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“J'ai vu des gens brûler”
Skikda : Un rescapé de la catastrophe raconte
Publié dans Liberté le 24 - 01 - 2004

Combien de travailleurs comme lui ont triomphé sur le sort tragique ce jour-là ? Rencontre avec un miraculé.
En ce sombre lundi d'apocalypse, à l'heure précise du drame (18h45), Kraim Ryad se trouvait à quatre mètres seulement de l'unité 40 du complexe pétrochimique de la zone industrielle de Skikda. Posté de l'autre côté de l'allée principale, à l'entrée de l'unité d'intervention, cet agent de sécurité, âgé de 33 ans, a vu de ses yeux les flammes ardentes de la chaudière en feu dévorer ses hommes. Il a assisté impuissant à leur brève agonie avant d'être à son tour foudroyé par le souffle infernal. “Il faisait très chaud. Je croyais que je brûlais aussi. Je sentais tout mon corps fondre sous la braise”, raconte le rescapé sur son lit d'hôpital. Quatre jours après l'incendie, Ryad, très lucide et franchement détaché, narre les circonstances du drame comme un film dont il n'était que le spectateur. N'est-ce les éraflures qui déchirent ses bras et le pansement sur son œil gauche, l'homme passerait pour un fabulateur. Pourtant, il n'invente rien. L'horreur dont il rapporte la trame avec précision n'est pas une fiction mais un fait bien réel qui, en tout point de vue, a dépassé la réalité. Qui l'aurait cru ? S'il ne l'imaginait pas aussi effroyable, Ryad, comme tant de travailleurs à l'usine, appréhendait sérieusement la catastrophe. “Tout le monde savait que ça finirait par arriver”, constate-t-il avec regrets.
Confronté au pire, le miraculé se console en pensant que le pire pouvait être plus désastreux. “Si la chaudière avait explosé dans la journée, un millier d'employés au moins auraient péri dans l'incendie”, soutient-il amèrement. “La plupart seraient aujourd'hui réduits en cendres”, dit Ryad en sollicitant sa mémoire torturée. Dans sa tête, les images les plus épouvantables se bousculent. Les ombres fuyantes des victimes qui tentaient désespérément d'échapper à la mort meublent son esprit, les appels au secours le hantent. Sur ses lèvres, les faits se déroulent comme une longue histoire qui, en tout et pour tout, n'aura duré que quatre minutes. Récit : lundi 19 janvier. Il est un peu près de 18 heures 30. Comme tous les autres travailleurs du complexe soumis au régime des rotations, Ryad va bientôt quitter le complexe. Dans une heure, une autre équipe viendra prendre la relève au niveau des différents départements, notamment à la sécurité et à la production. Les deux services sont voisins. Une route sépare, en effet, les infrastructures relevant de l'unité d'intervention des unités de production. La 40 se trouve juste en face. Debout, à la sortie d'une des salles de contrôle, Ryad salue quelques travailleurs qui viennent d'arriver. Les nouvelles troupes se dirigent vers les baraquements situés en contrebas pour revêtir leur uniforme et leur bleu de travail. De leur côté, des collègues de Ryad, à leur tête un contremaître, prennent la direction de l'unité 10 en arrêt technique depuis la veille pour vérifier le bon fonctionnement des extincteurs. Au niveau de l'unité 40, tout semble marcher normalement quand un opérateur joint par téléphone l'unité d'intervention pour signaler une fuite de gaz à hauteur de la chaudière. “Il devait être 18h 40”, se rappelle Ryad. Trop tard. En voulant se déplacer de la 10 vers la 40, le contremaître et ses adjoints sont surpris par une déflagration. “Il y a eu d'abord une première explosion. Elle n'était pas très importante. Comme d'habitude, je me suis dit que la chaudière avait cédé”, confie notre témoin en apercevant une vapeur blanchâtre s'échapper de cette installation. Il se remémore alors un incident similaire qui a eu lieu il y a six mois, sans causer de pertes en vies humaines. Or, à peine a-t-il eu le temps de souffler, qu'une seconde détonation se fait entendre, puis une troisième sourde et fatale. En l'espace de quatre minutes, tout part en fumée. Projeté sur le sol par la dernière déflagration, Ryad perd connaissance. Revenu à lui très rapidement, il et constate qu'il a du sang sur le visage. En sueur, il a l'impression que tout son corps brûle. À côté de lui, le blessé découvre un collègue inconscient affalé sur le sol. Il tente de le réanimer. En vain. En face, l'unité 40 crache du feu. Tout autour, les autres installations métalliques et les hangars, ainsi que les baraquements sont réduits à des débris. Derrière lui, l'unité d'intervention est également détruite. Six de ses collègues y trouvent la mort. Comment Ryad s'en est-il sorti alors qu'il se trouvait au cœur de l'enfer ? Il ne sait pas. “La chaudière est distante de 40 mètres”, explique-t-il tantôt. “J'étais de profil”, note-t-il par ailleurs, en évoquant le cas de son collègue qui se trouvait à la même place que lui mais faisait face, pour sa part, à l'unité 40. Grièvement blessé, celui-ci a été évacué en France. D'autres sont hospitalisés au CHU de Annaba alors que le reste, tout le reste, est sous terre. Bon nombre de ces victimes ont été réduites en cendres dans les entrailles de l'unité 40 alors que les autres ont été rattrapés par les flammes devant les grilles de sécurité qui emprisonnent l'aire de production. “Les responsables ont érigé ces barrières au motif d'une meilleure sécurité”, rapporte Ryad. La direction craignait un acte de sabotage. La négligence, sa propre négligence, a confirmé ses appréhensions.
Sauf qu'il ne s'agit pas d'une velléité extra-muros. “Les victimes étaient prises dans une véritable souricière”, atteste Ryad. Pour sa part, il a couru autant qu'il pouvait vers l'une des issues de secours qui encadrent l'unité d'intervention. En l'absence de secours, il sera conduit à l'hôpital par un particulier. “En pareil accident, c'est à l'unité d'intervention qu'échoit le rôle de porter les premiers secours”, affirme l'agent. Seulement voilà, se trouvant à proximité du lieu de l'incendie, elle était l'une des premières infrastructures détruites. Pis, selon notre interlocuteur, même si elle était épargnée, cette unité manque considérablement de moyens et d'équipements. “Ce qui s'est passé est un crime. Tous les responsables doivent payer. C'est une véritable maffia enrichie grâce à des pots-de-vin et à la conclusion de marchés douteux…” Arrivé au terme de son récit, le miraculé de l'unité 40 s'aperçoit tout à coup qu'il aurait pu y rester. “Je suis vivant”, fait-il remarquer, très grave. Selon certaines croyances, Dieu aurait créé le monde en sept jours. Ryad travaillait à proximité de l'unité 40 depuis six jours. Le septième a marqué sa renaissance sur un lit d'hôpital.
S. L.
Les familles des victimes vont porter plainte
“Nous allons nous constituer en association de familles de victimes et nous porterons plainte contre la direction du complexe GNL”, révèle Mohamed Mechri. Son frère Azzouz est l'une des 27 victimes de l'explosion de l'unité 40. Notre interlocuteur dit avoir pris contact avec les parents des autres travailleurs décédés afin de porter l'affaire devant la justice. “Mon frère m'a prévenu d'un probable accident. À l'instar de ses collègues, il courait un risque majeur. Il était de ceux qui ont alerté la direction mais personne ne s'est soucié de leur détresse”, affirme-t-il. Mohamed Mechri explique sa démarche par son souci de faire la lumière sur ce qui s'est passé. “Je ne crois pas aux commissions d'enquête. Je sais que ces gens-là sont puissants et qu'ils s'en tireront à bon compte grâce à des complicités et à l'indulgence de leurs supérieurs”, explique-t-il. Outre l'enquête technique, il est à rappeler qu'une autre judiciaire est diligentée par les services de la gendarmerie. Tous les témoins directs du drame, les travailleurs de l'unité 40 ainsi que les experts qui avaient tiré la sonnette d'alarme, sont actuellement auditionnés.
S. L.
Leurs gourbis ont été soufflés par l'explosion
Rencontre avec les sinistrés de Haï El-Amel
Nous avons passé toute la nuit du drame là-haut”, se plaint Samia en levant les yeux sur une colline abrupte qui surplombe les gourbis. En contrebas, de l'autre côté de la vallée, se profile sur une vaste étendue le complexe pétrochimique. Le panorama est loin d'être une carte postale. Se dressant au milieu du site industriel en pagaille, l'unité 40 est une espèce d'ossature mécanique décharnée. Encore debout, dans une posture aussi affligeante, sa vue suscite la hargne des habitants des gourbis qui réfléchissent dans sa déchéance à leur propre infortune. Et pour cause, l'explosion de cette installation a tôt fait de les réduire à l'errance en emportant dans son souffle leurs frêles abris. “C'est ici que se trouvait la cuisine. Mes parents et ma sœur étaient en train de dîner quand il y a eu l'explosion”, confie Abdellah. Au fond d'une masure située à l'entrée du bidonville se trouve la cuisine, du moins ce qu'il en reste, en tout une meïda et un buffet fracassés par l'effondrement de la toiture en tôle. Les occupants de la pièce, au moment de la déflagration, ont également vu le ciel leur tomber sur la tête. Ils sont actuellement à l'hôpital. Dans un gourbi voisin, tout aussi sinistré, une femme enceinte a perdu son bébé. Quelques mètres plus loin, une vieille dame a le pied dans le plâtre… “À croire qu'on n'existe pas. Personne n'est venu s'enquérir de notre sort”, gesticule Abdellah en courant de maison en maison, ses bottes en plastique empêtrés dans la boue. Accablés par l'indifférence des autorités, les habitants voient dans la venue des journalistes une solution à leur problème. Chacun veut nous montrer son logis. Abderrahmane venait à peine d'achever des travaux de réfection. Il avait mis du papier peint sur les murs et un faux-plafond pour dissimuler les tôles de zinc. Cette coquetterie lui a coûté 14 millions de centimes. “Je ne me fais pas d'illusions depuis longtemps. Je sais que je n'obtiendrai jamais de logement. Malheureusement, le sort s'acharne contre moi”, se lamente le sinistré. Doublement éprouvé, il a subi les inondations il y a six mois. Et l'explosion de l'usine GNL maintenant. En tentant, comme tous les membres de la triste communauté, de sensibiliser les pouvoirs locaux à leur condition, Abderrahmane se voit taxé d'opportuniste. “C'est pour avoir des logements que vous faites tout ça”, lui a signifié le maire d'El-Islah de la commune de Skikda. “Quand il faisait campagne, il est venu nous voir pour nous promettre monts et merveilles”, dénonce Salah, un troisième locataire du bidonville. Présent sur les lieux, un autre disciple de Djaballah, élu de l'APW, tente de restaurer le calme en s'engageant, à son tour, à accéder aux doléances des habitants. “C'est ce que vous dites tous. Ensuite, on ne vous revoie plus”, réplique une femme violemment. Les sinistrés en ont gros sur le cœur. À l'abandon, ils ne savent que faire, sinon opter pour les voies les plus extrêmes. Au lendemain de l'incendie, ils avaient bloqué la route qui jouxte le complexe GNL pour empêcher le trafic en direction du port. Si personne ne les écoute, ils n'excluent pas de rééditer cette action. “Quitte à ce que les camions passent sur nos corps”, avertit Abderrahmane au comble du désespoir. Sur cette colline, le camp des exclus confirme les fausses prétentions des maîtres de la cité. Il est affublé d'un nom : Haï El-Amel (le quartier de l'espoir). Edifié dans les années 1960, les lieux abritent les familles qui, auparavant, résidaient sur le territoire du complexe pétrochimique. Les autorités locales avaient promis aux déracinés de pourvoir en eau et en électricité leur nouveau site d'hébergement. Il n'en a été rien. Pis, un demi-siècle plus tard, l'industrie du pétrole, aux installations défaillantes, les met à nouveau sur le chemin de l'exode.
S. L.


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