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Le calvaire des sinistrés de Bordj Menaïel
Devenus handicapés après le séisme
Publié dans Liberté le 06 - 05 - 2004

Bordj Menaïel, à la cité de la Cascade. Dans ce quartier aux allures incertaines, regorgent des commerces. Un des locaux se distingue cependant du lot. Une enseigne au fronton porte la griffe de la Fédération des associations des handicapés moteurs.
À l’entrée du siège, des personnes, jeunes et âgées, sont assises sur des chaises. Certaines sont silencieuses et attendent leur tour de consultation ; d’autres conversent avec une jeune fille (la secrétaire) et un jeune homme (l’assistant social), tous deux installés derrière des bureaux. La grande salle, décorée de photos et de posters, fait penser curieusement à une salle de consultations d’un centre de santé ou d’une polyclinique. Pourtant, le local avec ses quarante mètres carrés, réserve trois autres espaces, par la grâce des rideaux fleuris et des paravents en bois. Dans une des “pièces� éloignées, Atika El-Mammeri, la présidente de la puissante fédération nationale qui rassemble cent associations algériennes des handicapés moteurs fait les présentations : Mme G., psychologue clinicienne, M. O., ergothérapeute, enseignant, et Yacine Khali, kinésithérapeute, enseignant. Plus tard, Mme El -Mammeri nous fera découvrir le reste de l’équipe : une secrétaire, un animateur, un chauffeur, un assistant social et une coordinatrice du groupe, chargée aussi de mettre en place un réseau relationnel, y compris avec les institutions étatiques et les structures sanitaires de la région.
Des attelles pour le petit Younès
On appelle le kinésithérapeute. Ce dernier nous révèle à la va-vite que le malade, un enfant de onze ans, présente une malformation de la moelle épinière. Des séquelles de spina-bifida, dit-il, qui occasionnent une paralysie des deux membres inférieurs, avec incontinence urinaire et matières fécales, c’est-à -dire, l’impossibilité de retenir l’urine et les sels. Yacine Khali nous apprend par ailleurs que le gamin refuse d’aller à l’école, car ses camarades de classe lui reprochent de sentir mauvais.
Nous suivons le kinésithérapeute dans l’autre pièce et nous approchons du père. L’homme est venu de la commune de Boumerdès. Pour la seconde fois, le père de Younès a pris le bus et parcouru près de 30 kilomètres pour solliciter l'assistance de la Fédération des associations des handicapés moteurs. “Mon fils a été opéré à la colonne vertébrale chez un privé. Je ne savais pas quoi faire par la suite. Un ami m’a parlé des gens de l’équipe et je suis venu les voir. Ils me donnent des couches pour mon enfant et ils m’ont promis que Younès portera des béquilles�, explique le sinistré. Ce dernier nous parlera, très gêné, de sa vie en quelques mots : “Je suis père de quatre enfants. Je suis informaticien en chômage et mon épouse, qui est femme au foyer, souffre de diabète. Je me débrouille par-ci, par-là pour subvenir aux besoins de la famille.� Selon M. Khali, l’enfant ne marchera plus. “On lui apprendra à être autonome et à se déplacer grâce à des membres supérieurs prolongés par l’utilisation de déambulateur ou de béquilles�, explique le spécialiste. Il ajoute : “On va initier le père aux gestes de survie, pour l’impliquer dans la prise en charge à domicile de son enfant.� Le jeune kinésithérapeute a du mal à contenir sa irritation. “Younès n’a pas reçu la prise en charge complète. Il a un léger handicap intellectuel, qui n’est pas pris en charge en milieu spécialisé. C’est un enfant doublement handicapé, physiquement et mentalement de façon relative. Pour un tel cas, il faut parler alors de prise en charge globale�, dit-il. La présidente, du haut de son fauteuil roulant, intervient. “Les gens ne savent pas qu’ils peuvent être pris en charge de cette manière�, affirme-t-elle. Le kinésithérapeute se concentre de nouveau sur son travail. Silence à ses côtés.
Aidé par le jeune assistant social, il recouvre de plâtre toute la partie inférieure du gosse, allant des fesses aux pieds. Cette méthode servira à fabriquer des “attelles de verticalisation� pour le petit Younès. “Cela va lui apprendre la position debout, qu’il n’a pas acquise�, précise encore Yacine Khali. Le médecin soutient plus loin que les enfants handicapés sont privés d’espaces de socialisation. “L’école leur est pratiquement interdite aujourd’hui. Il n’y a pas de psychologue à l’école. L’enseignant n’a pas le temps de s’occuper de cas pareils�, souligne-t-il, non sans ajouter : “La situation sanitaire et sociale à Bordj Menaïel est en quelque sorte superposable à d’autres régions du pays. On n’a rien inventé !�
Houria, Rachid et les autres…
La psychologue est à son tour demandée à la consultation. Une jeune fille de 23 ans, du nom de Houria, vient lui demander d’aider son petit frère Rachid, âgé à peine d’une dizaine d’années. La spécialiste se retire dans une pièce vide et discute avec l’enfant. Au bout d’un moment, elle revient nous éclairer. Houria et Rachid habitent dans la commue de Legata. Ils sont des victimes du tremblement de terre. La jeune fille a eu une fracture du tibia-péroné et boite à présent. Houria est suivie par l’équipe depuis deux mois. “Elle a ramené aujourd’hui son frère de dix ans, parce qu’il fait un échec scolaire�, note la psychologue, puis ajoute : “Le garçon est perturbé, il a des difficultés à se rendre seul aux toilettes. Il avait déjà peur de se trouver seul avant le séisme, mais son cas s’est aggravé depuis le 21 mai.� La spécialiste nous fait part de sa décision. “Je l’ai orienté vers l’association Kenza, qui est chargée de la santé mentale, car il n’est pas en situation de handicap moteur�, informe-t -elle.
Lors de notre entretien, Mme G. nous livre plusieurs cas de patients qu’elle a suivis et ceux qu’elle accompagne encore. Parmi les cas qui l’ont le plus marquée, celui d’une adolescente de la région, qui présente une malformation du pied à la naissance. La psychologue raconte : “Cette fille se sentait différente des autres et ne savait pas quoi faire de sa vie. Pour sa famille, elle est âaba, impotente. Elle n’a pas été scolarisée et à présent, elle traîne deux handicaps, celui d’être analphabète et celui d’être une fille dans un milieu rural. On va l’intégrer à un espace de parole. On ne peut lui donner que de l’assurance, pour se prendre en charge et l’insérer dans l’apprentissage. La finalité de notre mission est l’autonomie des personnes.�
Mme G. estime que les malades approchés, paraplégiques (paralysés) ou amputés, sont livrés à eux-mêmes. “Je n’aurais jamais pensé qu’une telle région avait autant de handicapés. L’hôpital n’a pas mis au point une stratégie d’accueil et d’accompagnement�, appuie-t-elle avec force.
En début d’après-midi, les parents d’un enfant de 7 ans, infirme de naissance et agressif, se présentent pour la première fois au siège de Bordj Menaïel de la Fédération des handicapés moteurs. Le garçon présente, selon les médecins, un retard “psychomoteur profond�, c’est-à -dire qu’il ne bouge pas, ne parle pas et demeure très dépendant de sa famille. Le constat établi par l’équipe est le suivant : l’enfant, issu d’une famille pauvre habitant dans un village de la région, n’est plus suivi par le service psychiatrique de l’hôpital de Oued Aïssi. Un dossier au nom du garçon est vite monté, après une séance d’entretien-information avec les parents. De l’avis de l’ergothérapeute, cet enfant représente un fardeau pour la famille.
“Normalement, un centre spécialisé le prendrait en charge, du moment que son entretien coûte cher aux parents�, indique-t-il. Après une concertation rapide avec la présidente du projet d’accompagnement et de réhabilitation des sinistrés handicapés et blessés, l’équipe de Mme El-Mammeri tranche sur l’achat immédiat d’une chaise pour infirme moteur cérébral (IMC) et la distribution de couches. Il est plus de 14 heures. Le kinésithérapeute doit effectuer une visite à domicile, chez un de ses malades. Nous quittons les lieux, laissant derrière nous la psychologue avec d’autres patients, ainsi que l’ergothérapeute en train de finaliser son rapport mensuel.
“J’ai tout vu le jour du séisme�
À bord d’une Citroën Berlingo, pilotée par le chauffeur de la fédération nationale, nous arrivons au site La caserne, qui abrite plusieurs dizaines de familles sinistrées. Le chalet de la famille Deman est surélevé — un peu plus d’un mètre. Le chauffeur prend Mme El-Mammeri dans ses bras et la conduit à l’intérieur du bungalow, sur le canapé de la chambre faisant office de chambre à coucher. En face, M. Deman, la cinquantaine entamée, se repose sur le lit. Ingénieur en bâtiment, notre hôte n’a pas fini de repenser au terrible séisme, qui est responsable de l’amputation du pied de son jeune cousin de 17 ans et qui l’a privé d’une nièce et de autres deux cousins. “J’ai tout vu et entendu ce jour-là , les murs se fissurer, les craquements des plafonds, le fer qui sortait… La villa s’est écroulée, mais j’ai sauvé mes quatre enfants. Quant à moi, c’est ma femme qui m’a sauvé�, dit-il fièrement, en désignant du doigt sa jeune épouse. Pourtant, malgré son large sourire, M. Deman a le regard triste et interrogatif. “Si j’avais à choisir, j’aurais choisi la mort à ce moment-là . Mais, je reconnais que j’ai une femme exceptionnelle, des enfants adorables et les amis de la fédération qui m’ont beaucoup aidé depuis l’Aïd�, se décide-t-il à avouer. Au cours de la discussion, d’ailleurs très détendue, notre hôte, sa femme, la responsable de la fédération des handicapés et le kinésithérapeute complèteront le tableau. On apprendra ainsi que M. Deman a reçu la cage d’escalier sur le dos, le jour du séisme. Le malade, une fois opéré à l’hôpital, a connu un problème de prise en charge en sa qualité de handicapé. L’accident l’a rendu paraplégique et contraint à utiliser une chaise roulante. Depuis plusieurs semaines, il suit des séances de rééducation chez le kinésithérapeute de la ville de Bordj Menaïel, aux frais de l’organisation de Mme Mammeri. Grâce à celle-ci, M. Deman a bénéficié d’un déambulateur pour se mouvoir dans le chalet et reçoit son quota de couches. Il espère remarcher un jour et presse surtout Yacine Khali à confirmer un tel diagnostic. Le kinésithérapeute, à la fois rationnel et prudent, l’oriente sur la correction des positions et réplique en examinant les radios : “Vous ne devez pas vous asseoir de la sorte (en tailleur, ndlr). La moelle épinière est compressée. Cela est due à la fracture. La motricité est donc touchée. Si on lève la compression, par un geste chirurgical, il y a des chances d’améliorer votre état, dont peut-être la chance de marcher à nouveau.�
Ce rappel à l’ordre, accompagné des encouragements de Mme El-Mammeri, elle-même paralysée, incitent le concerné à revenir à la réalité, mais avec un brin de fatalité. “À l’hôpital, on était les délaissés-pour-compte. Depuis que j’ai fait la connaissance de la fédération, ma situation est meilleure. Je peux vivre comme ça. Je ne vois pas de différence�, dit-il, comme pour se convaincre lui-même.
La grande aventure de l’équipe pluridisciplinaire
Retour au siège régional de la fédération. Le chauffeur retire de la malle de la voiture le fauteuil roulant de la présidente de l’organisation des handicapés moteurs et l’y installe. La psychologue, les traits un peu tirés, vient de terminer avec son dernier patient. “C’est une journée passablement chargée. D’habitude, il y a plus de monde�, commente le kinésithérapeute, après examen du registre des consultations. Voir évoluer les membres d’une équipe durant une journée et surprendre les spécialistes dans leur travail auprès des sinistrés, soulève des interrogations sur ce groupe et sa popularité auprès de la population. L’aventure de la Fédération des associations des handicapés moteurs commence en juillet 2003. Forte de son expérience avec les sinistrés de Bab-El-Oued, l’ONG algérienne prête secours aux victimes du séisme de mai dernier. Elle initie un projet “d’accompagnement et de réhabilitation des personnes handicapées et des blessées graves� de la daïra de Bordj Menaïel, intégrant les communes de Legata, cap Djenet, Zemmouri et Bordj Menaïel. L’entreprise devient possible grâce au financement de l’organisation mondiale Handicap International. Une équipe pluridisciplinaire est formée, dont la plupart des membres ont déjà intervenu lors des inondations de novembre 2001. Des compétences sont sollicitées, celle d’un ergothérapeute, de deux kinésithérapeutes et d’une psychologue, qui font la navette Alger-Bordj Menaïel, une fois par semaine. Des conventions sont aussi signées avec un médecin et un autre kinésithérapeute, résidant dans la ville de Bordj Menaïel, afin d’assurer la continuité des soins pour les malades. Quelques emplois sont de plus créés en direction de jeunes chômeurs : assistant social, chauffeur, animateur et coordinatrice du projet. “Nous avons choisi la daïra de Bordj Menaïel, parce nous avons déjà une association des handicapés dans cette région de la wilaya de Boumerdès�, précise la présidente du projet, Atika El Mammeri.
Invitée au départ à prendre en charge 500 personnes, dans une daïra qui totalise plus de 70 000 habitants, l’équipe se voit réclamée, tant la demande est forte, par des sinistrés des autres communes limitrophes, des Issers, de Dellys, de Baghlia, de Sidi Daoud et de Boumerdès. D'après l’ergothérapeute, l’équipe intervient sur une situation, suscitée par le séisme, qui est faite de blessures. Des blessures “exprimées par la mort d’êtres chers, la destruction des biens, le dénuement et la blessure psychologique des personnes devenues handicapées, ainsi que d’un état général de perte de repères�. Le sexagénaire constate que la fédération a créé une dynamique de “continuation de l’action�, hors urgence. “Le blessé, pris dans l’urgence, est aujourd’hui un handicapé qu’il faut accompagner et aider à vivre dans un milieu nouveau�, explique-t-il. Il tente ensuite de placer son intervention dans ce cadre. “J’ai été sollicité depuis un mois pour apporter ma contribution à la solution aux problèmes de la vie dans les chalets, de mobilité, d’accessibilité et d’aménagement, pour permettre aux handicapés d’acquérir leur autonomie�, dit-il. Concrètement, M. O. va soumis des propositions aux initiateurs du projet, sur la base des contraintes repérées dans le milieu immédiat du handicapé : présence de chalets surélevés et existence d’éviers hauts, étroitesse des portes qui empêchent le handicapé moteur de bouger et position suspecte des cuvettes anglaises, très pénible pour les personnes qui évoluent dans un fauteuil roulant. “Il est rare de rencontrer dans une mairie, une école, un immeuble, un chalet ou dans un bus, des entrées d’accès�, dit-il. De son côté, le kinésithérapeute estime que près de 80% de la population handicapée n’ont pas accès à la rééducation fonctionnelle. “Bordj Menaïel est destinée à être une wilaya. Pourtant, l’hôpital ne possède pas de structure de prise en charge de rééducation fonctionnelle. Les handicapés sont une population qui ne figure nulle part et qui ne bénéficie d’aucune urgence�, affirme-t-il sans ambages. Il admet néanmoins que “la demande était latente�, en considérant que l’équipe a été “le vecteur d’un grand malaise� dans la région. “Nous sommes les soignants de la survie ; avec nos moyens, nous aidons les gens à vivre avec leurs propres séquelles�, professe-t-il.
Travail de proximité et responsabilité de l’État
La méconnaissance, par de nombreux invalides assurés, du circuit des soins et la structure d’appareillage, a contraint les membres de l’équipe à créer “un circuit parallèle de soins�, devant l’urgence et la détresse des familles sinistrées, en faisant le lien avec les autorités locales et la population elle-même. Seddik, 27 ans, qui joue le rôle d’assistant social, apporte son témoignage. “C’est une région rurale difficile. Les gens sont pauvres et vivent au jour le jour. Vous avez une population relativement petite, qui traîne beaucoup de personnes handicapées�, déclare-t-il, en mentionnant les pathologies qu’il a le plus constatées sur le terrain : enfants IMC, maladies héréditaires, paraplégie, tétraplégie et cas d’amputation. D’après Seddik, les malades ne connaissent pas leurs droits en matière de gratuité des soins et de sécurité sociale. “L’une de mes missions est de faire des démarches, pour remettre aux concernés leur carte d’invalidité et leur carte de Sécurité sociale�, signale-t-il. Mais, le jeune assistant social a d’autres tâches à accomplir, comme celle d’accompagner des malades à l’hôpital orthopédique pour une prise en charge ou vers les centres d’appareillage, pour l’achat de prothèses auditifs, de semelles orthopédiques, d’attelles et de ceintures lombostat.
L’expérience de Bordj Menaïel ne laisse pas les membres de l’équipe indifférents. Elle est “gratifiante� pour la psychologue, par son approche humaine, et “intéressante� pour l’équipe, qui est interpellée par l’installation des structures de prise en charge de personnes n’ayant pas encore fait leur deuil et qui, de surcroît, sont handicapés. Elle est même vécue par certains avec angoisse. De l’avis du kinésithérapeute, si “le travail de proximité� avec la mairie, l’hôpital de la ville et le dispensaire de Bordj Menaïel, n’est pas opéré, l’action en direction des handicapés sinistrés est “vouée à l’échec, parce que la chaîne de transmission sera rompue�. “On a appris à compter avec les autorités locales. Le soin n’est qu’un aspect de la prise en charge globale. Ce n’est pas une finalité�, explique Yacine Khali.
Les chalets, outre le problème de l’exiguïté qui est posé dans beaucoup de cas, présente une qualité de confort, qui est reconnue par les familles sinistrées. Mais, ils restent très inadaptés aux besoins des personnes ayant des impotences fonctionnelles. L’action en direction des handicapés devrait s’élargir à l’ensemble des régions du pays, en premier lieu aux zones touchées par les catastrophes naturelles. Elle devrait être intégrée dans les préoccupations des urbanistes, mais aussi autorités locales et nationales. L’État, plus que le mouvement associatif, est interpellé par la situation insoutenable des handicapées, dont les familles sont souvent démunies sur les plans économique, social et médical.
H. A.
Atika El-Mammeri
Portrait d’une battante
Atika El-Mammeri est née en 1952 à Bouzaréah, dans la wilaya d’Alger. À l’âge de 24 ans, un accident de voiture la plonge dans une tétraplégie post-traumatique. L’institutrice, devenue par la suite diplômée en psychologie appliquée, est désormais paralysée des membres inférieurs et présente une paralysie des membres supérieurs. L’accident est à l’origine de son combat, celui d’améliorer les conditions de vie des handicapés. À partir de 1989, la brunette aux yeux très expressifs s’investit dans une association des handicapés. L’année suivante, elle est élue présidente de l’Union des handicapés moteurs de la wilaya d’Alger. Atika El-Mammeri donne un sens à sa vie, en s’engageant aux côtés des autres handicapés du pays. C’est ainsi qu’en 2004, elle se retrouve à la tête de la Fédération des associations des handicapés moteurs (Fahm), qui regroupe une centaine d’associations. “Après 13 années passées au sein des deux associations, j’ai une connaissance des gens qui vivent derrière les murs des bâtiments d’Alger�, confie-t-elle, en lançant plus loin en riant : “Malgré mon handicap, je ne me sens pas handicapée. Maintenant, mon corps est dans ma tête.� Plus aguerrie et plus expérimentée, la responsable de l’ONG défendra le principe selon lequel “les personnes handicapées deviendront les acteurs de leurs propres changements�. S’agissant des gens de Bordj Menaïel, Mme El-Mammeri reconnaît qu’“ils sont encore à l’état de demandeurs�. Pourtant elle situe l’intervention de son organisation. “Nous ne sommes pas là pour couvrir les carences de l’État, sinon il dormira sur ses oreilles�, déclare-t-elle, espérant voir une plus grande implication des institutions étatiques et des structures sanitaires, en matière de prise en charge des handicapés. “Plus on avance, plus les gens sont demandeurs�, note-t-elle encore, en se demandant ce qu’il adviendra de la population de Bordj Menaïel, une fois le projet de la fédération terminé. Même l’hôpital et un des dispensaires de cette région ont bénéficié d’achats de produits et d’équipements sur le compte de l’organisation associative. “Il faut nécessairement un ministère délégué aux handicapés, pour élaborer une politique de prise en charge et d’insertion de cette catégorie de la population, pour la mise en place d’une loi qui vise leur protection et leur promotion�, conseille la patronne de la Fahm.
H. A.


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