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Un proces politique
le journaliste et militant des droits de l'homme lourdement sanctionné par le tribunal de djelfa
Publié dans Liberté le 10 - 06 - 2004

Le verdict est tombé en fin de journée. Hafnaoui Ghoul est condamné à deux mois de prison ferme et à 10 millions de centimes d'amende.
La salle d'audience est peinte en gris. Surs les murs nus, nulle trace de la balance en bronze. Faisant face à la porte d'entrée, le juge est assis derrière son pupitre. Il consulte ses dossiers. À sa gauche, le procureur de la République est également plongé dans la lecture des affaires du jour. Un climatiseur vrombit au-dessus de sa tête. Se trouvant du côté droit, le greffier scrute l'assistance impassible. Il fait chaud. Les lieux sont exigus. Une foule de robes noires disserte, amassée devant le prétoire. Une grande cohue s'empare de la salle tout entière. Deux rangées de bancs en bois suffisent à peine à contenir les invités aux procès du jour. Les retardataires s'agglutinent dans l'allée. La plupart ont les yeux rivés sur le box des accusés encadré par des policiers en uniforme.
Entre autres prévenus du droit commun, un inculpé attire les regards des présents. De son côté, il n'a d'yeux que pour son père, un vieux paysan moustachu qui se languit de son absence depuis deux semaines. De temps à autre, il détourne la tête et sourit à quelques autres visages familiers. Hafnaoui Ben Ameur Ghoul est là, assis entre un mauvais mari et un signataire de chèque sans provision. Son tort à lui est d'être à la fois journaliste et militant des droits de l'Homme. C'est à ce titre qu'il a été convoqué, hier matin, devant le tribunal correctionnel près la cour de Djelfa. Sauf qu'il n'est pas venu à l'audience en citoyen libre mais dans un fourgon cellulaire ! Mis en détention préventive par le juge d'instruction, le 24 mai dernier, il est poursuivi pour trois plaintes émanant du wali et du directeur de la santé. Les chefs d'inculpation retenus contre lui sont la diffamation, l'injure et l'atteinte à corps constitués. Mais Hafnaoui n'en a cure. Il aggrave même son cas. “La justice n'est pas indépendante. Le wali est un exemple du terrorisme et du despotisme administratif. Vive la dignité des enfants naïlis”, s'écrie-t-il à sa descente du fourgon. Il est un peu plus de 9 heures quand le correspondant de presse arrive au tribunal.
Une arrivée remarquée
En guise de comité d'accueil, des policiers en civil et d'autres “en bleu de travail” sont disséminés dans la rue attenante à la maison de la justice. À la vue du convoi pénitentiaire, les agents de l'ordre forment un corridor. La circulation automobile est arrêtée.
À l'entrebâillement des portes du fourgon, les appareils photos commencent déjà à crépiter. Autrefois petit journaliste de province anonyme, Hafnaoui est reçu en star. À l'entrée du tribunal, des d'éditeurs et des journalistes, venus d'Alger pour le soutenir, lui font l'accolade. Il y a là Omar Belhouchet et Mohamed Benchicou, directeurs des quotidiens El Watan et Le Matin, Zoubir Souissi, président du Conseil de l'éthique et de la déontologie, l'ex-patron de Liberté Abrous Outoudert et son caricaturiste Ali Dilem, ainsi que le secrétaire général du syndicat des journalistes, Rabah Abdellah. D'allure paisible et rassurée, le prévenu rejoint la salle d'audience. Le procès peut commencer.
Après avoir expédié une ou deux affaires, le juge ouvre le dossier numéro 2328. Hafnaoui est convoqué à la barre. De leur côté, ses avocats se précipitent vers le juge pour lui demander de reporter à plus tard la comparution de leur client, le temps que deux confrères d'Alger puissent rallier le tribunal.
Le magistrat accepte. Cet intermède servira surtout à la défense pour coordonner son travail, car outre Mes. Triki et Amhin, quatre autres avocats venus de la capitale se joignent au collectif. Il s'agit des Mes Bourayou, Meziane, Bensaïd et Guenane. Le renfort arrivé, les différentes parties entrent en scène. Très affable et doté d'un grand sens d'équité, le juge donne la parole à tout le monde. La défense en profite pour débattre la forme de la procédure en mettant en relief ses irrégularités ainsi que ses zones d'ombre. La célérité de l'instruction, audition des plaignants et de l'inculpé à la même heure – c'est notifié dans le procès-verbal de l'audition — détention préventive injustifiée, l'occultation de la qualité de Hafnaoui — dans le but de le présenter comme un individu ordinaire — alors qu'il est poursuivi pour un délit d'opinion, la paternité des plaintes par le wali alors que certains chefs d'inculpation ne le concernent pas directement… sont autant d'anomalies portées à la connaissance du juge par les avocats. Voulant justement donner un caractère banal à l'affaire, Me Djebari, défenseur de la partie civile, dénie à Hafnaoui son statut. Pour lui, le correspondant local n'est pas un journaliste.
Une drôle de tentative de conciliation
Très théâtral, lyrique à souhait, l'avocat du maire utilise les rimes pour accabler le prévenu. Il élève également la voix pour épater son auditoire. Ses interventions provoquent des rires dans la salle. Ce qui contraint souvent le juge à user de son autorité pour rétablir le calme. Il ira jusqu'à suspendre la séance lorsqu'une bagarre éclate entre les avocats des deux parties.
S'exprimant sur l'objet de la diffamation, un entretien accordé par Hafnaoui au quotidien Le Soir d'Algérie le 18 mai dernier, le défenseur du wali fait observer à la cour que le prévenu est revenu sur certains de ses propos accordés au journal en arguant du fait que son interviewer a mal traduit le texte de l'arabe au français. S'en prenant à la journaliste du Soir, il lui reproche vertement de ne pas connaître la langue de ses aïeux : “Honte à elle. Elle ignore l'arabe alors que l'Algérie est indépendante depuis plus de 40 ans”, pestera-t-il.
Les avocats de Hafnaoui répliquent avec force et le ton monte. L'interruption de la séance dure dix minutes. Sollicités par les journalistes, l'inculpé livre quelques nouvelles confidences. Lors de la dernière audition devant le juge d'instruction, les directeurs de la santé et de la réglementation s'approchent de lui porteurs d'un message. “Le wali te promet de régler tous tes problèmes si tu reviens sur tes accusations”, lui susurrent-ils. Déjà lourdement affecté, Hafnaoui n'en peut plus. En grève de la faim depuis son incarcération, il est davantage affligé chaque jour. Décontenancé par une affaire de vol — de K7 — que le procureur général a déterrée, il entend porter plainte contre ce dernier. Hafnaoui ne se taira pas. 10h 40, l'audience reprend. De nouveau, le prévenu est convoqué à la barre. Il est prié de prendre la parole et le fait avec la même assurance et la détermination qui caractérisent ses écrits. “Ce wali est le modèle du responsable pourri”, assène-t-il sans l'ombre d'une hésitation. N'esquivant aucune question du juge, il ressasse ses vérités. Oui, les populations de Djelfa n'ont pas bénéficié de l'argent faramineux alloué à la wilaya. Quand le magistrat l'interroge sur le montant de la somme qu'il a avancée —6 000 milliards de centimes — dans son entretien au Soir d'Algérie, le représentant de la Laddh le renvoie aux statistiques de la direction de la planification. “Je n'ai fait que relater les faits connus de tous les citoyens. Pourquoi n'avez-vous pas ouvert une enquête pour vérifier tout ce que j'ai dit au lieu de m'accuser à tort ?”, demande-t-il à la cour sur le ton du défi.
Dans une tentative de déstabilisation, le juge le prie de faire valoir ses diplômes. “Je suis un autodidacte. El-Akkad — l'homme de lettres égyptien — l'est aussi”, répond le journaliste. Avec le même aplomb, il réplique à toutes les autres insinuations d'affabulation et de mensonge. À l'instar d'autres correspondants, il a été intimidé et menacé. Il a pris en charge un cas de torture qui relève de l'atteinte aux droits de l'Homme. La victime est un jeune dont la mère est présente dans la salle. Elle confirme : “Mon fils a bu de l'eau de Javel…” Pour l'avoir dénoncé, Hafnoui est poursuivi. Devant le juge, il évoque pas moins d'une soixantaine de plaintes depuis cinq ans, dont une vingtaine du wali. “La loi ne limite pas les poursuites”, rétorque l'avocat de la partie plaignante. Dans une plaidoirie fleuve de deux heures, il présentera le wali sous le visage du sauveur et Hafnaoui comme un malpropre et un ingrat. “Ce wali, je ne l'ai jamais rencontré. Mais il faut lui reconnaître un travail de développement titanesque”, s'épanche-t-il dans une louange. “Avons-nous des bidonvilles à Djelfa ?” s'exclame-t-il en se tournant vers l'assistance à la recherche d'appuis. “Oui”, répondent en chœur les présents.
Un verdict terrible
À travers le réquisitoire du procureur de la République, la wilaya apparaît aussi comme un éden. “En tant que témoin de l'œuvre du wali, je demanderai à ce qu'il soit maintenu en cas de changement”, lance le représentant du parquet. Pour punir son pourfendeur, il exige le châtiment suprême : 8 mois de prison avec sursis ainsi que
200 000 millions de centimes d'amende. Auparavant, il s'est attelé à le discréditer en liant son affaire à une vulgaire histoire de règlement de comptes. À ce propos, il exhibe une demande d'emploi de l'intéressé au wali, restée sans réponse. 15 heures, la séance de flagellation achevée, la défense investit le terrain. Tour à tour, les six avocats se relaieront au prétoire. Chacun articulera sa plaidoirie sur l'une des failles du procès. Maître Bourayou lève le voile sur la principale motivation des poursuites. Se tournant vers Hafnaoui, il dira : “Ton seul crime est d'être un journaliste.” Après plus d'une heure de plaidoyers, le juge se retire pour les délibérations. Il est un peu plus de 18h quand tombe le verdict. Hafnaoui Ghoul est condamné à 2 mois de prison ferme et à 10 millions de centimes de dommages et intérêts. Il quitte le tribunal par une porte dérobée. La défense a décidé de faire appel. Affaire à suivre…
S. L.


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