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Conjecture d'été
Publié dans Liberté le 09 - 08 - 2014

"Le tocsin qu'on va sonner n'est point un signal d'alarme, c'est la charge sur les ennemis de la patrie.
Pour les vaincre, il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace..." Un extrait du discours prononcé par Georges Jacques Danton – un des artisans et figure emblématique de la Révolution française de 1789 – pour lever la résistance du peuple contre l'ennemi, quand la France a été en danger et qu'elle a été envahie par les Anglais à l'été 1792.
C'est cette audace qui avait, sans doute, animé – un siècle et demi plus tard – l'esprit des 22 quand ils ont rédigé la proclamation du Premier Novembre 1954 et qu'ils ont décidé – pour libérer leur patrie, l'Algérie – de mener une guerre sans merci à l'occupant colonialiste français. Une audace qui n'a pas été vaine et qui a payé, quand bien même les souffrances endurées par le peuple algérien, durant sept longues années de guerre, avaient été difficilement supportables. L'appel du Premier Novembre – sans détour dans la formulation de son objectif – avait une double ambition. Susciter, d'une part, l'adhésion de tout le peuple algérien à la démarche et réduire, d'autre part, les clivages politiques qui avaient paralysé, depuis de nombreuses années, le mouvement national en appelant à l'unité de tous les militants autour de la cause sacrée.
"Peuple algérien, militants de la cause nationale. A vous qui êtes appelés à nous juger (le premier d'une façon générale, les seconds tout particulièrement), notre souci en diffusant la présente proclamation est de vous éclairer sur les raisons profondes qui nous ont poussés à agir en vous exposant notre programme, le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues dont le but demeure l'indépendance nationale dans le cadre nord-africain...". Un appel sans équivoque qui ne laisse pas de place au doute quant à la justesse de la cause et quant à la détermination des initiateurs de la proclamation à aller jusqu'au bout de leur engagement. Le tocsin de la révolution avait retenti à travers tout le pays, son écho était allé par monts et par vaux éveiller les consciences; le glas du colonialisme avait sonné.
"Algérien ! nous t'invitons à méditer notre charte ci-dessus. Ton devoir est de t'y associer pour sauver notre pays et lui rendre sa liberté ; le Front de libération nationale est ton front, sa victoire est la tienne. Quant à nous, résolus à poursuivre la lutte, sûrs de tes sentiments anti-impérialistes, nous donnons le meilleur de nous-mêmes à la patrie."
La proclamation qui se termine ainsi prévient que le choix est irréversible quoi que cela puisse en coûter. Les signataires — les partisans — de l'Appel du Premier Novembre 54 étaient résolus, ils étaient prêts à en payer le prix. La suite des événements leur a donné raison. Le peuple algérien a été présent au rendez-vous de l'Histoire. La guerre que ce dernier a menée contre l'empire colonial a triomphé. Il a brisé l'oppression de l'ordre imposé par l'occupant et a aboli ses privilèges.
L'Algérie libre et indépendante était fière du prestige de sa guerre de Libération et s'enorgueillissait de son million et demi de martyrs. La révolution algérienne était un exemple, un modèle, pour tous les combats libérateurs ; et Alger pouvait alors arborer, avec tous les honneurs, le statut de "Mecque des révolutionnaires". Les plus prestigieux d'entre eux y étaient venus en pèlerinage et certains y avaient trouvé asile durant plusieurs années. Avoir donné leur vie n'aura pas été inutile et leur sacrifice n'aura pas été vain.
"Nous avons brisé la tyrannie des privilèges en abolissant ces pouvoirs auxquels n'avait droit aucun homme (...). Cette liberté que nous avons acquise pour nous-mêmes, nous l'avons affectée aux esclaves et nous confions au monde la mission de bâtir l'avenir sur l'espoir que nous avons fait naître (...). Cette inspiration, ce souffle pour tous les hommes, partout en tout lieu, cet appétit, cette soif de liberté, jamais personne ne pourra l'étouffer. Nos vies n'auront pas été inutiles, nos vies n'auront pas été vécues en vain." Un autre discours attribué à Danton... A lire ce propos, on ne peut s'empêcher d'établir le parallèle entre les deux révolutions. L'une et l'autre ont forcé le destin des peuples en consacrant, pour la révolution française, la victoire des droits de l'homme et en accélérant, pour la révolution algérienne, le mouvement de décolonisation et de libération des pays sous occupation coloniale. Quand bien même, la première a piétiné les principes qui l'ont fondée et que le pays où elle est née, la France a soumis durant cent trente années — dans des conditions inhumaines, il faut le rappeler — un pays, l'Algérie, et son peuple.
La colonisation ? "Un devoir civilisateur hérité des lumières". Un ignoble alibi, une abject mystification qui avait pourtant trouvé, en son temps, des défenseurs, même parmi les personnalités françaises les plus prestigieuses. "C'est la civilisation qui marche sur la barbarie, c'est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit", avait écrit Victor Hugo (1841). La nature de la colonisation avait montré que la réalité était autre, qu'elle était plus sombre. Une colonie de peuplement qui avait pour seul dessein la volonté d'accaparer le territoire algérien et de soumettre à un régime d'exclusion son peuple. Le code de l'indigénat (1881), avec ses lois d'exception (infractions spécifiques, permis de circulation interne...), avait fait des autochtones des expropriés, des bannis sur leur propre terre. Cette infamie – qui avait asservi les Algériens et étouffé toute forme d'expression de la liberté – avait plongé le peuple dans les ténèbres de la longue nuit coloniale. Faut-il rappeler que c'est durant la guerre de Libération nationale que la torture avait été érigée en institution et que l'armée française, devenue spécialiste en la matière, en avait fait une méthode systématique de lutte contre la subversion ? Une pratique qui avait été enseignée et qui avait servi d'exemple pour certaines dictatures, notamment celles d'Amérique latine.
Abolir les privilèges de l'occupant, recouvrer la souveraineté et la liberté. C'étaient les idéaux que la Révolution algérienne portait en son sein. C'était son credo. Une raison d'être qui avait été clairement explicitée par la plateforme du Congrès de la Soummam. "La révolution algérienne, malgré les calomnies de la propagande colonialiste, est un combat patriotique, dont la base est incontestablement de caractère national, politique et social (...). Elle s'inscrit dans le cours normal de l'évolution historique de l'humanité qui n'admet plus l'existence de nations captives" (août 1956). En mettant à nu la nature violente et inhumaine de l'occupation française de l'Algérie, la guerre de Libération nationale avait réussi à faire condamner le système colonial par l'ensemble de la communauté internationale. C'est pourquoi le peuple algérien est sorti victorieux de son combat contre l'une des plus grandes puissances militaires de la planète. C'est pourquoi il a vaincu. C'est pourquoi aussi la lutte pour l'indépendance de l'Algérie a eu une aura extraordinaire et qu'elle a contribué au bouleversement de l'ordre politique mondial. Mais la Révolution algérienne – pour audacieuse, exemplaire et juste qu'elle fût – n'a pas été épargnée par les luttes intestines et les rivalités sanglantes. Beaucoup de ceux qui l'ont portée, parmi les plus héroïques, n'ont pas été épargnés par les purges fratricides et ont disparu de façon tragique... au nom de la révolution. Les vicissitudes des événements, les travers de l'histoire. Sans doute, le tragique destin de nombre de révolutionnaires. Est-il utile de souligner que Danton avait également subi un sort cruel ? Il avait prononcé le discours ci-dessus alors qu'il était accusé de trahison et qu'il allait être conduit à la guillotine. Car, allié puis adversaire, pour des raisons idéologiques, de Robespierre – autre figure légendaire de la révolution française – il avait été condamné par ce dernier à la mort. Robespierre avait, à son tour, été exécuté...
Les générations de l'après-indépendance ont hérité d'un pays libre. Cependant, à voir l'état dans lequel se trouve aujourd'hui l'Algérie, force est de constater que la génération de Novembre 54 a failli. Elle a omis de léguer, en héritage, son audace. Un dommage, car le tocsin ne s'est plus fait entendre. Les consciences se sont assoupies. Le peuple algérien, bercé par la grandeur de sa révolution et anesthésié par la gloire de ses martyrs, s'est abandonné à une léthargique satisfaction. Il a baissé la garde et n'a pas veillé à la sauvegarde des valeurs qui ont nourri la lutte de libération ; il n'a pas veillé, non plus, à la préservation de sa liberté et à la protection de l'indépendance de sa patrie. Pendant ce temps, le combat libérateur des aînés a été confisqué et les valeurs de la révolution, pour lesquelles ces derniers se sont sacrifiés, ont été détournées. Un autre destin a été écrit pour l'Algérie et son peuple. Ce destin n'est pas éloigné de celui que la génération de Novembre 54 a rejeté au prix du sang.
Le peuple a souffert pour recouvrer sa souveraineté. Il a lutté, comme l'a lucidement signifié le Congrès de la Soummam, "(...) pour la renaissance d'un Etat algérien sous la forme d'une République démocratique et sociale et non pour la restauration d'une monarchie ou d'une théocratie révolue". Un objectif aujourd'hui trahi parce qu'à l'été 1962 il en avait été décidé autrement. La Charte de Tripoli avait fait effraction dans les résolutions du Congrès de la Soummam et en avait chassé les promesses. L'Algérie libre venait de changer de propriétaires.
Cinquante ans après, le pays est dirigé par le même clan, celui qui a pris le pouvoir à la faveur de l'indépendance. Une caste qui a conduit la nation, malgré des richesses enviables et des potentialités humaines indéniables, à une situation économique désastreuse et à une instabilité politique qui menace son avenir immédiat. La corruption, érigée en mode de gouvernance, gangrène toutes les institutions tandis que l'activité informelle, pendant naturel de cette dernière (la corruption), règne sur la vie économique nationale et compromet toute possibilité de créer de la richesse et de l'emploi. Le pays est fortement, sinon totalement, dépendant de l'exportation des hydrocarbures (plus de 3/4 des recettes fiscales). L'Algérie est riche mais n'est pas prospère. Une abondance qui ne profite pas au peuple et dont jouissent sans retenue les enfants du pouvoir. Le pays a juste changé de maîtres. L'indépendance du pays donne l'amère impression d'une simple passation de consignes...
Plus de 90% des Algériens sont nés après l'indépendance. Les affres de la colonisation et les souffrances de la guerre de libération ne leur sont pas parvenus ; le message de Novembre ne leur a pas été enseigné et une autre histoire leur a été racontée. L'histoire, la vraie, a été pervertie. Pour autant, les citoyens – notamment les plus jeunes – ont aujourd'hui leur propre réalité. Elle est faite de chômage, de pauvreté et d'humiliation quotidienne. Une sombre situation qui a engendré un profond ressentiment pour un pays qui ne semble plus être le leur. Un pays qu'ils aiment de moins en moins et que certains ont déjà abandonné. Le combat d'aujourd'hui reste pourtant le même que celui d'hier. Les Algériens ont perdu l'initiative sur leur existence. Ils doivent la recouvrer. Ils ne peuvent pas accepter plus longtemps l'injustice qui les frappe et les inégalités sociales flagrantes qu'ils observent au quotidien ; ils ne peuvent pas tolérer davantage leur mise à l'écart de l'édification du destin commun et leur exclusion de la décision politique. Des conditions de vie de parias, inacceptables et qui ne peuvent pas ne pas les indigner. Du déshonneur qui leur est infligé germera inéluctablement l'audace indispensable au sursaut salvateur. Le tocsin ne se taira pas plus longtemps. Il retentira à nouveau et se propagera à travers villes, villages et campagnes, il ira infiltrer les consciences et les éveiller : "Indignez vous". Alors, le glas sonnera, encore une fois, pour tous les privilèges ; il sonnera aussi pour la corruption, la hogra et toutes les injustices.
Dr M. B.
*Psychiatre, docteur en sciences biomédicales
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