Le tribunal, qui est appelé en fait à juger de faits historiques, aurait peiné, selon de nombreux juristes, à trouver l'assise juridique pour mener un procès. L'information judiciaire ouverte par le parquet d'Alger — qui s'est autosaisi — contre Saïd Sadi au motif que ce dernier aurait diffamé à la fois Messali Hadj, Ahmed Ben Bella et Ali Kafi fait déjà l'objet d'une controverse. Hier, à une assertion véhiculée dans le journal El Khabar, selon laquelle le procureur de la République aurait finalement stoppé net la procédure judiciaire qu'il a engagée contre Saïd Sadi, l'agence Algérie presse service (APS) a répliqué promptement en soutenant, citant des sources judiciaires non identifiées, que l'autosaisine a toujours cours. "Le dossier n'a pas été abandonné et l'instruction est toujours en cours auprès du parquet de Sidi-M'hamed", a rapporté l'APS, citant une source judiciaire. La même dépêche précise même que c'est la troisième chambre d'instruction qui a été chargée d'instruire cette affaire et que "le doyen des juges d'instruction a été désigné pour ce dossier". Cette précision de l'APS, l'agence de presse officielle, qui ne prend jamais de liberté dans le traitement des informations sensibles, prend le caractère d'un démenti officiel à l'information rapportée par El Khabar, laquelle signifie que le parquet se serait déjugé et a décidé d'annuler l'information judiciaire engagée contre Saïd Sadi. Qui de l'agence ou du journal s'est abreuvé à la bonne source, tant est que l'un et l'autre attribuent leur information a "une source judiciaire" ? Difficile d'y répondre. Néanmoins, il est permis de supposer que le parquet, en décidant d'ouvrir une information judiciaire contre Saïd Sadi pour diffamation, s'est rendu compte qu'il engageait ainsi l'ouverture d'un dossier qui risque de le desservir. Le dossier est, tout au moins, des plus délicats à instruire. Le tribunal, qui est appelé, en fait, à juger de faits historiques, aurait peiné, selon de nombreux juristes, à trouver l'assise juridique pour mener un procès. En effet, le droit est muet s'agissant de faits diffamatoires à l'encontre de personnes décédées. De plus, au plan de la procédure, il y a un sérieux hic : les propos de Saïd Sadi ayant dicté l'autosaisine du parquet sont rapportés par un média, ce qui signifie qu'il y a aussi, sinon d'abord, délit de presse. C'est d'ailleurs ce que Saïd Sadi a souligné avant-hier à Souk El-Thenine, à Béjaïa. Tout en affirmant assumer ses propos, il a tenu à distinguer entre ce qu'il a dit et ce qui a été rapporté. L'auteur du livre Amirouche, une vie, deux morts, un testament a, par ailleurs, estimé que le procès est le bienvenu, en ce sens qu'il permettra de revisiter l'histoire même si c'est devant un tribunal. Le parquet aurait-il réalisé, après coup, l'improductivité éventuelle de son action qui donnera lieu, si elle est maintenue, à un procès politique ? Pour le moment, le parquet a produit une seule annonce officielle, celle répercutée par l'APS le 5 janvier, à savoir l'ouverture d'une information judiciaire contre Saïd Sadi. Ce dernier affirme que rien ne lui est notifié à ce jour. Ce qui veut dire qu'il ne fait toujours pas l'objet d'accusation. S. A. I.