J'ai souhaité, pour le 50° anniversaire de l'Indépendance de notre pays, relater quelques faits d'armes du Commando Djamal, cette katiba de l'ALN au parcours prestigieux. Cette unité combattante de la Wilaya IV fut évoquée, pour la première fois, lors du débat vif et passionné suscité par le livre du Dr Saïd Saâdi consacré à la vie du colonel Amirouche et à sa mort en compagnie du colonel Haouas, à la séquestration ignoble de leurs dépouilles, des années durant, après l'Indépendance. Le Commando Djamal, en mission dans le Sud, en Wilaya VI, se trouvait effectivement non loin du Djebel Thameur, lieu où furent tués, le 28 mars 1959, les deux chefs de wilaya. Ce sont des éléments du Commando qui se sont rendus, les premiers, à Djebel Thameur et ont rapporté ce qui s'était passé. Les deux colonels et la petite escorte qui les accompagnait, une vingtaine de personnes, livrèrent une résistance héroïque avant de succomber, soumis à un déluge de feu, sous les coups des assaillants beaucoup plus nombreux. Dans leur ultime combat, ils causèrent de nombreuses pertes à l'ennemi. Ils abattirent aussi un avion ennemi. Lors du témoignage que nous avons livré (1), nous avions émis quelques hypothèses quant aux circonstances qui auraient permis à l'armée française de localiser et donc d'encercler Amirouche et Haouas. Il faut espérer que l'ouverture prochaine des archives françaises relatives à la guerre d'Algérie permettra d'élucider cet événement et d'autres faits historiques liés à notre lutte de libération. Après la publication de notre témoignage, des compagnons de l'ALN, des amis et des jeunes nous ont encouragés à écrire sur le Commando Djamal. Nous avons déjà raconté le séjour du Commando en Wilaya VI, de février à août 1959, sous le titre “Le commando Djamal dans l'Atlas saharien"(2). Répondant à ce vœu, nous entamons, dès aujourd'hui, la narration de quelques actions et exploits militaires accomplis, au cours de l'année 1957, par le Commando Djamal sur tout le territoire de la Zone 3, dans l'Ouarsenis, les monts de Teniet El Had, Amrouna, Doui, au Dahra. Il faut se rappeler que la Wilaya IV comptait, en cette année là, après le Congrès de la Soummam d'août 1956, 3 zones. Ce découpage a, par la suite, été revu plusieurs fois : dès juin 1958, la wilaya comptera 4 zones avec le découpage de la zone 3 en deux zones distinctes. Puis une zone 5 qui comprendra une partie des Hauts-Plateaux fut créée en automne 1959. Après le rattachement, en juillet 1960, de la capitale, Alger (3) à la Wilaya IV, par décision du GPRA, la wilaya IV, la wilaya du Centre, comprendra désormais 6 zones. Mais il y a eu toujours 3 commandos ou katibas d'élite : le Commando Djamal en zone 3, le Commando Si Mohamed en zone 2, le Commando Ali Khodja en zone 1. Dotés d'une forte puissance de feu, ce sont eux qui réalisent les actions les plus spectaculaires. C'est le valeureux Ali Khodja qui dirigea le premier commando qui ne comprenait, à l'époque, qu'une seule section. Ali Khodja a rejoint l'ALN en 1956, en désertant de la caserne “l'Arsenal" de Belcourt et en ramenant un fusil-mitrailleur. Une saine émulation avait lieu entre Ali Khodja et Lakhdar (Mokrani Rabah). C'est à qui des deux monterait la meilleure action, récupérerait le plus d'armes ?(5) Tablat, Palestro (Lakhdaria), Djerrah, Mellah, Bouskène, Zbarbar, Saint Pierre, Saint Paul (Ouled Moussa), Oumm Zoubia, Béni Khalfoun (Kadiria), ce sont autant de noms de lieux qui furent le théâtre d'actions victorieuses et spectaculaires. Les barrages effectués, en plein jour, sur la route Alger-Palestro, œuvre de la “bande aux foulards verts" nom donné par la presse locale de l'époque aux hommes de Ali Khodja, furent des actions autant militaires que médiatiques et de propagande de l'ALN. Lakhdar et Ali Khodja faisaient des prisonniers, leur permettaient de correspondre avec leurs familles et les relâchaient par la suite. Les témoignages de deux appelés, Michel Risse et Paul Vilette, remis en liberté, eurent un grand écho, après leur retour en France. Le 4 août 1957, eut lieu la grande bataille des monts de Bouzegza. Le Commando Ali Khodja, conduit par Si Azzedine, affronta les troupes françaises, venues en grand nombre, dirigées par plusieurs généraux, dont Massu, Allard, Gracieux. Le commando leur infligera une défaite cinglante, récupérera des dizaines d'armes automatiques. Il n'eut qu'un blessé dans ses rangs. Les commandos avaient certes pour mission essentielle l'action militaire, mais ce sont aussi des écoles des cadres. Les djounouds recevaient, en permanence, une formation politique et militaire. Au sein du commando, ces fonctions étaient assurées par un Commissaire politique et un instructeur qui font partie du commando. Le but de cette formation continue est de développer et d'élargir les connaissances du djoundi, d'approfondir les buts et objectifs de la lutte armée, de son engagement. Des séances de formation se tiennent, à chaque halte, dans les “merkez" ou refuges. Les cadres, les djounouds disposaient de deux manuels de formation, le 1er “De la Guerre à la Guérilla" du commandant Si Lakhdar (1957), le second “Le Guide du fidaï algérien" (1960) du commandant Si Mohamed Bounaâma, chef de la wilaya, dont la première version fut écrite par Si M'hamed Bougara. “De la guerre à la guérilla" était le manuel à l'usage des unités de combat : katibas, sections, groupes. Il décrivait la technique de guérilla que mène l'ALN sous ses diverses formes, les différentes formations à choisir pour progresser dans les multiples natures de terrain. Comment mener un assaut. Il indiquait les conditions à réunir pour réussir parfaitement une embuscade (surprise, puissance de feu, rapidité dans l'exécution), pouvoir récupérer des armes et se replier sans subir aucune perte. “Le Guide du fidaï algérien" était le manuel pratique à l'intention de tout cadre pour l'aider à mettre en place une organisation en milieu urbain ou semi-urbain. Il indiquait l'organigramme à retenir, énumérait les règles à observer en matière de cloisonnement, de secret à protéger concernant les liaisons. À l'intention du djoundi, ce manuel d'instruction rappelait les principes de discipline de l'ALN, le devoir d'apprendre et de se former, les objectifs de notre lutte, le contenu de l'Indépendance. Il définissait les fautes et sanctions, énumérait les dix commandements de l'ALN (voir l'encadré), prodiguait des conseils sur l'attitude à adopter pour gagner la confiance et l'estime de la population. Régulièrement, le commandement de la zone, voire la wilaya, prélèvent des cadres du commando pour occuper des responsabilités comme chef de katiba régionale, aspirant, membre d'un Conseil régional ou même membre de Conseil de zone avec le grade de lieutenant. Pour compléter ses effectifs et remplacer ses pertes, le commando puisait dans les rangs des katibas régionales et y prélevait les meilleurs éléments. Si le commando jouissait d'un grand prestige auprès de tous les djounouds de l'ALN, comme auprès de la population, les katibas des régions furent aussi vaillantes et redoutées par l'ennemi. Parmi elles, citons, entre autres, les katibas Zoubeiria (région de Médéa), Hassania (région de Aïn Defla et Teniet El-Had), Hoceinia (Le Zaccar), Hamdania (région de Cherchell), Hamidia (région de Ténès), Omaria (région de Lakhdaria). Elles ont à leur actif de nombreuses actions réussies. On comprend pourquoi le premier objectif de l'offensive de l'armée française, déclenchée au printemps 1959, plus connue sous le nom d'opération Challe, visait essentiellement la destruction des katibas, fer de lance des forces de frappe de l'ALN. Les katibas étaient très mobiles, légères, devenaient insaisissables, pouvaient frapper par surprise, se replier très rapidement, puis disparaître, car elles étaient capables d'effectuer de longues marches pour aller loin des lieux où elles avaient frappé. 1 - El Watan du 29 mai 2010 2 - Le Quotidien d'Oran des 15, 17, 18, 21 et 23 août 2010 - Echourouk des 15, 16, 17,18 et 19 août 2010 3 - Voir en encadré la carte de la Wilaya IV divisée en 3 zones - La ville de Lakhdaria (anciennement Palestro) fut baptisée du nom du commandant Lakhdar, natif de cette localité. 5 - Ali Khodja, devenu lieutenant, avait pour adjoint Mustapha Lakehal. Lakhdar avait Azzedine (Zerrari Rabah) pour adjoint. 6 - Tarik Ibn Ziad se trouve sur la route menant de Khemis Miliana à Teniet El-Had LES DIX COMMANDEMENTS DE L'ALN (Extraits du manuel d'instruction “Le Guide du Fidaï Algérien" (1960) du commandant Si Mohamed Bounaama, chef de la Wilaya IV, dont la première version fut écrite par Si M'hamed Bougara) 1. Poursuivre la lutte de libération jusqu'à l'indépendance totale. 2. Poursuivre la destruction des forces armées et récupération maximum du matériel. 3. Développer le potentiel moral et technique de l'ALN. 4. Rechercher et renforcer la liaison entre les PC et les différentes unités de l'ALN. 5. Rechercher au maximum le mouvement, la dispersion, le regroupement et l'offensive. 6. Développer le réseau d'influence du FLN auprès du peuple, afin d'en faire un appui sûr et certain ainsi que constant. 7. Renforcer l'organisation de renseignements au milieu de l'ennemi et du peuple. 8. Renforcer l'esprit de sacrifice et de fraternité et l'esprit d'équipe parmi les combattants. 9. Renforcer la discipline dans les rangs de L'ALN. 10. Se conformer aux lois internationales et aux principes de l'islam, dans la destruction de l'ennemi.
