L'écolier Yasser commence à se rétablir après une double intervention chirurgicale à quatre centimètres en dessous du cœur. Son agresseur à l'arme blanche, un camarade d'école, souffre de troubles dus au divorce de ses parents. Il vit avec sa mère, à la périphérie de la ville de Hadjout, dans une ferme coloniale. À l'entrée de Hadjout, en provenance de Sidi Rached (l'ancienne route), le CEM Abderrahmane-Ibn Khaldoun engage la zone urbaine. Il est 14h, et quelques écoliers quittent déjà l'établissement. Ils ne sont pas nombreux. Une classe qui n'a visiblement pas eu cours. "On part lui rendre visite, l'hôpital est à côté ?", se consultent les camarades de Yasser. Le jeune écolier en deuxième année moyenne. Il a 14 ans et s'est fait agresser à l'arme blanche la veille, dimanche. C'était à 10h, pendant la récréation et dans l'enceinte de l'établissement. Son agresseur n'est pas étranger à l'école. Il s'appelle Yacine et il est en troisième année moyenne. Il a 17 ans et a plusieurs fois refait ses classes. "Ils étaient en désaccord depuis la rentrée scolaire. Mais ce jour-là, dès que les hostilités ont été entamées, Yacine a retiré un couteau de sa poche et a poignardé Yasser. Un écolier a essayé de s'interposer et s'est fait légèrement blesser à l'épaule", raconte un agent de sécurité. Selon lui, l'écolier agresseur souffre de légers troubles mentaux. "C'est dû à ses parents. Ils sont séparés. Yacine vit avec sa mère à la périphérie de la ville. Dans les fermes coloniales. La misère et la dislocation familiale sont à l'origine de son comportement un peu étrange. Habituellement, il n'est pas violent. C'est un adolescent un peu retiré de ses camarades et particulièrement renfermé sur lui-même", explique-t-il. L'agent de sécurité semble être parfaitement au fait de l'état psychologique de Yacine. Mais l'école ne dispose pas de psychologue. Pas même d'un directeur. Il a été muté dans un autre établissement et sa remplaçante n'a pas encore pris ses fonctions. C'est un surveillant général qui gère pour le moment le CEM Ibn Khaldoun. Le voilà, d'ailleurs, indiquent les jeunes écoliers qui entourent l'agent de sécurité à l'extérieur de l'établissement. "Un rapport détaillé a été adressé à la direction de l'éducation de la wilaya de Tipasa. Je n'ai pas de commentaire à faire", dit-il. Mais comment un élève peut facilement accéder à l'établissement avec une arme blanche ? Le surveillant général exquise un léger sourire. Il ne veut pas parler du manque de surveillants et d'agents de sécurité. Un problème que d'autres fonctionnaires de l'établissement n'hésitent pourtant pas à évoquer. Le responsable en question se contente de parler du phénomène de violence de manière générale. Il cite des images qu'il a vues la veille dans une chaîne de télévision privée où des couteaux et autres armes blanches en vente dans un souk informel, ont été filmées. Les camarades de classe de Yasser se décident finalement. Ils partent lui rendre visite. Le service chirurgie adulte est pratiquement désert. Deux infirmiers occupent un bureau modeste à l'entrée. Une grande porte entrouverte donne sur une grande salle. Plusieurs femmes entourent un malade. C'est le seul d'ailleurs. Yasser s'est vite rétabli de l'opération chirurgicale qu'il a subie la veille. Une double intervention. Interne et externe. Sa sœur aînée explique qu'il a échappé à une mort certaine. La blessure étant à quatre centimètres en dessous du cœur. "Je lui ai pardonné", dit-il, souriant. Ce pourquoi d'ailleurs Yacine a été relâché par la police. Mais la famille de la victime n'a pas tout pardonné. La sœur aînée de Yasser affirme qu'une action en justice a été enclenchée contre le CEM Ibn Khaldoun, la direction de l'éducation de Tipasa et le ministère de l'Education pour motif de négligence. "J'ai fait le même CEM et il y a à peine deux ans, un élève a été légèrement blessé à l'arme blanche au sein de cet établissement. Il y a un manque de sécurité à l'intérieur comme à l'extérieur des écoles de Hadjout. D'ailleurs, l'année passée, un lycéen a été également agressé à l'arme blanche", témoigne-t-elle. Pour les parents de la victime, la visite dans la matinée du wali de Tipasa et du directeur de l'éducation est certes appréciable, mais ne change rien à la problématique. "Des solutions en amont sont réclamées pour prémunir l'école et son entourage du phénomène de violence", conclut-elle. M. M.