Malgré de multiples entraves depuis la disparition de son chef charismatique, Hachemi Chérif, le Mouvement démocratique et social (MDS), premier parti à présenter un candidat pour la prochaine échéance présidentielle, s'emploie à se frayer une place sur l'échiquier politique. Dans cet entretien, son coordonnateur, Hamid Ferhi, décline le projet du parti et les défis qui attendent le pays. Liberté : Le MDS a décidé de prendre part à la prochaine élection présidentielle. Pourquoi le choix de la participation ? Hamid Ferhi : Le MDS travaille, depuis l'échéance de 2014, à proposer un projet cohérent alternatif à celui du système en place et à travailler pour le mettre en valeur, selon notre propre agenda. Nous avions prédit, à l'époque, que la question centrale dans les années à venir serait la question économique. Nous avions proposé d'accorder une année aux importateurs pour se redéployer dans le secteur productif car, passé ce délai, ne seraient importés que les produits indispensables au fonctionnement de l'appareil productif et les besoins de santé et alimentaire qui sont incompressibles. Nous avons continué à affiner notre programme tout en menant la bataille pour la reconnaissance de sa direction car, pour rappel, le MDS est le seul parti agréé qui a été empêché par le pouvoir de tenir son congrès, en s'ingérant ainsi dans ses affaires internes sans qu'aucun membre du MDS ait saisi la justice. Mais que propose le MDS de spécifique ? Nous voulons préparer l'Algérie à affronter les défis de l'heure plutôt qu'à chercher un compromis dans le cadre du système en place. Nous avons soumis au débat, au sein de la société, le principe de s'attaquer au secteur informel car il est inconcevable que la moitié de l'économie nationale soit dans l'illégalité et ne participe pas à l'effort du budget national au moment où tous ceux qui travaillent dans la légalité subissent, de plus en plus, la pression fiscale. Afin que ce ne soit pas un simple slogan, nous avions préconisé, dans un premier temps, un changement de billets et dans un second temps, un changement de monnaie. Cette opération vise à réduire les forces qui, à l'intérieur, veulent échapper au contrôle souverain de l'Etat. Cela facilitera la construction du front intérieur, seul capable de prémunir le pays de la déstabilisation. Cela nous permettrait de rapatrier les capitaux qui ont fui et que nous estimons à plus de 200 milliards de dollars. Votre projet porte donc que sur les questions économiques ? Vous avez compris que, pour le MDS, cette question est centrale. Mais pour nous, se doter d'une direction des affaires de l'Etat qui remette la société au travail et qui la récompense ouvrira inéluctablement le chantier des droits des citoyens. Nous sommes pour un Etat de droit qui garantisse l'égalité des citoyens devant la loi, sans aucune discrimination. Nous sommes partisans de la séparation du politique du religieux, c'est-à-dire enlever au pouvoir le droit de manipuler le sacré. Nous sommes pour le droit des citoyens de créer des associations, des partis, syndicats et toute autre forme d'organisation sur simple déclaration. Il s'agit également pour nous d'initier le débat sur des sujets tabous, prisonniers jusque-là du poids de tous les conservatismes, comme la nécessité de l'égalité dans l'héritage entre femmes et hommes, la prise en charge par l'Etat de la consommation du cannabis, l'ouverture des débits de boissons alcoolisées, le week-end universel, le droit à l'avortement, etc. Ne pensez-vous pas qu'en abordant de tels sujets, vous risquez d'être confrontés à de farouches oppositions ? Je comprends votre inquiétude, mais nous pensons que la société est prête à débattre de toutes ces questions. Prenons le cas du cannabis et de la vente illégale de boissons alcoolisées : allez voir les jeunes qui se font ramasser et leurs familles, allez voir les habitants des cités où sévissent tous ces trafics au vu de toutes les autorités et qui vivent dans la terreur. Notre devoir est de préparer la société aux problèmes qu'elle va affronter demain et non de la caresser dans le sens du poil. Pourtant jusque-là, le MDS a toujours refusé de participer aux échéances électorales organisées par le régime en place... Permettez-moi de préciser deux choses : la première, nous n'avons jamais refusé de participer aux élections parce que c'est le régime qui les a organisées. Nous sommes plutôt hostiles à tout processus électoral pouvant déboucher sur la remise en cause de la République, résultat de sacrifices de tant de générations. Nous avions mené de véritables campagnes de boycott au moment où les Algériens tremblaient à l'idée de ne pas se faire tamponner leur carte de vote. Aujourd'hui, les deux tiers des Algériens ne votent pas, et cela arrange le système. La seconde chose, nous avions participé aux législatives de 2007 et avions eu même un député. Et depuis, l'administration a tout fait pour nous empêcher de tenir notre congrès et de mener des activités publiques. Dire donc que le MDS a toujours refusé de participer aux élections est, de notre point de vue, une contrevérité. Mais, n'y a-t-il pas risque de cautionner la démarche du régime lorsqu'on sait que les conditions pour une élection libre ne sont pas réunies ? Pourquoi, les conditions actuelles sont pires que celles qui prévalaient avant 1954 avec les deux collèges ? Nous ne le pensons pas. Une élection est un terrain de lutte comme un autre. Aux dernières législatives, le vote blanc était supérieur aux voix du FLN et du RND réunis, car n'ayant pas trouvé d'alternative. Les jeunes, dans leur majorité, ne sont même pas inscrits et on se pose la question pourquoi, à la majorité, ils reçoivent leur ordre d'appel ou sont appelés à faire leur service civil, mais ne sont pas inscrits automatiquement sur les listes électorales ? Voilà une autre injustice d'ailleurs à réparer. Vous avez appelé récemment à un "Nuremberg" de l'islamisme. Votre proposition est-elle d'actualité ? Une des fonctions principales du président de la République est de mener la politique étrangère, de peser sur les rapports de force internationaux. Le MDS s'engage à mener toutes les batailles, à tisser toutes les alliances nécessaires pour un nouvel ordre mondial qui prenne en charge les intérêts des pays du tiers-monde. Pour cela, il faudra que l'Algérie soit un exemple de démocratie et retrouve la place qui est la sienne et qu'elle n'aurait jamais dû perdre, celle de "mecque des révolutions" et de la démocratie. Cela ne peut se faire sans la mise au ban de l'humanité de l'islamisme politique, ce cheval de Troie des puissances impériales et néocoloniales. Cela passe par un procès de cette idéologie criminelle. Comment construire une alternative démocratique dans un contexte de fermeture et de violation des libertés, en témoigne le procès de certains de vos militants à Ghardaïa... ? Comment avons-nous réussi à arracher le pluralisme sous le parti unique ? En luttant. Qui va arracher les conditions d'une élection libre, transparente ? Les forces qui ont intérêt à des élections libres, c'est-à-dire les chômeurs, les travailleurs sous-payés et non déclarés, les producteurs qu'on empêche d'entreprendre, les citoyens qui sont contre la dilapidation des deniers publics, les femmes qui doivent arracher le droit à l'égalité, les croyants qui en ont marre de voir leur religion faire l'objet de manipulations, etc. Nous avons un projet qui répond sur le fond à toutes ces questions. Nous avons un candidat qui a reçu une formation complète et qui a, à son actif, des années de lutte. Propos recueillis par : Karim Kebir