Cette revue, créée par la jeune Maya Oubadi, "est née et s'est nourrie d'une frustration : celle de ne pas lire assez de critiques autour des livres et de ne pas entendre assez d'avis sur les publications". Créée par Maya Oubadi, la revue de critique littéraire Fassl, que l'on pourrait traduire en français par "saisons", ou "chapitres", est venue donner un nouveau souffle à la critique littéraire algérienne. Cette revue trimestrielle, dont le n°0 est paru en décembre 2018, a été lancée par une jeune équipe composée d'Oubadi, par ailleurs fondatrice des éditions Motifs, de Rahil Bali et Salah Badis. Le parti pris de sa fondatrice, celui de donner plus de visibilité aux œuvres de nos auteurs à travers des écrits critiques, est né à partir d'un constat qu'elle explique dans son édito. "Le projet (…) est né et s'est nourri d'une frustration, après de nombreuses années passées dans le monde de l'édition en Algérie". "La frustration, poursuit-elle, de ne pas lire assez de critiques autour des livres et de ne pas entendre assez d'avis sur les publications surtout sur les textes purement littéraires." Parce que l'œuvre littéraire n'existe qu'à partir du moment où elle est lue, décortiquée et analysée, selon la théorie de "l'esthétique de la réception" par Jauss, il devient alors "vain l'engagement de tout une chaîne de professionnels (auteurs, éditeurs, infographes et imprimeurs)", fait observer Oubadi. Concrètement, la revue veillera à mettre en lumière toutes les littératures du monde, contemporaines surtout. "Chaque numéro proposera des critiques de livres parus hors nos frontières. Pour celui-ci (le n°0), nous vous invitons à découvrir le polar très imagé d'In Koli Jean Bofane (…) et la non-fiction déjantée de Charles Akl." Avant de passer aux polars de ces deux écrivains, les contributions de Salah Badis et de Sara Kharfi se sont penchés sur le traitement de la décennie noire, par Adlène Meddi et H'mida Ayachi dans, respectivement, 1994 et Dédales. "Dire la folie du monde", voilà l'entreprise de Dédales, de H'mida Ayachi, publié en langue arabe en 2000 et traduit par Lotfi Nia en français, en 2016. Pour la journaliste Sara Kharfi, qui analyse le roman avant de s'entretenir avec l'écrivain, "ce texte est fondateur à plus d'un titre". "Outre sa valeur esthétique incontestable s'appuyant sur des procédés empruntés à d'autres arts, écrit-elle, il cristallise les contradictions et les tourments d'une génération plongée au cœur du terrorisme." L'Histoire, avec un grand H, est le fil conducteur de cette écriture, qui puise dans bien des arts, notamment le théâtre. "C'est elle aussi qui apporte des réponses, argue la contributrice, car le passé finit toujours par ressurgir, surtout s'il n'a pas été purgé, si le présent n'a pas été investi pour comprendre ce passé et lui trouver un sens." Journaliste, poète et traducteur d'à peine 25 ans, Salah Badis consacre sa tribune au roman 1994, année de sa naissance justement, de Adlène Meddi. Le préambule à son entretien avec l'auteur éclaire sur les raisons qui l'ont poussé à choisir ce roman, parmi tant d'autres, pour traiter de la décennie noire chez les écrivains de la nouvelle génération. "Une phrase a retenu mon attention", explique-t-il, lorsqu'il regardait une émission télévisée dans laquelle Meddi est passé. "Après les années 90, je n'assumais plus mon statut de survivant de la guerre." En sus, Lynda-Nawel Tebbani, qui consacre une étude comparative entre l'Effacement de Samir Toumi et l'Aube au-delà d'Amine Aït El-Hadi, étudie "les images de la folie et l'incarnation des maux". Elle explore "la plongée dans la folie" du narrateur du roman de Toumi, "présentée comme un effacement de son reflet et de sa mémoire". Pour le cas de Meryem, personnage principal de l'Aube au-delà, "c'est une sorte de Médée algérienne transformée par la Géhenne de la période sombre de la décennie noire". Yasmine Azzouz Fassl, n°0, "La décennie 90 dans la littérature algérienne", éditions Motifs, 90 pages. 1 000 DA, 2018.