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L'Algérie et la course vers les gaz de schiste
Gouffre économique, trou noir technologique et carnage écologique annoncés
Publié dans Liberté le 02 - 04 - 2015

Est-ce pour rien que des secrétaires d'Etat américains et des "experts" français défilent en Algérie pour aider nos décideurs et leurs servants à imposer à notre peuple l'exploitation de "ce que Allah nous a donné" qu'il serait "Haram" de ne pas utiliser ? Ou alors comme jadis, avec ce qui a été fait dans la région de Reggane, est-on en train de préparer notre pays comme terre d'expérimentation de ce qui est interdit par la loi sur le sol français ? Et du même coup, se donner le temps de perfectionner – le temps qu'il faudra- sur le dos de notre nature et de notre peuple des technologies connues et archi-connues, pour leur caractère multi-mortifère ?
Il ne se passe pratiquement pas un jour en Algérie sans manifestations, et parfois répressions violentes autour des projets algériens d'exploitation de gaz de schiste. Cette opposition populaire est non seulement justifiée mais aussi salutaire si elle connaît le succès qu'elle mérite.
J'interviens ici (après l'avoir fait, il y a quelques mois à Maghreb Emergent), non pas comme expert ou spécialiste, mais en tant que simple citoyen concerné et en tant qu'ancien cadre dans le domaine pétrolier. Je tiens à affirmer d'emblée que cette folle précipitation vers les hydrocarbures non conventionnels comme les gaz de schiste n'est que tentative désespérée de pérenniser la manne et la rente, dont nos dirigeants se servent pour acheter la paix sociale depuis des décennies. Mais, c'est aussi, hélas, un gouffre économique accompagné d'un trou noir technologique et, surtout, d'un tsunami de dévastations écologiques, dont on ne sait ni les ampleurs ni les limites.
Les cas argentin, américains, polonais, québécois...
En Argentine, la compagnie française Total, entre autres, après que la fracturation hydraulique eut été interdite dès 2011, en France, s'est ruée sur l'obtention de concessions (près 6000 kms2 en Patagonie) menaçant d'aggraver des problèmes environnementaux déjà gigantesques (évalués à près de 1 milliard de dollars pour la période 1991-1997 !) infligés notamment aux autochtones Mapuche et leurs eaux, terres, bétails... qui ne cessent de manifester et de se faire "punir"... rejoints et soutenus depuis par syndicats, ONG, associations de défense des terres. Une quasi-guerre Indiens-Blancs y bouillonne. Aux USA, au cas de la Pennsylvanie célèbre depuis le documentaire Gasland, se sont ajoutés ceux du Dakota du Nord, de l'Arkansas, du Texas, de la Virginie occidentale, de l'Oklahoma... où on déplore, non seulement le fait que les eaux soient contaminées au méthane souvent jusque dans les robinets de cuisine, mais aussi les graves dégâts à la flore, à la faune et au bétail, aux atteintes à la santé des populations alentour. À cela, vient se greffer ce qu'on dénomme "sismicité induite", c'est-à-dire des tremblements de terre dus aux techniques de fracturation utilisées.
En Pologne, même si les paysans et les citadins s'insurgent moins qu'ailleurs, c'est économiquement qu'un recul brutal a été imposé à Exxon, Total, Talisman, Chevron, Marathon-Oil : les réserves estimées et les coûts d'exploitation sont bien trop éloignés des mirages annoncés. Au Québec, des procès ont déjà lieu entre compagnies et villes ou villages entiers, comme dans la région de Gaspésie où la ville de Gaspé se retrouve poursuivie pour des millions de dollars, parce que ses autorités ont osé émettre un décret pour protéger ses eaux potables. Les émanations de méthane des puits mal fermés sont légion et les populations protestent régulièrement.
La "mise en difficulté" du Venezuela, de la Russie et de l'Iran
Selon bien des sources, les crédits consentis (prêts, subventions, crédits d'impôts, etc.), ajoutés aux gonflements artificiels des actions de compagnies qui annonçaient un super nouvel Eldorado, ont engendré une bulle financière avoisinant les 5 à 6 000 milliards de dollars. Soit environ 4 à 5 fois celle des subprimes de 2008. Si on tient compte du fait que plus des sept-huitièmes des dollars en circulation sont détenus hors USA, on devine aisément que si cette bulle, qui dope virtuellement l'économie américaine, vient s'ajouter à celle des prêts étudiants –au-delà de mille milliards de dollars-, à celle d'un nouveau type de subprimes, constitué par les financements de ventes de voitures –pas loin de mille milliards de dollars, juste pour la seule compagnie GM-, les effets sur l'économie mondiale seraient inimaginables. Voilà un premier résultat du boom des gaz et huiles de schiste, dont on se garde bien de parler, lorsque des secrétaires d'Etat américain se déplacent en Algérie pour y défendre l'exploitation. Mais, il y a aussi des visées géostratégiques : abaissant le prix du gaz sur le marché américain, cela fait chuter celui du charbon (grandement utilisé pour les stations thermiques) et donc celui de l'électricité, ce qui rend moins indispensable l'électricité achetée au Canada et favorise la balance des paiements US.
Mais aussi, du même coup, grâce au gonflement des quantités offertes, faire très mal à la Russie, au Venezuela (actuellement en état de guerre larvée avec son voisin la Colombie, la dégradation socioéconomique vénézuélienne provoquant notamment un énorme reflux migratoire de Colombiens travaillant au Venezuela), à l'Iran, etc. Voilà des visées machiavéliques, dont il est fort peu fait état, quand on parle du "miracle" des gaz de schiste américains.
Divers pivots du gouffre économique
On a vu l'exemple de Total se précipitant hors de la Pologne pour coûts prohibitifs (on y parlait de 50 millions de dollars par forage) et rendements rédhibitoires, mais on fait peu état de la situation au cœur même des Etats-Unis : la plupart des gros joueurs comme Chesapeake, Royal-Deutsch Shell, Exxon, non seulement déclarent "y bouffer leur chemise" (formule prononcée par le patron de Exxon devant le Congrès en 2014), mais plusieurs d'entre eux, dont Shell et Chesapeake, ont dû recourir à des milliards de dollars de résiliations d'actifs pour éponger des parties de dettes. Comme on l'a vu plus haut, nous sommes bien plus en présence d'un phénomène de gonflement de bulle financière que de rentabilité économique "ajoutée". Si c'est là une des facettes du portrait US, que dire de ce que ce sera pour l'Algérie ? Ce gouffre économique, comme je le dénomme, à plusieurs pivots : creuser verticalement puis horizontalement, sur des profondeurs devant aller jusque des 3 000 à 10 000 mètres (pour atteindre la "roche mère"), souvent devoir aller au-delà du niveau de la nappe phréatique, injecter sous haute pression des quantités astronomiques d'eau, additionnée de centaines de produits chimiques (on parle d'une moyenne de 20 000 m3 d'eau par puits).
On devine aisément ce qu'il faut, juste pour cette question d'eau, comme forages connexes, norias de camions citernes, capacités de récupération-disposition des eaux et des boues utilisées. Alors que, en même temps et en moyenne, un puits de gaz ou d'huiles de schiste n'est rentable qu'une année, avec des taux de récupération de 3 à 10% ! Doubler les puits tous les ans, avec l'ensemble des opérateurs actuellement actifs aux Etats-Unis, dans de telles conditions, reviendrait à équivaloir, en coûts, ce que ce pays a dépensé pour "colmater" la crise de 2008, en une ou deux années !
Dépendance totale des technologies occidentales
Je parle évidemment à dessein de "trou noir", car la métaphore est loin d'être gratuite : on ne sait tout simplement rien, ou à peu près rien, notamment de la kyrielle de produits chimiques (tenus secrets et se chiffrant en centaines) que l'on doit mélanger à l'eau sous pression, pour aider à fluidifier, diluer, circuler les "iotas" de gaz ou d'huiles que la nature tient fermement prisonniers dans des roches dures, imperméables et non poreuses depuis des millions d'années. Ajoutons à cela tous les secrets entourant ce que deviennent les eaux et les boues usées "invisibles" non récupérées, ce que sont et font les particules de sable, les billes métalliques, qui doivent maintenir poreux et perméable ce que Dame Nature a fait non poreux et non perméable ; les effets des multiples mini-explosions souterraines sur des km2 alentours et dans tous les sens. Nous sommes tout simplement en présence d'une totale ignorance, non seulement de tout cela, mais aussi et surtout des effets synergiques de la combinaison de tous ces phénomènes (et produits chimiques entre eux) à moyen et long terme (à court terme, nous ne le savons déjà que trop bien). Par ailleurs, si l'on prend le cas de l'Algérie (même si certaines sources de la Sonatrach affirment qu'il est utilisé au pays de la fracturation hydraulique depuis les années 1990), cela n'a rien à voir (ou alors il faudra compléter l'explication) avec ce dont on parle pour les gaz de schiste. Nous dépendons totalement et absolument des technologies occidentales et surtout américaines, qui, rappelons-le, en sont à dévaster des terres, la faune, la flore, des Etats entiers...
Comment décontaminer eaux et boues "récupérées"?
Quitte à me répéter, je rappelle que l'on ne sait absolument pas comment décontaminer les eaux et les boues "récupérées" ; que ces eaux en quantités titanesques seront autant de perdu pour l'agriculture et la consommation humaine ; que l'on ne peut strictement rien dire de rassurant quant au sort que subiront l'artésien, l'albien, le phréatique ; pas plus que sur les effets des énormes quantités de méthane (sans parler des poisons chimiques injectés) sur les sols, les animaux, encore moins sur les conséquences à long terme des sismicités induites. Mais, l'on sait déjà que le méthane est dix fois plus "à effet de serre" que le carbone, qu'il se retrouve dans les eaux ménagères de maints foyers américains, de réserves amérindiennes, même à des kilomètres de tout puits, qu'il provoque la dégradation de l'habitat de biens des espèces aquatiques et terrestres. Qu'il pourrait être lié, à des taux plus élevés que ceux "naturels" et à long terme, à hausses d'incidences de maladies respiratoires, de la peau, et seul Dieu sait quoi d'autres ! En guise de mot de la fin de ce "coup de gueule" indigné, je dirais tout simplement que nous jouons aux apprentis sorciers et aux pyromanes programmés, à trop vouloir compter sur la facilité de "creuser-pomper-vendre-acheter à l'étranger" en matière de politique économique algérienne. Politique qui s'est toujours résumée (en s'aggravant avec le temps au lieu de se réduire) in fine, à se contenter d'échanger les rentrées en devises étrangères dues aux hydrocarbures (95% ou plus du total de nos rentrées) contre à peu près tout ce dont l'Algérien a besoin pour vivre, y compris manger (dépendance alimentaire avoisinant les 80%). À présent que les hydrocarbures conventionnels baissent en prix ou touchent à leur fin, on se tourne aveuglément et criminellement vers le létal non conventionnel, sans état d'âme ni intelligence.
O. A.
Ph. D., professeur titulaire, HEC Montréal.


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