L'adoption, en octobre 2017, de la planche à billets comme moyen de financement est l'indicateur, on ne peut plus simple, de 20 années de non-gestion, d'échecs et de déficit en matière de réflexion économique. Comme ce fut le cas en 2008 avec la crise des subprimes, il a suffi que le marché pétrolier déprime à nouveau, en 2014, pour que l'économie chavire totalement pour retourner à la case départ. Et ce ne sont pas les chiffres contenus dans la déclaration de politique générale du gouvernement, publiée hier, qui vont contredire cet état de marasme économique, dont les symptômes les plus visibles sont la détérioration des positions financières internes et externes, la hausse du chômage et la faible croissance économique, de surcroît insuffisante pour relever le défi de l'emploi et de la diversification. De juin 2014 à fin 2018, le pays a consommé la moitié de toutes les réserves en dinars cumulées depuis la mise sur pied du fameux Fonds de régulation des recettes pétrolières (FRR). Cette caisse, ouverte au début des années 2000 pour stocker la plus-value en fiscalité pétrolière libellée en dinars, n'a pas survécu à l'impact du choc externe sur les fondamentaux de l'économie. Le FRR, qui cumulait un stock de 5 235,6 milliards de dinars à fin juin 2014, allait s'épuiser totalement en février 2017, sous le coup de cette politique dépensière qui a caractérisé les deux dernières décennies. Le pays a perdu également plus de 114 milliards de dollars sur ses réserves de changes depuis juin 2014 ; une conséquence directe des déficits chroniques de la balance des paiements et d'une gestion peu regardante sur l'efficience et la rentabilité des placements. Quatre années après un spectaculaire retournement de situation sur le marché pétrolier, le pays se retrouve privé d'un important parechoc financier en interne et confronté à une érosion accélérée de ses placements en devises, dont l'encours s'établit désormais à moins de 80 milliards de dollars, contre près de 194 milliards de dollars à fin juin 2014. Ce sont les deux indicateurs-clés qui comptent désormais quand on fait le bilan de vingt ans de politiques dépensières, de gabegie, d'échecs et de mauvaise gouvernance. Il y a comme un retour à la case départ ; l'économie n'a jamais été aussi dépendante des hydrocarbures et de la dette. Preuve en est que la faible rentabilité du baril de Brent fait avaler des poires d'angoisse à un Exécutif en mal de solutions, à l'heure où la dette, au moyen de la planche à billets, se révèle en unique projet économique, tant il est vrai qu'elle permet au mieux de colmater les trous de sa trésorerie. Le recours à la planche à billets n'est par-dessus tout qu'une reconnaissance d'un échec patent ; l'échec à mettre en place les réformes susceptibles de renforcer la résilience de l'économie et la solvabilité du pays. Les perspectives ne sont guère rassurantes, compte tenu des risques considérables qui pointent à l'horizon ; les déséquilibres budgétaires et extérieurs pourraient s'exacerber si le cours du Brent reste à ses niveaux actuels, les tensions inflationnistes pourraient ressurgir, la fonte des réserves de changes s'accélérer, à l'heure où la croissance ralentit considérablement et le chômage rebondit à plus de 11,7%, affectant essentiellement les catégories jeunes (+29%). L'Exécutif, au-delà des discours populistes et électoralistes contenus dans sa déclaration de politique générale, n'a d'autre choix que de reprendre les mesures d'ajustement budgétaire et économique. Faute de quoi, l'iceberg serait inévitable pour un bateau qui chavire déjà dangereusement, en l'absence d'un vrai pilote à bord. Ali Titouche