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La déchirure
Publié dans Liberté le 25 - 01 - 2005

RESUME : Fatima tente de raisonner son fils sur son choix. Elle n'arrive pas à imaginer Farida et Salim ensemble. Farida n'est pas une fille à faire des concessions et Salim est intraitable sur certains points. Après le départ de sa mère, il décide de les révéler à Farida…
Tu tiens vraiment à ce qu'on se marient un jour ? l'interroge-t-il, même s'il connaît déjà sa réponse.
- Bien sûr !
- Si tu y tiens, il faudra que tu acceptes mes conditions, poursuit-il. Premièrement, je ne vois pas l'utilité que tu fasses des études… Il faudra que tu les arrêtes…
- Pourquoi ? Ça ne nuit pas d'apprendre… Je suis une bonne élève, dit-elle. Si je continue ainsi, je décrocherai mon bac… Tu devrais être fier de te marier avec une fille instruite… Je voudrais être journaliste plus tard…
- Tu devras y renoncer si tu tiens à moi, rétorque Salim. Est-ce que tu comprends ce que j'attends de toi ?
- Non…
- Tu voudrais le savoir ?
La jeune fille hoche la tête, même si sa mine est soucieuse.
- Je voudrais que tu m'écoutes et surtout que tu fasses ce que je veux, dit Salim. Ainsi, tout ira bien…
- Et qu'est-ce que tu voudrais d'autres ?
- Pourquoi cacher ta beauté naturelle sous ses fards à joues, à paupières ? Je te trouve nettement plus belle sans, dit-il. Tu ne trouves pas que le naturel… Qu'est-ce qui ne va pas ? Pourquoi as-tu pâli ?
Farida porte la main à sa joue et ne répond pas tout de suite. Elle se demande ce qu'il va encore exiger d'elle. Elle sent que les études et le maquillage dont elle devra se passer, pour lui plaire, vont être suivis d'autres exigences. Elle ne comprend pas pourquoi étudier peut gêner leur relation. Il est venu de France et cette condition l'inquiète beaucoup. Il aurait dû l'encourager. Plus le temps passe, plus elle s'inquiète. Elle se pose des questions. Qu'allait-il encore lui demander ?
- Tu es très belle et je suis très jaloux… Tes vêtements moulent ton corps… Ils ne cachent presque rien… Je veux que quand tu te fais belle, c'est uniquement pour moi… dit le jeune homme.
- Tu voudrais que je me mette à porter des sacs ? rétorque-t-elle.
- Non mais des vêtements plus amples, poursuit Salim. Le hidjab t'irait à merveille…
- Le hidjab, reprend-elle. Mais pourquoi ?
- Parce qu'il n'y a pas mieux pour mettre en valeur une femme et éviter qu'elle ne soit convoitée par les autres, dit Salim. Moi, dans quelques jours, je vais retourner en France et si je ne prends pas le soin de te mettre à l'abri, d'autres risquent de tenter leur chance…
- Cela ne risque pas d'arriver, soupire-t-elle. Si je m'engage avec toi, je te serai fidèle… Pourquoi tous ces interdits ?... Vraiment je ne comprends pas… Je peux très bien étudier en attendant notre mariage, continuer à m'habiller à la mode sans pour autant me détourner de toi…
- Non, c'est hors de question… Pas d'études, pas d'habits provocants et surtout pas de sortie sans ton père ou ta mère, lâche le jeune homme. Ce sont mes conditions…
- Tu demandes trop !... Tu me condamnes à ne plus vivre en attendant ton retour ! Tu sais, je ne suis plus une gamine, lui dit Farida. Je sais ce qui est mal et ce qui est bien et je serais franche avec toi, tu me fais peur…
- Tu as deux jours, pour y réfléchir !... N'oublie pas que je te comblerai si tu acceptes… Je t'aime, ne l'oublie jamais !... Farida s'est levée et a pris ses affaires.
Elle a besoin de respirer. Elle a la sensation d'étouffer depuis que Salim lui a fait part de sa volonté à l'avoir, pour lui et à la couper du monde, en attendant leur mariage. Il lui a parlé d'amour. Comment peut-il l'aimer ? Est-ce vraiment de l'amour ?
(À suivre)
A. K.
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