L'Union européenne a décidé, vendredi soir à Copenhague, un élargissement historique à dix nouveaux pays qui va pousser ses frontières jusqu'à la Russie et l'Ukraine, treize ans après la chute du communisme en Europe. “Aujourd'hui, nous avons clos un des chapitres les plus sanglants et les plus sombres de l'histoire européenne”, a déclaré le Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, président en exercice de l'UE, saluant "un jour historique pour les peuples d'Europe et du monde". "L'Europe étend ses ailes dans la liberté, la prospérité et la paix. C'est un véritable moment de fierté pour l'Union européenne. C'est un triomphe pour la liberté et la démocratie", a-t-il ajouté en souhaitant "bienvenue dans notre nouvelle famille" à ses pairs radieux des pays candidats. Tous les dirigeants européens ont rivalisé de lyrisme pour célébrer ce que le Premier ministre britannique Tony Blair a qualifié de "moment extraordinaire". Le président français Jacques Chirac a fait part de sa "vraie émotion". Le chancelier allemand Gerhard Schroeder a évoqué un grand jour "pour l'Europe et aussi pour l'Allemagne". Le Premier ministre polonais, Leszek Miller, a souligné que ce 13 décembre 2002 effacerait dans l'Histoire de son pays celui de 1981, quand le général Jaruzelski avait imposé l'état de siège pour briser l'élan du syndicat libre Solidarité. L'UE a décidé d'intégrer, à compter du 1er mai 2004, la Pologne, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, Malte, Chypre et les trois anciennes républiques baltes de l'ex-URSS, la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie. Les différents pays candidats ont cependant prévu de consulter leur opinion par référendum avant de ratifier les traités d'adhésion. Dans certains pays comme Malte, la Lettonie ou la République tchèque, les résultats pourraient être serrés, selon les sondages. L'accord des Quinze, membres de l'actuelle Union, a été arraché à l'issue d'âpres négociations avec la Pologne, le poids lourd des pays candidats avec ses trente-huit millions d'habitants. La nouvelle Europe à vingt-cinq comptera un peu plus de quatre cent cinquante millions de citoyens, soit soixante-quinze millions de plus. Mais elle sera plus pauvre puisque avec 20% de population en plus, sa richesse ne s'accroîtra que de 4,6%. Cet élargissement est le plus important depuis les débuts de la construction européenne. Pendant les deux jours du sommet, jeudi et vendredi, les Quinze, qui avaient décidé de clairement limiter le coût de l'élargissement, ont dû combattre pied à pied avec la Pologne et, dans une moindre mesure, la République tchèque et la Hongrie. L'Otan au service de l'Europe L'Otan a levé une hypothèque majeure qui planait sur la politique européenne de défense commune en décidant de permettre aux Quinze d'accéder aux moyens de planification de l'Alliance pour de futures opérations militaires. Les ambassadeurs réunis au sein du Conseil permanent de l'Atlantique Nord ont entériné tard vendredi soir, à l'issue d'une journée de négociations, un accord sur l'établissement de relations permanentes entre l'UE et l'Alliance atlantique, qui échappait aux Européens depuis plusieurs années. p Par cette décision, les Quinze disposent d'un accès avec “effet immédiat” aux moyens de logistique et de planification de l'Alliance, y compris au niveau du renseignement, dont ils pourront se servir pour mener à l'avenir des opérations militaires communes, comme en Macédoine par exemple. Cet accord était également jugé crucial pour le lancement effectif l'année prochaine de la future force de réaction rapide de l'UE, qui doit rassembler quelque 60 000 hommes et être le bras armé des Européens pour des missions de maintien de la paix ou humanitaires.
