Pendant que nous nous épuisons à donner du sens politique au largage d'Ouyahia et à la longue offensive de déboulonnage de Belkhadem, le ministre de l'Education, Abdelatif Baba Ahmed, vient nous rappeler que, sur l'essentiel, le régime n'est pas prêt de changer. Pour qu'aucun doute ne soit permis, il a clairement asséné que “la réforme de Benbouzid ne serait pas abandonnée". À peine a-t-il concédé que “certains volets pourraient être révisés". Ce à quoi Benbouzid, lui-même, n'aurait pas rechigné. Le départ de Benbouzid du ministère de l'Education avait été perçu comme un événement historique par ceux qui observent, depuis plus de deux décennies, l'entreprise de déculturation nationale qui a déjà affecté deux générations d'Algériens. Voilà qui est clairement annoncé : l'entreprise de “pavlovisation", de “médiocrisation", de fanatisation et de mutilation scientifique et linguistique de nos enfants se poursuivra donc. Et jusqu'à nouvel ordre. Aussi, et pour qui a observé le système algérien, le changement de ministre ou même de gouvernement n'a jamais constitué le prélude d'un nouvel ordre. Désormais, Benbouzid poursuivra sa carrière dans un des douillets sièges du Sénat, en compagnie de la plupart de ses collègues écartés du gouvernement lors du dernier remaniement. Le Conseil de la nation confirme sa fonction de planque pour proches, à qui l'on ne peut, pour diverses raisons, offrir une fonction exécutive. L'ancien ministre peut se réjouir, à partir de la haute Chambre, du fait que son départ n'est finalement pas un désaveu de son action. Mais ça l'est, pour ceux qui ont vu, dans l'éviction de Benbouzid, une tardive prise de conscience du sinistre qui frappe l'institution scolaire algérienne depuis près de quatre décennies. Et comme si l'annonce de l'actuel ministre ne suffisait pas à nous désespérer d'une évolution qualitative de l'Ecole algérienne, il a fallu la faire suivre de la nomination de la députée Asmaâ Ben Kada à la tête de la commission de l'éducation de l'APN. La cooptation de l'ex-épouse d'El-Qaradaoui ne s'est apparemment pas arrêtée à l'accès à un siège parlementaire ; il lui fallait quelques subséquentes promotions. Une députée, sans antécédent pédagogique, titulaire de l'avis parlementaire sur la législation éducative ! Car, enfin, si la commission en question n'était pas qu'une commission “à attribuer", on aurait fait l'effort de lui trouver un député doté d'un minimum de crédibilité reconnue en matière d'éducation institutionnelle ! Devant la maltraitance éducative dont nos enfants sont victimes, l'on peut mesurer la puérilité de nos interrogations sur les dessous des putschs qui visent Ouyahia ou Belkhadem. Que valent les nuances de styles des chefs de parti, des ministres et Premiers ministres interchangeables du régime, devant les retombées stratégiques de la maltraitance scolaire que l'on inflige délibérément aux générations successives. Pourquoi donc Benbouzid est-il parti ? Parce que nous avons trop crié son nom, qui a fini par se confondre avec le désastre scolaire national ? Non, c'est pour mieux poursuivre la régression éducative, qu'on a changé de titulaire de portefeuille ! Alors que le pays continue sa course vers la décadence, le pouvoir nous éblouit avec sa vieille formule d'illusionniste : changer les hommes pour ne pas changer de régime. Ni de système. M. H. [email protected]