Pourra-t-il parachever la réforme bancaire et financière, un chantier du gouvernement Sellal ? Le nouveau ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, est un ancien cadre de la banque centrale. Il était parmi les négociateurs des clauses de rééchelonnement de la dette extérieur, au début des années quatre-vingt-dix. Le réaménagement de la dette avait été discuté avec les créanciers dans une période de vaches maigres. L'austérité qui en avait résulté, M. Benkhalfa connaît. Et, signe des temps, il prend les commandes du ministère des Finances dans un contexte analogue par bien des aspects à celui ayant prévalu dans les années quatre-vingt-dix, caractérisé par une baisse drastique des revenus pétroliers du pays. C'est dans la pondération financière que M. Benkhalfa va tenir les cordons de la bourse. Va-t-il les délier ? Et, surtout, en aura-t-il les moyens ? L'orthodoxie financière, l'ex-délégué général de l'Abef ne s'en départira pas, la politique économique gouvernementale actuelle il ne s'en écartera pas. Financier cartésien, libéral convaincu, iconoclaste qu'il est. Deux grands dossiers auront valeur de test pour lui : le projet de loi de finances complémentaire 2015 et la prochaine rentrée sociale, avec un front social pas tout à fait apaisé. Et une des dispositions phare qui sera adoptée ou rejetée dans l'élaboration de la mouture de loi de finances complémentaire reste l'IBS appliqué aux bénéfices réinvestis dans l'ensemble des secteurs de production des biens et services. Une révision de l'IBS, en l'unifiant à 23% au lieu de 19% (sociétés exerçant dans la production de biens, BTP et tourisme) et 25% (sociétés exerçant dans les activités de commerce et de services) a été introduite dans la loi de finances 2015. Cela n'agrée pas les chefs d'entreprise qui produisent. Ceux-ci y voient une distorsion dans le système d'impôt, bien que l'IBS n'ait pas d'impact important. C'est plutôt la TAP qui pèse sur la compétitivité des entreprises. Cet impôt est calculé en pourcentage du chiffre d'affaires. Cet obstacle à l'entreprise, M. Benkhalfa le connaît bien. Compte-t-il le lever ? M. Benkhalfa va s'évertuer à concilier la ferveur du discours qu'il tenait à propos des entreprises, alors qu'il était expert indépendant, et l'approche financière qu'il aura à adopter dans le cadre de ses prérogatives de ministre. Le nouveau ministre des Finances est réputé pour son franc-parler quand il s'agit des entreprises. Il a toujours milité pour l'assainissement de l'environnement des entreprises et pour la création de plus d'entreprises, notamment dans les secteurs d'activité à valeur ajoutée. Autre "dada" de M. Benkhalfa : la vérité des salaires. L'ancien délégué général de l'Abef trouvait que les salaires étaient bas en Algérie, estimant judicieux de les revaloriser, tout en réaménageant les subventions qui grèvent le budget de l'état. Par ailleurs, le nouveau ministre des Finances est de ceux qui sont pour l'ouverture de bureaux de change et de l'augmentation de l'allocation touristique. Avec l'actuelle politique de change, le pays perd au change, une tare dans la finance qui a fait le lit de la fuite des capitaux, une saignée. Sur ce point précis, l'ancien délégué général de l'Abef aura peu de marge, la politique de change, difficilement malléable, étant un sacerdoce de la banque centrale. De plus, M. Benkhalfa aura à composer avec de nouveaux responsables fraîchement installés à la tête d'institutions financières et dont certains n'ont jamais siégé à l'Abef. De manière plus globale, le nouveau ministre des Finances devrait s'inscrire dans une politique cohérente qui puisse engager résolument des réformes permettant à terme d'asseoir les ressorts des équilibres macro-financiers hors fiscalité pétrolière, ainsi que le souligne l'économiste Boutaleb Kouider. Certes, la période d'incubation des réformes peut être plus ou moins longue, mais la rupture avec l'économie de rente se réalisera, dit-il. S'il s'insère dans cette politique en ne s'en écartant pas, il remplira le contrat dont il a toujours rêvé : opérer un nouveau cap économique et alléger le budget de l'état. Y. S.