Moumen Khelifa est apparu dans le box des accusés amaigri et pâle, parmi une vingtaine d'autres détenus, dans le cadre de l'affaire Khalifa Bank. Vêtu d'un costume noir et d'une chemise blanche, il a baillé souvent lors de la longue lecture de l'ordonnance de renvoi. À croire un de ses deux avocats, Medjhoud Merouane, l'état physique de Moumen Khelifa n'a rien à voir avec sa détention en Algérie. "Il est revenu comme cela de Grande-Bretagne". Me Medjhoud annonce dès le début de l'audience que son mandant est prêt à tout déballer "pour prouver son innocence, quels que soient les noms à citer et le prix à payer". L'offensive procédurière est enclenchée par la défense de Moumen à 14h30, à la reprise de l'audience après une matinée consacrée à l'appel des accusés, des parties civiles et des témoins. Rien que l'appel des témoins a duré plus de deux heures. Me Lezzar Nasreddine dénonce la non-audition de son mandant par un juge d'instruction après son extradition de Grande-Bretagne. "Or, dit-il, le principe de l'instruction est qu'elle constitue une obligation en matière criminelle. Ce principe a été violé par le procès en cours. Moumen Khelifa n'a jamais été entendu par un magistrat instructeur". Me Lezzar poursuit : "Le 6 avril 2015, l'accusé a été convoqué par le président du tribunal criminel pour un procès-verbal complémentaire qui a été appliqué de manière abusive comme un PV de première comparution". L'avocat de Rafik Khelifa argumente : "Le PV de première comparution ne peut être accompli que par un juge instructeur qui instruit à charge et à décharge. Nous sommes dans un procès où le magistrat a accompli l'instruction et va siéger dans le fond. C'est une violation flagrante du principe d'un procès équitable." Le parquet : "Moumen était en état de fuite et ne peut faire l'objet d'une instruction" Le premier procureur général adjoint, Zarg El-Ras, représentant dans ce procès le ministère public, réplique que Khelifa Rafik a été jugé en 2007 et condamné par contumace. "Il a choisi l'option de fuite et donc ne peut revenir au juge d'instruction. Cela sera une première. Il est tenu par l'arrêt de renvoi de 2006". Me Lezzar lui rappelle que Khelifa n'était pas en état de fuite, mais emprisonné en Grande-Bretagne, en attentant la procédure d'extradition demandée par les autorités algériennes et qui a pris plusieurs années. Sur la fusion des deux affaires, le parquet répond que le tribunal criminel a la prérogative de joindre deux affaires tenues par un même arrêt de renvoi. Me Lezzar déclare ne pas être contre la décision de jonction tout en regrettant que cette décision ne figure pas dans le planning initial. "Il y a eu, par la suite, une ordonnance annonçant la jonction que personnellement je ne sais pas quand elle a été affichée puisque je ne viens pas souvent à la cour de Blida". Après délibération, le président d'audience rejette dans le fond les requêtes de la défense de Moumen Khelifa et accepte seulement de ne plus qualifier Khelifa Moumen "d'accusé principal" comme l'a revendiqué Me Lezzar. Il procède, par la suite, immédiatement, à la constitution du tribunal criminel avec ses membres du jury et ordonne la lecture de l'arrêt de renvoi qui se poursuivra aujourd'hui, suivi de l'audition de Ralik Khelifa. Près de 400 témoins dans les deux affaires Parmi les 74 inculpés dans le cadre de Khalifa Bank, il y a eu extinction de poursuite contre cinq dont le décès a été prouvé par des documents administratifs. Il s'agit de Zerrouk Djamel, Bourayou Nadjib, Barbar, Tabet et Kheirredine Walid. Quant au notaire Rahal, son cas n'a pas été tranché. Les deux procès Khalifa fusionnés, c'est aussi près de 400 témoins et une centaine de parties civiles constituées. Même si le magistrat a prévenu que la loi est claire. Ce sont seulement les parties civiles constituées avant l'arrêt de la Cour suprême qui seront acceptées. Selon lui, il y en a une cinquantaine qui rentrent dans ce schéma de procédure. Pour le reste, leur cas sera étudié ultérieurement. La différence entre le chiffre de 300 témoins auditionnés, lors du procès de 2007 et celui donné hier, s'explique par le fait que les inculpés qui ont purgé leur peine sont passés du statut d'accusé à celui de témoin. Aucun ministre ne s'est présenté à l'audience À relever que plus de 150 témoins manquaient à l'appel dont des ex et actuels ministres et des personnalités du monde des affaires et sportif. Cinq ministres figurent sur la liste des témoins. Il s'agit de Mohamed Djellab, actuel ministre des Finances et anciennement administrateur de Khalifa Bank, Abdelmadjid Tebboune, actuel ministre de l'Habitat, Karim Djoudi, ex-ministre des Finances, Mourad Medelci, ancien ministre des Affaires étrangères, et Abou Djerra Soltani, ex-ministre du Travail. À l'exception de Mohammed Djellab qui a été aperçu à la cour mais qui ne s'est pas présenté à l'audience, tous étaient absents. Le secrétaire général de l'UGTA et le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, cités aussi à comparaître en tant que témoins ne se sont pas non plus présentés à l'audience. Du monde sportif, on a noté la défection de l'ex-footballeur international Lakhdar Belloumi, de Saïd Allik, ex-président de l'USMA et de Mohamed Raouraoua, président de la Fédération algérienne de football, qui a justifié quelques jours auparavant, au parquet, son absence par une mission à l'étranger. Seuls Moh-Chérif Hannachi, président de la JSK, et Yahi Abdelmadjid, président de l'US Chaouia, étaient présents, hier, à la cour de Blida. Manquaient à l'appel, en outre, le P-DG de la compagnie Aigle Azur pour des raisons de santé et l'homme d'affaires algérien, Tahkout. Le président de l'audience a précisé que l'ensemble des témoins seront convoqués en fonction du programme du tribunal criminel tout en assurant que toutes les personnalités sont tenues de se présenter à la barre au moment opportun. N.H.