Le 30 décembre 2014, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, déclinait, devant l'ultime Conseil des ministres de l'année, ce qui devait être la perspective centrale dans l'agenda politique à court ou moyen terme. Il affirmait, en effet, qu'il comptait parachever en 2015 l'édifice institutionnel, en concrétisant la révision constitutionnelle promise lors de son fameux discours d'avril 2011, mais que les contingences politiques semblent remettre aux calendes grecques. Le président Bouteflika, qui avait ordonné auparavant deux consultations autour du projet — la première, en juin 2011, conduite par le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, et la seconde, en juin 2014, managée, elle, par le ministre d'Etat, directeur de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia —, annonçait des séances de rattrapage pour les partis et personnalités qui auraient manqué ou choisi de ne pas émettre leurs propositions d'amendements pour la loi fondamentale. "De larges consultations ont été menées dans ce but (révision de la Constitution, ndlr) voilà deux années. Elles ont été approfondies, récemment, avec pour seules limites les constantes du peuple et de la République", avait-il rappelé, avant d'annoncer que "bien évidemment, la porte demeure ouverte devant ceux qui ne sont pas encore associés à cette consultation qui reflète l'esprit même des différences". Cette annonce, qui, donc, date d'un mois et demi, n'est toujours pas suivie d'actions. Le président de la République, maître d'œuvre du chantier de la révision constitutionnelle, n'a pas enchaîné, comme il aurait été logique, avec la définition du caractère des nouvelles consultations, encore moins par la mise en place du calendrier de leur déroulement. À telle enseigne que nul n'est en mesure, aujourd'hui, de dire quand et dans quelle formule seront organisées lesdites consultations. Même le fantasque secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Amar Saâdani, qui prétend être au fait des convulsions les plus indicibles du sérail, s'avoue, ce coup-ci, incapable de sonder et de capter ce qui se mijote réellement à propos de la révision de la Constitution. Cela, peut-être, parce que le maître de la décision en la matière n'a lui-même toujours pas intégré le chantier de la révision de la Constitution parmi les tâches politiques à accomplir de manière diligente. Les audiences séparées autour de la Constitution, selon les médias, que le président Bouteflika a récemment accordées au chef d'état-major de l'ANP et au patron du DRS, suggèrent, il est vrai, l'existence de sérieuses divergences à aplanir quant à la nature des amendements à apporter au texte constitutionnel. Néanmoins, ce n'est pas uniquement cela qui occasionnerait ce retard dans le lancement du nouveau round de consultations. Si le chantier n'est encore pas lancé, c'est parce que l'opposition politique s'est déclarée non intéressée par les prolongations aux consultations annoncées par Bouteflika. Du coup, c'est toute la perspective d'une Constitution consensuelle qui s'en trouve sérieusement compromise. La difficulté pour le président Bouteflika à parachever le chantier est d'autant plus grande qu'il se retrouve quasiment esseulé face à une opposition qui a réussi à faire bloc contre lui, mais surtout qui ne juge pas urgent de réviser la Constitution. L'Instance de consultation et de suivi (ICS) de l'opposition, qui réunit la CLTD et le PFC et des personnalités, a un agenda politique en net déphasage avec la perspective de la révision constitutionnelle telle qu'esquissée par le pouvoir. Elle estime qu'il n'est point judicieux de triturer la loi fondamentale du pays si, au préalable, ne serait pas intervenue une légitimation de l'institution présidentielle, à travers une élection anticipée supervisée par une instance indépendante d'organisation des élections. La solidarité réussie de l'opposition et les communes projections qu'elle s'est dessinées ont foncièrement contrarié l'agenda politique du pouvoir, auquel l'émiettement de la classe politique a, jusque-là, facilité les tâches. La conjoncture économique, marquée par le reflux des recettes des exportations des hydrocarbures du fait de la chute du prix du baril de pétrole, porte son malheur au comble et le laisse conséquemment naviguer à vue. S. A. I.