Quoi d'autre, outre l'abandon du "principe de préemption de l'Etat", menacerait la souveraineté nationale et que les dix-neuf personnalités signataires d'une demande d'audience au chef de l'Etat se gardent, jusque-là, de soutenir publiquement ? C'est la grande question qui turlupine les esprits, depuis vendredi dernier, jour où le groupe des "dix-neuf" a décidé de s'interroger, l'opinion prise à témoin, sur qui gouverne réellement en Algérie. Il est fort peu vraisemblable que ce soit la seule disposition relative à la préemption dans un projet de loi, au demeurant amendable, qui ferait mobiliser de la sorte ces personnalités dont on ne peut soupçonner une quelconque animosité politique envers Bouteflika, bien au contraire. Seule la gravité d'une situation, dont elles seraient trop bien informées, leur ferait prendre le risque de créer le trouble au sommet de l'Etat, en suggérant, sinon en affirmant que ce sont d'autres qui dirigent et gouvernent à la place du président de la République. L'implication dans ce projet d'alerte d'anciens moudjahids, certains, anciens condamnés à mort, à l'instar de Abdelkader Guerroudj, Mustapha Fettal, Zohra Drif-Bitat, Mohamed Lemkami et Lakhdar Bouregaâ, commandant de l'ALN, suggère une menace sur la souveraineté nationale venant de l'étranger. L'élaboration de la demande d'audience au chef de l'Etat le 1er novembre, jour où était célébré le 61e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale corrobore cette hypothèse. Ces faits, pris ensemble, confortent un leitmotiv sur lequel la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, également signataire du courrier adressé à Bouteflika, n'a pas fini d'insister, à savoir un appel à la constitution d'un front intérieur contre la menace extérieure. Lors d'une récente conférence de presse à Alger, Louisa Hanoune, dans une déclaration en aparté à un confrère de la presse arabophone, a accusé, sans le citer, Bernard Bajolet, ancien ambassadeur de France en Algérie, aujourd'hui patron du renseignement à l'Elysée, de s'immiscer dans les affaires économiques et politiques du pays. D'ailleurs, on prétend que c'est ce dernier qui a inspiré et préparé la dernière visite du président François Hollande en Algérie, visite au cours de laquelle il a surpris plus d'un en affirmant qu'il avait trouvé Bouteflika d'une "grande alacrité". Même le fameux petit journal de Canal + n'y avait pas cru. Une telle disponibilité pour l'éloge ne pouvait, aux yeux de nombreux observateurs, qu'être intéressée. S.A.I.