile du village. “ça va bien, mais on manque de routes”, rétorque malicieusement l'aïeul aux mains calleuses. “Il leur faut le gaz de ville à cause du froid qui règne ici en hiver, mais aussi afin de préserver le bois des forêts”, précise M. Lâabed en bon écologiste qu'il est. Il est vrai que le gaz de ville épargnerait grandement le gaz des champs qui n'est ici que le précieux cèdre de Bélezma sur lequel il veille.
Monsieur le maire revient à la charge. “Il nous faut une route de Hidoussa à Béni Mekhlouf. Les paysans font un détour de 70 km par Oued Chaâba et Aïn Touta pour accéder à leurs champs.” Effectivement, la piste qui existe actuellement s'arrête net au pied de quelques vergers, vaincue aussi bien par le relief accidenté que par l'indifférence d'un pouvoir central qui n'est préoccupé que par le confort des privilégiés de Club-des-Pins et d'ailleurs. Sous nos yeux, au-dessus d'un promontoire rocheux, s'étale une vallée encaissée où l'on découvre l'un des plus beaux sites du pays. Une succession de vergers luxuriants et de l'eau qui coule avec fracas partout avant de s'engouffrer dans des gorges étroites. Perplexes, on se surprend à penser que si la région est aussi belle à la fin de la saison sèche, elle doit resplendir et rayonner pleinement au printemps.
Tout près d'une coquette maison, à l'ombre des noyers, nous attend une surprise. Des vestiges romains ! Des dalles de pierre ornées de motifs sculptés et une curiosité que M. Lâabed, en fin connaisseur de la région, nous présente comme un antique moulin à olives. L'objet, taillé dans de la pierre poreuse, ressemble à un pilon en forme d'entonnoir avec deux sorties sur les flans dans sa partie inférieure. C'est incontestablement une antiquité que n'importe quel musée se ferait une joie de compter dans sa collection et elle dépérit là au gré des intempéries et du temps qui passe. Bienheureux pays qui se permet le luxe de snober ses trésors archéologiques !
Ici, il n'est pas rare qu'un paysan qui travaille sa terre tombe sur un vestige architectural et il se murmure que la vallée recèlerait un trésor archéologique enfoui dans ses tréfonds. Cependant, les autochtones, qui n'ont aucune envie de voir leurs champs retournés sens dessus dessous, n'en parlent qu'à demi-mot. Mais il est connu que les Romains se sont toujours installés là où il y avait de l'eau, et de l'eau, ici, il n'en manque pas. Cette eau, il n'y a pas bien longtemps, faisait tourner quatorze moulins disséminés tout au long de cette vallée. Les minoteries de Batna étant trop éloignées, on faisait moudre son grain sur place. La plupart de ces moulins sont, aujourd'hui, en ruine ou dans un état lamentable. Nous visitons celui de L'hadj Ahmed Kebbab. Le seul qui soit encore en état de marche mais qui n'a pas fonctionné depuis 1992.
Le moulin de R'haouat, thassirth comme on dit ici, n'a rien à voir avec le moulin à eau avec une grande roue tel qu'on le voit en Europe. C'est un ingénieux système bien de chez nous. L'eau détournée du ruisseau arrive par un canal jusqu'au moulin, une pièce généralement construite en toub ou en pierre avec un toit de planches. Elle pénètre par un orifice étroit dans la partie inférieure du moulin et fait tourner une roue dentée qui entraîne un engrenage qui fait tourner une meule en pierre. “Ces meules, on les ramenait de la région de Béjaïa”, nous précise le vieux meunier aux cheveux blancs qui n'hésite pas, malgré un âge canonique, à manipuler la lourde meule pour nous montrer comment ça marche. Au-dessus de la meule, un entonnoir en bois dans lequel les céréales sont versées. Pour arrêter le tout, il faut tirer sur une ficelle ou une chaîne qui enclenche un couperet en bois qui détourne l'eau vers le ruisseau et pour avoir, selon le désir du client, un produit finement ou grossièrement moulu, il faut jouer sur une autre planche qui soulève de quelques millimètres la meule de pierre. Simple et efficace.
De l'eau, du bois, de la pierre et un peu de génie et voilà toute une industrie qui tourne. Aujourd'hui, tout est abandonné et ces moulins quand ils ne tombent pas complètement en ruine deviennent des remises, des greniers où l'on fourre tout ce qui est encombrant. Bienheureux pays qui laisse un savoir-faire, un patrimoine national, une culture mourir dans l'indifférence ! Ailleurs, un tel trésor aurait fait l'objet d'une attention soutenue, d'une restauration et d'une réhabilitation. Il aurait doublement servi. Et le tourisme et la mémoire collective.
Dans quelques années, il ne restera plus rien de ces moulins et les nouvelles générations ne sauront même pas ce qui a donné son nom à R'haouat, car d'ici à ce que l'on décide de les restaurer, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts de Oued Aïn Titaouine.
D. A.


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