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Risque de catastrophe écologique
Pollution à grande échelle à Ghazaouet
Publié dans Liberté le 08 - 03 - 2005

À 190 km d'Oran et à une trentaine de km à vol d'oiseau de la frontière marocaine, au fond d'une anse sablonneuse apparaît Ghazaouet, une ville de 70 000 habitants. Une cité qui étouffe sous les vapeurs toxiques d'oxyde de zinc dégagées par l'usine Alzinc. Entre le réalisme économique, des alternatives promises depuis trop longtemps et la perspective d'une catastrophe écologique inéluctable, la population retient son souffle.
Jadis coquette et accueillante, la petite station balnéaire de Ghazaouet ressemble, aujourd'hui, à une méchante lèpre urbaine. Elle défigure littéralement le climat ambiant qui régnait dans l'ancienne localité de Nemours.
À peine pénètre-t-on dans la ville, qu'un relent âcre vous prend à la gorge. C'est de l'acide mélangé à l'oxyde de zinc que respirent à présent les Ghazaouatis. Des milliers de personnes souffrent, aujourd'hui, de complications respiratoires graves, causées essentiellement par les émanations toxiques de la zinguerie, implantée en plein cœur de la ville. L'usine Alzinc détruit systématiquement, depuis 50 ans, la vie, la nature et, avec elle, des milliers de citoyens. Face à cette catastrophe écologique, les pouvoirs publics ne se décident toujours pas à prendre en charge ce lourd dossier de pollution industrielle et maritime qui affecte toute la région. Il suffit de parcourir les rues mornes de la ville, l'une des zones les plus polluées du pays, pour prendre acte de cette triste réalité. Avant d'arriver à Ghazaouet, nous fûmes surpris par le nombre d'arbres arrachés qui jonchent le bas-côté de la route sinueuse de Sidi-Moussa menant directement à l'ancienne ville de Nemours. Chawki, un défenseur écologique acharné qui nous accompagne depuis Tlemcen, éclaire notre lanterne : “Les nuages acides dégagés par le zinc peuvent parcourir de grandes distances avant de déverser leur eau. Les systèmes racinaires des arbres endommagés sont alors incapables de puiser les nutriments et de soutenir les arbres les jours de grands vents.” Plus de 20 ans après les premières analyses faisant état de la présence massive de chrome et d'oxyde de zinc dans l'air vicié de Ghazaouet, les riverains continuent de lutter pour survivre. “Vous ne trouverez aucune manifestation de joie par ici, ça pleure partout et ça ne rit nulle part ; nous ne faisons qu'attendre qu'on vienne nous enterrer vivants”, lâchent, dépités, des Ghazaouatis.
Aucun plan d'aménagement ou de délocalisation de la zinguerie n'a pu voir le jour. D'emblée, des médecins et des spécialistes de l'environnement pointent un doigt accusateur contre les pouvoirs publics, le ministère de tutelle, les autorités locales et les responsables d'Alzinc. Ils estiment qu'il “est grand temps de réfléchir à soulager la population en délocalisant la zinguerie, au lieu des promesses jamais tenues”. Pour preuve, ils citent la défection des uns et des autres, la non-réalisation des travaux à ce jour dans le cadre d'un “fameux projet” qui aura mûri 17 ans au fond d'un tiroir de bureau. Lors d'un colloque tenu à Alger en 1988, des participants scientifiques avaient, à cette époque, tiré la sonnette d'alarme sur la pollution industrielle, estimant que “la lutte contre la pollution à Ghazaouet doit constituer une priorité pour la région ouest tout entière”. Depuis, rien n'a été fait pour inventorier et exploiter de manière rationnelle un tel programme antipollution. L'angoisse est d'autant plus grande à Ghazaouet qu'aucune information “officielle” n'a filtré sur les éventuelles mesures qui seraient prises en cas d'aggravation de la situation. En l'absence des responsables d'Alzinc que nous avons vainement tentés de joindre, ajouté à nos démarches toutes vouées à l'échec, nous nous sommes rabattus sur les rares déclarations de quelques fonctionnaires qui ne veulent pas aller trop loin dans leurs révélations. Il faut bien dire que le secret est bien gardé. Aucune chance de connaître les tenants et les aboutissants de ce “projet” qui a bénéficié d'un large battage médiatique. Pourtant, la zinguerie avait procédé, en 2003, à la réalisation d'une étude de réhabilitation qui a englouti des milliards de centimes, affirme pour sa part un pneumologue.
Selon lui, 1 048 personnes, atteintes de crise d'asthme et de complications cardiaques, ont été admises et traitées depuis le début de l'année au niveau des structures sanitaires de Ghazaouet et de la wilaya de Tlemcen. Ce constat chiffré résume à lui seul l'ampleur de la situation et le drame des malades souffrant de la pollution atmosphérique. En plus des accidents respiratoires et cardio-vasculaires, l'environnement côtier ne fait que se dégrader.
L'appel des experts
Les déchets industriels déversés directement par l'usine dans la mer contiennent des substances toxiques qui forment d'importants dépôts de pollution marine près du littoral côtier. Dans cet ordre d'idées, nous apprenons que des équipes d'experts se sont rendues à “l'usine de zinc” pour s'entretenir avec des responsables sur les divers problèmes de la pollution maritime. L'appel émis par ces experts de l'environnement consiste en l'établissement d'un diagnostic de la situation permettant de mettre en place des procédures idoines pour mieux cerner les dérives de la pollution de la côte. C'est justement sur ce point sensible que des experts de l'environnement et des associations écologiques multiplient (inlassablement) leurs interventions en direction des pouvoirs publics. L'idée de mettre sur pied une sorte de grande commission technique, dont la tâche sera d'étudier en profondeur les préoccupations des habitants et des côtes polluées de Ghazaouet, jadis poissonneuses, est tombée à l'eau. “Regardez, dit Saïd, un vieux pêcheur qui nous cornaque, le littoral est, aujourd'hui, impropre à la profusion naturelle des poissons. Sur plusieurs kilomètres à la ronde, le poisson ne mord plus”. Considéré comme un port de pêche important, Ghazaouet n'est que l'ombre d'elle-même, où le temps semble s'être arrêté. Les pêcheurs, qui s'enhardissent encore à s'aventurer en haute mer avec leurs sardiniers, raclent les fonds marins au large de Béni-Saf ou de Rechgoun. “Bientôt, on ne pourra plus attraper un seul poisson. Nous allons disparaître dans le sillage de la zinguerie, véritable cancer qui nous ronge”, ajoute Saïd, les yeux rougis. L'industrie halieutique, autrefois considérable, s'épuise de plus en plus. La pollution maritime est due en grande partie au rejet des produits chimiques provenant des différentes structures d'Alzinc. Aucun système d'évacuation performant des déchets toxiques n'a été installé depuis la création de la zinguerie. À proximité d'Alzinc, des dépôts supplémentaires sont dus à la chute des plus grosses particules polluants (oxyde de zinc, acide sulfurique, fer, arsenic, cadmium, plomb) qui tombent en pluie sèche. Les allergies causées par l'inhalation de la poussière du zinc et du chrome se sont multipliées, particulièrement ces dernières années. Pendant la période caniculaire, les asthmatiques, de plus en plus nombreux, passent des moments difficiles et souffrent au quotidien. Beaucoup d'entre eux n'arrivent même pas à acheter le collutoire indispensable à leur état de santé, déplore ce père de deux enfants asthmatiques. Les émanations de l'oxyde de zinc, qui s'évaporent à longueur d'année, polluent l'atmosphère rendue irrespirable et insupportable pour les habitants limitrophes de la zinguerie. La mort biologique des terres agricoles est depuis longtemps consommée. Un climat terrible et malsain fait que la concentration des émanations toxiques est équivalente à celle de leur liquide cellulaire en plus de l'absence d'oxygène qui illustre à lui tout seul un grand problème. Voici, en tout cas, des terres fertiles qui commencent à se rétrécir comme une peau de chagrin. Affaire de vie ou de mort, si gravement atteinte par la pollution, Ghazaouet est quasiment pourrie et salement polluée. Preuve que certaines pollutions sont irréversibles et ne guérissent pas. “On a vu plus bizarre, mais d'ici quelques années, la température à Ghazaouet va s'élever considérablement, modifiant ainsi le régime des pluies. On aura des problèmes d'eau et un spectaculaire trou d'ozone”, indiquent des spécialistes de l'environnement. L'autre type de “comportement” qui a embrouillé le “projet antipollution”, ajoute de son côté un membre d'une association écologique, a trait à certaines personnes, sans doute par inconscience professionnelle, qui se sont évertuées à enterrer rapidement le “projet”, alors que cette opération aurait dû se faire selon des normes scientifiques très précises. “Nous sommes des victimes gratuites”, affirment, à ce sujet, des jeunes Ghazaouatis adossés à un mur. Ils dénoncent ouvertement les “vieux réflexes des élus locaux qui sont déconnectés de la réalité du terrain”, soulignant qu' “ils étouffent toute initiative en matière de lutte contre la pollution”. Les habitants de Ghazaouet espèrent, avec l'aide des défenseurs de l'environnement et des services compétents, que le gouvernement accordera une attention particulière à la situation dramatique que vit la population de cette ville située à l'extrême-ouest du pays. Des spécialistes de l'environnement ont relevé l'importance d'un suivi permanent en matière de lutte contre la pollution, à travers un diagnostic spécifique à la zinguerie pour la réussite “d'un plan de sauvetage”. L'idée d'un redéploiement ou d'une délocalisation d'Alzinc semble (lentement) faire son chemin, d'autant plus que la mine d'El-Abed ne fournit plus de zinc. Mais, ils ont sûrement dû oublier que l'installation d'un système antipollution est une urgence et que le temps passe très vite.
LA SANTE D'ABORD
Ghazaouet est lasse de recevoir les émanations et les déchets toxiques chaque jour, avec en prime un taux de pollution atmosphérique si élevé, que les terres avoisinantes paient les conséquences d'une politique de l'environnement qui brille par son absence. Notre accompagnateur Chawki parodie les sentiments des habitants à l'égard de l'idée fixe qu'ils se font de cette satanée zinguerie qui empoisonne leur vie. “Depuis les années 1980, plusieurs projets ont été proposés pour l'aménagement de l'usine de zinc. On a fait des études, des colloques, des visites et des plans. Et tout s'est arrêté pour des raisons que nous ignorons toujours”. Créatrice d'emplois, la zinguerie permet de rééquilibrer une balance commerciale souvent désavantageuse, tout en diversifiant quelques activités locales. Pour une daïra défavorisée, confrontée à des problèmes de chômage, la préservation de l'environnement est-elle un luxe inaccessible ? Certains Ghazaouatis soutiennent encore cette thèse. À tort. Leur ville, qui avait lancé, dès juillet 1994, le projet maritime de la ligne Ghazaouet-Alméria, a démontré que le développement économique et touristique n'est pas incompatible avec la protection de l'environnement. Les atteintes à l'environnement, souvent irréversibles, causées par les rejets toxiques d'Alzinc au large de Ghazaouet, ont ouvert les yeux des habitants sur la nécessité de garantir un développement industriel faisant rimer économie et cadre de vie. C'est une question de vie ou de mort.
UN ENFANT SUR VINGT EST ASTHMATIQUE
Selon des chiffres “officieux”, une personne adulte sur dix souffre de maladies respiratoires et un enfant sur vingt est atteint d'asthme. Un nombre important de riverains ont effectivement vu leur état de santé se détériorer, particulièrement ces deux dernières décennies. Parmi eux, des cardiaques, des asthmatiques, des insuffisants respiratoires et des malades chroniques. Au niveau de la surface, les effets visibles d'une pollution atmosphérique commencent en général par des irritations occulaires dues aux fines particules en suspension dans l'air, ainsi que par des déficiences significatives de la vue et de la respiration. Des mauvaises odeurs peuvent se faire sentir, comme celles d'œuf pourri émanant de l'oxyde de zinc. Des douleurs de poitrine ainsi que des toux répétées constituent d'autres symptômes caractéristiques. Les personnes particulièrement exposées à ces risques sont les jeunes enfants, les personnes âgées ainsi que les personnes sensibles (asthmatiques, fumeurs, malades du cœur ou des poumons). L'ensemble de ces constituants polluants se concentrent exclusivement au dessus de la ville de Ghazaouet et de la zinguerie d'où ils ont été libérés. Par conséquent, cette pollution industrielle affecte directement la qualité de l'air de la région polluée, entraînant de grands problèmes de santé chez la population environnante.
Quand le poisson vient à disparaître
Réputée pour sa côte poissonneuse, l'ancienne ville de Nemours n'offre plus cet attrait de petit port de pêche paisible, connu pour la qualité de ses poissons qui faisaient sa fierté. Dans les années 1970, l'industrie halieutique avoisinait les 7 000 tonnes/an, contre à peine 100 tonnes au début des années 1990. L'envahissement de la zinguerie, construite à la fin des années 1950, allait complètement transformer le tissu environnemental de la petite localité de Ghazaouet. Ses habitants semblent vivre sur une autre planète. Aujourd'hui, quand on leur parle de leur ville, les Ghazaouatis vous répondent franchement qu'à ce stade là, il vaut mieux laisser le “puits avec son couvercle”. à l'heure actuelle, des milliers de familles vivent constamment avec la peur au ventre. “Chaque jour, nous craignons le pire, c'est-à-dire une catastrophe écologique qui viendra nous surprendre à tout moment”, s'alarment ces pères de famille qui exigent un “sursaut national pour éviter le pire”. Environnement hostile qui se décompose à la faveur de la proximité de “l'usine de zinc”. D'ailleurs, aucune disposition en cas d'accident majeur n'existe. Même un plan d'évacuation d'urgence, une sorte d'Orsec brille par son absence, affirment des habitants qui se disent outrés par l'attitude des services compétents. C'est en tout cas la version que veulent bien donner les citoyens pour expliquer l'absence d'un plan de sauvetage. “Avant, une sirène avertissait la population en cas de pépin, elle a été supprimée sans que l'on sache pourquoi”, clament des riverains.
B. G.


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