Les images des milliers, voire des millions, de manifestants qui ont battu le pavé à travers le pays, à l'occasion du 18e vendredi de soulèvement contre le système, sont passées presque inaperçues à l'ENTV. De tout ce que ces millions de citoyens ont scandé, exigé et arboré comme emblèmes, la télévision publique n'a vu que dalle. Singulière était, en effet, la couverture médiatique réservée par "l'Unique" aux marches du vendredi. Rien n'a été laissé au hasard. La télévision publique a tenu à déformer pratiquement tout de cette journée, qui s'est distinguée, pourtant, par une réponse cinglante aux tentatives d'attenter à l'emblème amazigh. Même les slogans scandés à tue-tête par les millions de citoyens n'ont pas eu d'écho au 21, boulevard des Martyrs. Pour l'ENTV, les manifestants, qui ont bravé la canicule, les barrages filtrants et la répression, voulaient plutôt "des réformes profondes", "des présidentielles" et arboraient "uniquement l'emblème national". Alors que sur place les millions de manifestants appelaient au départ du système et ont réaffirmé leur opposition à la feuille de route des résidus du système Bouteflika. Toute cette Algérie, qui reste attachée à ses premières revendications et maintient ses exigences, n'a pas été captée par les caméras de l'Unique. Les professionnels de la censure et de la manipulation ont soigneusement fait usage de leur capital expérience qu'ils ont accumulé durant des décennies pour "se hasarder" avec une diversion médiatique qui plairait aux maîtres du moment. Comme au temps du parti unique, la télévision publique n'a pas su faire le saut qualitatif exigé. Elle est restée prisonnière d'un traitement particulier de l'information. Tenter une telle désinformation à l'ère des réseaux sociaux et de la téléphonie mobile relève plutôt de l'inconstance et de l'aventurisme. Ne voir des choses qu'une petite partie, ou bien essayer de détourner les regards vers un aspect accessoire dont on exagère, sciemment, l'importance, au point de négliger l'ensemble, n'est pas du professionnalisme. Avec des vues étriquées sur les marches, une analyse confuse des revendications des manifestants et un commentaire inadéquat, l'Entreprise publique de télévision confirme qu'elle n'est toujours pas au service du public et du contribuable qui participe grandement à sa survie. Mais elle reste ad vitam æternam au service du pouvoir. "Chasser le naturel, il revient au galop." Cet adage colle parfaitement avec la dernière couverture faite par l'Entreprise publique de télévision (EPTV) des marches du vendredi. Il est ainsi nécessaire de soutenir les journalistes de l'Unique, lesquels, chaque semaine, manifestent pour "libérer" la parole et assumer le rôle de la fonction publique qui est le leur. Même sur les réseaux sociaux, la réaction des citoyens est faite, globalement, de dénonciation et de condamnation. D'autres médias privés qui se consacrent, depuis le soulèvement, à la manipulation et à la désinformation ont aussi été dénoncés. La blogosphère nationale ne s'est pas retenue dans son réquisitoire de ce qu'elle a qualifié "de bras médiatique" des "ennemis du peuple". D'aucuns ont réagi pour rappeler que "l'information n'est pas le privilège des journalistes, mais un droit citoyen".