Le niveau des importations, qui ont connu une hausse fulgurante, a atteint un seuil d'alerte qui nécessite de la part de l'Etat des mesures urgentes, selon l'économiste algérien Mahdjoub Beda. Dans un entretien à l'APS, il estime que l'Etat n'a pas à choisir entre prioriser la réduction des transferts sociaux où s'attaquer au transfert illicite de devises, mais doit au contraire "adopter une politique globale d'assainissement du commerce extérieur, qui va aussi bien réduire les importations que lutter contre les pratiques de fraude". Selon lui, "cette révision doit impérativement relancer le secteur industriel, dont la part dans le PIB ne dépasse pas les 5%, en simplifiant les procédures de création des PME et en renforçant les réseaux de la sous-traitance en mesure de réduire l'importation des intrants et des matières premières nécessaires à la production industrielle". Mahdjoub Beda considère également que "le gouvernement doit également travailler à libérer sur le terrain les initiatives dans l'investissement agricole et dans l'agroalimentaire et à faciliter l'accès des entreprises aux financements bancaires". La démarche du gouvernement qui consistait à doper la demande locale et à créer des marchés pour les entreprises algériennes à travers les plans quinquennaux de soutien à la croissance n'a pas donné vraiment les résultats escomptés, ajoute cet économiste qui rappelle qu'"entre 60 à 70% des grands projets d'infrastructures de base engagés dans le cadre de ces plans ont été attribués à des entreprises étrangères en raison des moyens de réalisation limités des entreprises nationales". Et de relever aussi que "le plan quinquennal 2010-2014 doté de 286 milliards de dollars n'a pas réussi à changer la donne, alors que le gouvernement qui injecte l'équivalent de 10% à 12% du PIB comme investissements publics réalise des taux de croissance au-dessous de la moyenne africaine". Au sujet de "la saignée" des devises provoquée par la hausse historique des importations, Mahdjoub Beda note à ce propos qu'"en comptabilisant les services, les importations de l'Algérie vont engloutir environ 75% des recettes de l'Etat cette année et qui devraient atteindre selon les prévisions 75 milliards de dollars". Pour lui, la situation est d'autant plus inquiétante que nos exportations pétrolières sont en baisse et celles hors hydrocarbures restent insignifiantes. Cette économiste juge également de la plus haute importance que l'Etat mette fin aux surestaries des navires, dont les coûts sont transférables en devises aux consignataires étrangers. "Un séjour en rade d'un navire coûte entre 8 000 et 12 000 dollars par jour. À vous de faire le compte si on sait que la moyenne d'un séjour en rade oscille entre 6 et 15 jours, d'où la nécessité de renforcer la flotte de transport maritime algérienne". "La réassurance à l'international des actifs des grandes compagnies nationales grève aussi les finances de l'Etat, en ce sens qu'une part importante des devises alourdit la facture de l'importation des services qui avoisine les 11 milliards de dollars annuellement", alerte l'économiste qui s'interroge sur le projet de la société de réassurance de Sonatrach à Luxembourg qui n'est pas encore entré en activité en dépit de sa création depuis quelques années. Par rapport à la politique d'instauration du Crédoc, comme seul moyen de paiement pour tracer les importations, c'est encore un échec en ce sens que cette procédure n'a pas réussi pour autant à détecter les scandales des majorations de factures, révélés en 2012. "Le problème ne réside pas dans l'instauration du Crédoc puisque les mêmes pratiques de fraude ont été enregistrées quand le moyen de transfert libre était en vigueur", conclut Mahdjoub Béda, qui plaide pour une régulation du commerce extérieur sans pour autant renoncer au principe de son ouverture. O. O./APS Nom Adresse email