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Deux décennies de trop
Publié dans Liberté le 04 - 05 - 2005

RESUMé : Nadia est déçue de ne pas en savoir plus sur le jeune homme. Djamila change de sujet. Elles parlent de la demande en mariage, des invités. Nadia est joyeuse. Djamila est rêveuse. Si elle avait été plus jeune, elle aurait été aussi heureuse qu'elle à l'idée de se marier.
Mais les jours suivants, elle n'aura plus le temps de penser à Madjid. Très occupée à préparer la maison pour la visite de la future belle-famille de Nadia, elle n'aura pas une minute à elle. Le jour, elle travaille au cabinet et la nuit, elle aide sa fille. Quand elle se couche, il est plus de minuit. À peine pose-t-elle la tête sur l'oreiller qu'elle s'endort.
Au petit matin, elle prend juste le temps d'avaler son café puis se rend au cabinet. À part l'épuisement, elle ne connaît pas l'inquiétude qu'ont, en général, les mères à la veille d'une demande en mariage. Nadia lui a tellement parlé de Rabah et de sa famille qu'elle a l'impression de les connaître.
Le jour J arrive et Djamila ne voit pas la journée passer. Elle a l'impression de rêver l'arrivée de ses fils puis de la famille de Rabah. C'est une famille adorable. Nadia a beaucoup de chance.
D'un commun accord, il est décidé qu'il n'y aurait pas de fiançailles. La date du mariage est aussi choisie. Elle aura lieu la première semaine de juillet. Djamila aurait voulu que ce soit à la fin de l'été mais les futurs mariés voulaient profiter du beau temps. Une lune de miel en automne n'a aucun charme à leurs yeux.
- Tu sembles ne pas penser à tes examens de fin d'année, dit-elle à sa fille, après le départ des invités. Le mariage n'est pas tout dans la vie.
- Je sais, la rassure Nadia. J'en aurai fini avec les examens avant. D'ailleurs, je pars dès demain. Je ne raterai aucun cours, aucun module. Je te promets de bien me tenir.
- Je ne te demanderai pas plus.
Ce soir-là, après le dîner, Djamila et ses enfants discuteront longtemps. Elle veut profiter de la soirée pour se rapprocher d'eux. Elle veut des confidences. Elle voit bien que Salim et Karim sont des hommes maintenant. Eux aussi feront leur vie un jour. Elle les imagine sans peine, aux bras de demoiselles. Elle voudrait savoir s'il y a du sérieux, de quoi envisager un mariage.
- Tu le sauras en temps voulu, lui dit son aîné. Le mariage de Nadia va prendre tout ton temps. Après, je verrai. Même Karim refuse de la nourrir de faux espoirs. Elle respecte leur silence. Comme au lendemain de son anniversaire, très tôt, le samedi matin, ils repartent. Djamila est sortie en même temps, prenant le soin d'apporter des gâteaux au Dr Zoheïr et aux malades du jour. Avec les patientes, elle partagera sa joie. Elles peuvent comprendre son soulagement. Nadia allait se marier par amour.
- Qu'ils sont beaux, se dit-elle en regardant les photos qu'elle a fait développer.
Mais en fin de journée, la joie laisse place à la tristesse. Lorsqu'elle rentre chez elle, le silence l'accueille. Elle pleure. Ses enfants ont laissé un vide que rien ne peut combler. Ils sont en train de faire leur vie sans elle. Le silence l'étouffe. Elle ne supporte plus la solitude et même de rester une seconde de plus à la maison.
Elle prend ses clefs et ferme derrière elle. Elle marche dans les rues. Plongée dans ses sombres pensées, elle ne se rend pas compte tout de suite qu'elle était suivie.
(À suivre)
A. K.
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