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La Grande Mosquée d'Alger (1re partie)
Coût faramineux et minarets superflus
Publié dans Liberté le 24 - 03 - 2012

Nous diffusons à compter d'aujourd'hui une série d'articles sur le projet de la Grande mosquée d'Alger, ses motivations, son intérêt et ses conséquences socio-économiques sur le pays.
Les Chinois construiront la Grande mosquée d'Alger. C'est la société China State Construction Engineering Corporation (CSCEC) qui a remporté le marché de réalisation dont le contrat a été signé le 28 février dernier. Présent à la cérémonie de signature, le ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamallah, a jugé utile d'ajouter, vu ses grandes compétences en histoire de l'art et de l'architecture, que la Grande mosquée d'Alger était un édifice "exceptionnel" et qu'elle "n'avait pas d'équivalent dans le monde pour ses volets religieux, touristiques et économiques" ! La pique concerne-t-elle la Mosquée de la Mecque ou bien est-ce là une énième inconséquence d'un ministre qui a néanmoins dit cette seule chose vraie qu'à travers ce projet le président Bouteflika "veut laisser une trace" ? En jetant l'argent public par la fenêtre ! Dans le même discours, ce ministre dont on ne compte plus les contradictions a également dit que l'Algérie ne manquait pas de mosquées !
La première chose à préciser dans la présente étude est que l'inutilité d'une méga mosquée est flagrante d'autant qu'il n'y a pas de déficit en la matière à Alger, en tout cas pas au point de lancer un projet aussi fou et démesuré : selon les statistiques réalisées en 2006 par le département ministériel de Ghlamallah, l'Algérie disposait déjà de 39 876 lieux de cultes et salles de prière dont 14 659 mosquées. Pour remplir le nouvel édifice d'une capacité de 120 000 fidèles faudrait-il vider les mosquées d'Alger ou bien ramener les fidèles par bus entiers depuis leurs lointains quartiers et villages ? Ou encore faudrait-il inventer un pèlerinage pour ce nouveau lieu de culte ? Qui ira jusqu'à Mohammadia pour faire sa prière, même un jour de l'aïd ou peut-être surtout un jour de l'aïd ? Combien de gens affronteraient les embouteillages pour faire la prière du dohr ou du as'r à cinq, dix, ou vingt kilomètres de chez eux ? Il suffisait de réaliser un sondage d'opinion sur un échantillon de quelques milliers d'Algérois pour être fixé sur l'inutilité du projet !
Alors que de graves problèmes se posent au pays, dont ceux du chômage, du logement, de la santé, de l'éducation, des besoins en eau, de la dépendance alimentaire, de la dépendance en textiles, en médicaments et même en carburant, voilà que l'on jette des milliards de dollars dans une mosquée qui, de surcroît, va défigurer la capitale et son panorama. N'a-t-on pas truffé Alger de trémies alors que la solution au problème de l'embouteillage réside en création de parkings et développement des transports publics et non pas en la transformation de la ville en Gruyère ? Hassan II a fait édifier une mosquée éponyme à laquelle il faut au moins reconnaître une certaine beauté même si son esthétique appartient au passé alors que l'architecture doit être vivante et refléter le génie et la sensibilité de son temps. Pour des raisons d'ordre politique et de prestige, Hassan II a renoué avec la mégalomanie de certains souverains musulmans qui essayaient de redorer leur blason en édifiant des lieux de culte. L'édifice fut inauguré à Casablanca en 1993. Puis ce fut au tour de Saddam Hussein de s'engager dans la course à la plus grande mosquée : en pleine guerre avec l'Iran, il ne trouvera pas mieux que de commencer l'érection d'une gigantesque mosquée à Bagdad, projet dont la carcasse a été abandonnée non sans avoir dévoré des sommes colossales. Au lieu de méditer les causes qui ont mené aux "révoltes arabes", nos décideurs s'accrochent à leur mégalomanie et continuent à dilapider l'argent public dans une course effrénée aux mosquées comme s'il était leur bien propre. Ignorant les besoins essentiels du citoyen, ils érigent des monuments gigantesques qui s'apparentent aux réalisations païennes pharaoniques, mayas, incas et autres, ainsi qu'aux pouvoirs impériaux et dictatoriaux de Rome et du nazisme. Car ce gigantisme architectural est en contradiction totale avec l'Islam et surtout avec l'art islamique qui a toujours privilégié la beauté, la nécessité et l'utilité à tout autre paramètre de dimensions ou de prestige.
Les théologiens musulmans actuels n'ont pas abordé ce sujet, d'abord parce qu'ils n'osent pas critiquer leurs maîtres, ensuite parce qu'aucun d'eux n'a une véritable connaissance de l'histoire de l'art. Les islamistes, quant à eux, semblent apprécier cette gabegie qui consacre leur stratégie et renforce leurs atouts. Le gigantisme n'a rien à voir avec l'art islamique qui obéit à une philosophie de la mesure, de la nécessité et du besoin, pas à cette démesure que l'on voit dans la mosquée Hassan II et dans la future mosquée d'Alger. L'art chrétien ignore également le gigantisme et a, lui aussi, privilégié l'esthétique et la recherche de la perfection surtout depuis la Renaissance en faisant appel à de grands architectes et à des artistes comme Michel Ange, Leonard de Vinci, Raphaël...
Avec l'argent du peuple, Hassan II a fini pas ériger la plus grande mosquée de l'extrême Ouest du monde musulman mais son édifice est loin d'avoir la beauté des anciennes mosquées de Fès ou de Casablanca. De plus, son édifice est très peu fréquenté car les fidèles préfèrent les mosquées de leurs quartiers pour la proximité et de nombreuses autres raisons pratiques et spirituelles. Néanmoins, le pouvoir marocain peut se consoler que la deuxième plus grande mosquée du monde après celle de la Mecque soit devenue un site touristique obligé des tour-operators car elle a au moins cette finalité d'attirer les touristes peu exigeants en matière d'architecture. Il demeure que cette mosquée pompe près de 3 millions d'euros par an au conseil de la ville de Casablanca qui n'arrive pas à remplacer ou réparer les installations qui se dégradent d'autant que l'agence qui la gère doit assurer les salaires de 230 personnes dont 160 pour la seule mosquée. Le hammam, la bibliothèque et le musée de cet ensemble n'ont pas été équipés et il n'est pas sûr qu'ils soient rentables ou trouvent preneurs en cas de location. La visite est payante avec une recette annuelle d'à peine un million d'euros. Le manque de fidèles a obligé les gestionnaires de ladite mosquée à trouver des palliatifs, notamment en ramenant un super imam qui officiait dans une petite mosquée où il faisait salle comble mais dont les "supporters" ne suffisent pas à remplir l'immense édifice. Combien coûtera la gestion de la mosquée d'Alger une fois construite ? Le minaret de la mosquée de Casablanca culmine à 210 mètres, mais celui dessiné par les Allemands pour Alger fait 270 m ou 300 m. Ni l'Agence nationale de réalisation et de gestion de la Mosquée d'Alger ni le ministère de tutelle n'en donnent la hauteur exacte mais les Marocains autant que les Algériens veulent nous faire croire que l'architecture consiste en des chiffres et des records. Or on ne s'émerveille plus devant la hauteur des bâtiments depuis que Filippo Brunelleschi a édifié une coupole sur la cathédrale de Florence (en 1434), depuis la Tour de Pise et surtout depuis les gratte-ciel de New York et la Tour Eiffel. Aujourd'hui, les architectes admettent sagement que les premiers vrais défis relevés en hauteur ont été réalisés au Yémen avec des matériaux mille fois plus fragiles que ceux d'aujourd'hui. Plus méritoire est le défi technique du danois Otto Van Spreckelsen dans l'Arche de la défense de Paris avec des portées d'une longueur exceptionnelle. Cette Arche, qui ne fait que 106 m de haut, est pourtant un chef d'œuvre, tout comme l'est la petite pyramide du Chinois I.M. Pei au Louvre !
Les minarets de la fitna
Ce n'est pas la taille qui fait la beauté d'un édifice mais cette harmonie des formes, des proportions, des matériaux et des couleurs que lui octroie l'architecte et qu'on appelle esthétique. Le rêve marocain d'avoir la deuxième plus grande mosquée du monde a donc été éphémère car Alger va lui ravir ce rang. Le minaret de la Mosquée Hassan II est équipée d'un rayon laser visible à 30 km à la ronde et indiquant la direction de La Mecque ! Le projet algérien ne précise pas si un même gâchis est de mise pour indiquer la kibla ! Les historiens de l'art précisent que le minaret est apparu pour la première fois dans la Grande mosquée des Omeyyades de Damas (706-715), un édifice que l'on doit au calife Al Walid Ier. C'est aussi au XIIIe siècle que cet élément architectural est consacré par une justification fonctionnelle qui a également un rôle de localisation car il permet aux villageois de se repérer et aux voyageurs d'identifier la cité depuis des distances lointaines. Appelée manara (phare et tour-vigie pourvu ou non d'un feu allumé), souma'a (cellule d'ermite) ou ma'dhana (tour servant à l'appel du muezzin), le minaret renseigne qu'à une certaine distance se trouve une agglomération comprenant une communauté de Musulmans. Cette fonction d'orientation est d'ailleurs également remplie par le clocher de l'église, mais la synagogue et le temple hindouiste et asiatique ne se distinguent pas par une architecture particulière, à tout le moins pas par une tour.
Avec le temps, le minaret prend des formes différentes : rondes, carrées, en spirale ou octogonale, et peut être petit et massif ou bien haut et svelte mais toujours bien intégré à l'ensemble et cohérent sur le plan formel et décoratif. La difficulté d'équilibrer un seul minaret avec la structure a amenée certains architectes à user d'artifices et de solutions facilité en mettant deux minarets, voire quatre, mais ils se sont écartés de la spiritualité d'austérité et de pauvreté amenée par l'Islam originel. L'architecte avait mis six minarets à la mosquée de la Mecque, sur décision du monarque. Quand les Ottomans en ont donné six à leur mosquée Bleue d'Istanbul, il a fallu en ajouter un septième à la mosquée de la Mecque même si l'appel à la prière ne se faisait plus que d'un seul minaret ! La compétition a donc commencé il y a des siècles de cela et on ne s'étonne point que les chefs d'Etat de notre ère veuillent eux aussi laisser leur trace sur le fronton d'un minaret qui dépasse celui du voisin ! Sauf qu'ils le font avec l'argent du contribuable comme autrefois les Pharaons ou les rois incas ou mayas construisaient des temples avec la sueur des esclaves ! Les souverains qui ont parfois donné une belle architecture à l'Islam ont très tôt commencé à le pervertir en sapant son image la plus apparente, la mosquée, et en particulier son principal pilier, le minaret. Aujourd'hui, le muezzin n'a plus à monter au sommet d'un minaret car fée électricité porte son appel à la prière au loin grâce à un micro et des amplificateurs. L'argument fonctionnel de cette tour n'existant plus, il n'y a donc plus de raison de le maintenir. Alors pourquoi le maintient-on ? D'abord parce qu'aucun architecte musulman ne s'est posé cette question et nul n'a donc osé proposer une mosquée sans minaret. Les architectes musulmans sont donc en décalage par rapport à la modernité qui exige de remettre en question les traditions inutiles. On n'est pas moderne si on n'apporte pas du nouveau à son temps, si on n'est pas adapté à son époque, si on ne capte pas le sens actuel de l'histoire pour l'inscrire dans le futur et apporter plus de bien-être et de lumière à sa société voire, à l'humanité. Le très belle et moderne église du Sacré cœur d'Alger n'a pas de clocher ! Elle enseigne qu'un architecte ne répète pas bêtement les règles anciennes, par psittacisme, faute de quoi il n'est pas digne d'exercer car il défigure le paysage et l'urbanisme et le met en porte-à-faux avec l'histoire qui aura alors à juger une société tout entière pour médiocrité ou déphasage par rapport à son temps, pas uniquement cet architecte.
Autant que le philosophe, l'architecte se pose des questions sur le sens de l'histoire et, partant, il décortique et analyse tout élément de l'héritage pour voir s'il est digne de s'intégrer dans le présent et comment l'y intégrer, le cas échéant. Être moderne c'est se poser des questions fondamentales sur l'héritage pour une remise en question de ce qui est obsolète, archaïque ou dépassé, afin de l'écarter ou le perpétuer en lui insufflant le génie du présent et une force nouvelle. Ce n'est pas un architecte allemand qui peut se poser ces questions fondamentales à la place des musulmans ! Même si le cahier de charges de la mosquée algéroise faisait deux mille pages, il n'est pas certain qu'un architecte non musulman puisse donner une réponse valable.
(À suivre)
A. E. T.


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