Même si les résultats officiels n'ont pas encore été rendus publics par l'Isie, des chiffres officieux annoncent un second tour entre Béji Caïd Essebsi et Moncef Marzouki, lesquels ne seront départagés que par les alliances qu'ils contracteront avec les autres forces politiques. Pour quel choix opteront les Tunisiens lors du second tour de l'élection présidentielle, qui mettra aux prises, selon toute vraisemblance en l'absence de résultats officiels, Béji Caïd Essebsi avec Moncef Marzouki ? La question mérite d'être posée au vu des positions diamétralement opposées des deux postulants à la magistrature suprême. Il ne fait cependant aucun doute que cela se fera en fonction de l'appartenance de tout un chacun à un courant politique. Béji Caïd Essebsi, que d'aucuns présentent comme un représentant des anciens systèmes, de Habib Bourguiba et Zine El-Abidine Ben Ali, demeure, toutefois, comme un garant de la stabilité du pays en raison de la politique que prône son projet de société basée sur la laïcité. En dépit de son âge, très avancé, l'ex-ministre de l'Intérieur sous Bourguiba défend les acquis de la société tunisienne, notamment ceux de la femme. Béji Caïd Essebsi, qui a affirmé lors d'un de ses meetings qu'il existait treize siècles d'écart entre son projet et celui des islamistes, est considéré comme un farouche opposant à ces derniers. À partir de là, il devrait a priori bénéficier d'un report de voix des formations politiques tunisiennes de gauche, adeptes, elles aussi, de la laïcité et de la modernité, même si Moncef Marzouki fait partie, lui aussi, des forces progressistes. Il n'en demeure pas moins qu'on lui reprocherait une alliance non déclarée avec les islamistes d'Ennahdha, lesquels, n'ayant pas de candidat à cette élection présidentielle, ont affirmé reconsidérer leur position à la lumière des résultats du premier tour. Mais leur opposition publique à Béji Caïd Essebsi pourrait être interprétée comme un soutien non déclaré au président de la transition, au cours de laquelle les relations entre les deux parties étaient loin d'être mauvaises. En d'autres termes, Moncef Marzouki est bien parti pour être le candidat préféré des islamistes. C'est dire qu'il pourrait créer la surprise lors du second tour du scrutin, si jamais les islamistes votaient en masse en sa faveur, bien que l'écart entre lui et le président de Nidaa Tounès au premier tour soit conséquent avec plus de 20% pour ce dernier. En somme, la discipline de vote des islamistes pourrait s'avérer déterminante à cette occasion, car de nombreux sympathisants du parti ont dit vouloir voter pour Moncef Marzouki. Ceci étant, Béji Caïd Essebsi a accusé, hier, son principal adversaire, le président sortant Moncef Marzouki, d'être le candidat des islamistes et des "salafistes jihadistes". "Ceux qui ont voté pour M. Marzouki, c'est les islamistes (...), c'est-à-dire les cadres (du parti islamiste) Ennahdha (...). Nous avons aussi avec lui les salafistes jihadistes et nous avons avec lui les ligues de défense de la révolution, qui sont tous des partis violents", a-t-il déclaré à la radio française RMC, en allusion aux Ligues de protection de la révolution (LPR), un groupe brutal pro-islamiste surtout actif de 2011 à 2013. Au journaliste qui lui demandait si Moncef Marzouki était "à la solde des islamistes", Béji Caïd Essebsi a répondu : "Bien entendu." "Il a été le président qui a été désigné par Ennahdha (...). Je vous dis, tous ces islamistes se sont rangés derrière lui", a-t-il martelé. Pour le second tour, "malheureusement, il va y avoir une coupure en deux, les islamistes d'un côté et puis tous les démocrates et les non-islamistes de l'autre", a-t-il estimé. Reste que les résultats des dernières législatives, remportées par Nidaa Tounès, laissent penser que les Tunisiens, déçus par la gestion islamiste de la période de transition, comptent bien dire leur mot à l'occasion de ce second tour de la présidentielle afin d'éviter un retour en arrière. Ceci étant, le troisième homme de la présidentielle, qui est une figure de proue de la gauche, en l'occurrence Hamma Hammami, a jugé, dimanche soir, que son score était "un message positif". Il a indiqué que sa formation, le Front populaire, se réunirait pour étudier une éventuelle consigne de vote pour le second tour. M T