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Les pèlerins d'Abadiania (partie02)
Publié dans Liberté le 12 - 08 - 2012

À l'heure du déjeuner, une nouvelle file se forme à l'extérieur du hall principal pour recevoir une assiette de soupe. Cette distribution gratuite est comprise dans le traitement. L'ambiance est détendue, les personnes se dispersent dans les jardins verdoyants de la Casa et s'assoient autour des tables en bois pour boire leur soupe de légumes. C'est aussi le moment idéal pour interviewer ces pèlerins d'un nouveau genre.
Photo 10
Je reconnais un homme efflanqué d'une trentaine d'années, la peau mate et les yeux sombres. Il avait défilé quelques heures plus tôt avec la photo d'un proche. Le visage fermé, assis sur un muret, il semble attendre quelqu'un : « Bonjour, vous venez d'où ? » Celui-ci ne semble pas comprendre l'anglais, son accent m'est cependant familier. Je repose la question en arabe dialectal, son visage se détend :
« — Je viens de Tunis...
— Je suis journaliste, je fais un reportage sur Joao de Deus. Ne vous inquiétez pas, vous resterez anonyme. Comment avez-vous entendu parler de Joao de Deus ?
— Par le biais d'un ami qui m'a parlé de cet homme qui guérit par l'esprit. Je suis venu avec la photo d'un proche qui est atteint d'une maladie... »
Sa gêne est perceptible, il rechigne à raconter son histoire. Après quelques hésitations, l'arrivée providentielle de son ami le libère d'un entretien qui semble raviver sa douleur. Hafid, tunisien lui aussi, est nettement plus extraverti. Il reprend sur le champ le fil de la discussion :
« Je travaille entre Tunis et Paris, j'ai entendu parler de l'homme des miracles qui soigne avec les plantes par le biais d'une personne qui m'avait raconté l'histoire de sa mère et de ses amis. Je suis venu une première fois et Jean de Dieu m'a demandé de revenir encore deux fois. Maintenant, c'est la troisième et dernière fois. J'ai une maladie au niveau du ventre. Je ne me sens pas totalement guéri, mais il y a une amélioration. De toute façon, j'ai évité l'opération. La maladie ne disparaît pas comme ça, il n'a pas le bâton magique, il faut du temps pour ça. »
Il regarde son ami et poursuit :
« J'ai emmené au Brésil mon ami qui est très pieux, c'est un hadj. Je lui ai fait comprendre que lorsqu'on est malade rien ne nous empêche d'aller voir un médecin juif ou chrétien. Ici, c'est la même chose. Il est toujours réticent, maintenant il veut rentrer. Moi aussi je suis croyant. Il ne voulait pas méditer dans la salle, je lui ai dit de réciter des versets du Coran. »
Persuadé des bienfaits de la Casa, il raconte l'histoire d'un médecin tunisien qui l'avait accompagné lors de ces précédents voyages :
« Lorsque je suis venu la deuxième fois, un ami architecte avait emmené son fils accidenté. Ce chirurgien chevronné, qui était très sceptique, était venu pour contrôler le processus. Il devait séjourner une semaine, il est finalement resté deux semaines. Il a même assisté à une opération des yeux. Il en est resté bouche bée. Avec un simple couteau de cuisine, il racle l'œil. »
Pour montrer sa bonne foi, Hafid tend son iPhone et diffuse la vidéo de l'intervention qui a sans doute contribué à convaincre son compagnon de venir au Brésil :
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« Le chirurgien avait d'abord assisté à l'incision d'un crâne. Il y avait des points de suture et le sang n'avait pas coulé, pourtant la tête est très vascularisée. Jean de Dieu avait demandé s'il y avait un médecin dans l'assistance et le guide a désigné le chirurgien. Il l'a fait venir et a éclairé avec une lampe de poche une seconde intervention. Micro en main, le chirurgien faisait part de son étonnement. Muni d'un couteau de pain, Jean de Dieu a raclé l'œil droit et gauche d'un patient, sans faire couler une seule goutte de sang. Depuis le médecin a envoyé pas mal de monde. Il a fait venir ici des patients atteints de maladies incurables. Le plus important est de croire. Jean de Dieu dit que ce n'est pas lui qui guérit, c'est Dieu. Vous savez, ici les consultations et les chirurgies sont gratuites... »
Il est interrompu par son ami, resté silencieux jusque-là :
« Le billet pour le Brésil est cher, oui ça coûte de l'argent... », dit-il, en faisant la moue. Ce voyage a manifestement pesé lourd sur ses finances.
Hafid réplique sèchement : « Quand on veut se soigner, il n'y a pas d'argent qui tienne ».
Dans les allées du jardin, les personnes habillées de blanc conversent dans toutes les langues. Julia, une femme menue aux yeux bleus, le sourire accroché aux lèvres, se tient debout près de la cafétéria. Son badge indique qu'elle est liée à un groupe francophone.
Thérapeute de profession, elle partage son temps entre la Suisse et le Brésil.
« Je suis guide depuis neuf ans, et c'est la 43e fois que je viens ici. J'étais l'une des premières guides francophones. J'ai découvert Joao de Deus en 2001, en visionnant une vidéo. J'ai entendu comme une voix intérieure qui me disait de venir ici. Pourtant je n'étais pas malade. Cette voix était tellement forte que deux jours plus tard j'avais réservé mon billet d'avion pour le Brésil. »
Julia dit avoir vu des guérisons, même des miracles :
« J'ai vu des médecins, scanner en main, avant et après la maladie, qui ne comprenaient rien du tout. Le vrai miracle ici, c'est que les gens changent complètement, ils trouvent le chemin de vie qu'ils avaient perdu. Ils repartent transformés. Pour la guérison, on ne peut rien promettre, ça prend du temps. On peut pratiquement promettre la transformation. Moi je dis toujours que c'est une vraie machine à laver, avec prélavage, lavage et essorage. Oui, ça peut même être très désagréable, surtout la première et la deuxième semaines. Toutes les émotions que l'on a enfouies au fond de soi dans la vie quotidienne ressurgissent ici. Et là, on peut nettoyer. »
Un thérapeute devenu guide peut-il être traversé par des doutes ? Julia n'élude pas et se sert du scepticisme pour expliquer la transformation spirituelle des plus réfractaires.
« Des doutes ? Bien sûr. On est tous des saint Thomas (saint patron des chrétiens qui persévèrent dans la foi tout en connaissant le doute). Heureusement ! Le doute permet d'aller plus loin encore. J'ai vu beaucoup de sceptiques venir ici. Certains disent : “Je n'en ai rien à cirer, moi j'accompagne ma femme et c'est tout. Je ne crois à rien de tout ça. Je suis cartésien. J'ai des petits bobos de rien du tout". Ils repartent totalement retournés et ouverts. Il y a une ouverture des cœurs. Les gens reviennent une fois par année en disant que c'est la meilleure chose qu'ils aient jamais faite. Il y a beaucoup d'ingrédients ici. Enormément de souffrance. Beaucoup de gens viennent pour la guérison physique, c'est clair. Mais souvent, lorsque vous restez avec le groupe, au cours de deux à trois semaines, ce n'est plus le corps qui est important. La maladie passe au deuxième, voire au troisième plan. C'est le développement spirituel qui prend le dessus. »
Même l'effet placebo avancé par de nombreux scientifiques lui permet de rebondir : « Un effet placebo ? Peut-être, mais alors un super placebo. À recommander à tout le monde. »
Joao de Deus, aux yeux de Julia, n'est finalement qu'une courroie de transmission à visage humain :
« C'est un transmédium, un homme extrêmement simple. C'est un homme, comme vous et moi, avec ses défauts. C'est un excellent médium qui a été choisi très jeune. Il sait à peine lire et écrire. Les gens qui viennent ici sont des pèlerins. Il n'y a pas de religion dominante. Evidemment, c'est un pays catholique. On fait des prières, mais c'est un support comme la musique. C'est ouvert à toutes les religions jusqu'aux athées. Moi, je n'ai pas de religion, mais je crois à beaucoup de choses. Ici, on retrouve sa foi. »


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