Qui connaît aujourd'hui Selmi Djillali dans cette Algérie où le plus petit footballeur est tenu pour un demi-dieu? Le seul rescapé du passé, et encore c'est un passé récent, est Madjer dont la retraite est plus glorieuse que la carrière ! Mais qui parle de Selmi Djillali ? Hein, c'est à vous, lecteur que je m'adresse. Oui, qui se souvient du magicien du CRB ? Aucun, sinon les "vieux" de plus de 50 ans ? Très bien. Pour avoir une idée de Selmi, imaginez un Brahimi, le meilleur dribbleur algérien actuel, capable de se jouer de Messi et Léonardo. C'est quoi ce truc, vous allez dire. Eh bien, Selmi a fait un petit pont au roi Pelé que même la synthèse heureuse d'un Messi et d'un Léonardo n'égale pas. Pelé a d'abord été étonné : quoi, ce jeune homme qui ressemble à un Brésilien a osé lui faire un petit pont ! Et puis ravi, il reconnaît un frère de talent, un Brésilien dans un Algérien. Balle au pied, Selmi pouvait, si on ne l'arrêtait pas, dribbler 11 joueurs et même une bonne partie des spectateurs. Pour l'avoir vu plusieurs fois au mythique stade du 20-Août-souvenirs ! souvenirs !- je peux dire qu'à chaque feinte, tout le stade était aussi feinté. Regardez-le, balle au pied, il est face à un, deux, trois joueurs. Et puis en une fraction de seconde les trois se télescopent et voilà Djillali qui est déjà loin avec une touche de balle qui laisse croire que le ballon est une extension de son pied. Un surdoué, et n'ayons pas peur des mots, un génie du dribble. Vous avez eu un aperçu du joueur, parlons de l'homme. C'était un vrai seigneur, un gentleman. Jamais un mot plus haut qu'un autre, jamais une critique sur un autre joueur, jamais il ne verse dans la nostalgie du mégalomane aigri genre : "J'étais le plus beau, le plus extraordinaire, aujourd'hui circulez, y a plus rien à voir dans le foot !". Lui, c'est plutôt le contraire. Tenez, il y a à peine deux mois, au détour d'une vente-dédicace chez mon ami Sid Ali Sakhri de la librairie Omega, je vois qui surgir ? Pardi, Selmi, le Brésilien. Je lui offre un livre, il refuse le geste. Il veut payer. Il paye. Un fan, la soixantaine alerte, s'extasie devant son dribble, devant ses feintes, devant son petit pont. Selmi le regarde avec un air amusé comme s'il n'était pas concerné. Et ne rajoute rien aux interjections, hein, hein, du fan transi d'admiration. L'ex-vedette du CRB est aussi l'un des derniers amis du grand Lalmas.il n'est pas du genre à se détourner des amis d'hier. Il a le culte du passé et de la fidélité. On l'aura compris : Selmi, dans sa vie, est le contraire du footballeur qu'il était : il ne sait ni feinter, ni dribbler. Ni tricher. Cela a un nom, jeune homme, la classe ! Incompréhensible en tenant compte des mœurs du foot d'aujourd'hui ? Oui, c'était à une époque où l'amour romantique existait. Qu'est-ce l'amour romantique ? Selmi, sors-nous ton dribble... H. G. [email protected] Nom Adresse email