Plus qu'un recueil de nouvelles, l'œuvre de Leïla Souidi est un cahier noir où l'auteure a osé la question : "Pourquoi s'est-on battue ? Et ce, eu égard à la perte d'acquis sociaux mais aussi moraux. À ce titre, le chemin vers la dignité à parité égale est encore long." Difficile de garder pour soi l'existence d'une jeunesse prise en otage par le poids des traditions et lesté de la lourdeur des qu'en dira-t-on. D'où l'envie de l'écrivaine Leïla Souidi d'avouer enfin le destin d'une génération postindépendance prise entre le marteau du regard de l'autre et de l'enclume sur laquelle s'évalue l'attitude comportementale à la "houma" (quartier) ou au village de l'Algérie profonde. L'auteure s'est fait l'écho du cri de détresse d'Amel et ses sœurs (éditions El-Ibriz) évincées de l'espace public, qu'elle a tenu à relater à l'agora du livre de la librairie Media book de l'Enag lors d'une féconde rencontre littéraire qu'elle a animée mardi. Native dans les sillons de la Mitidja où s'ensemence l'envie de liberté, Leïla Souidi évoque à cet égard l'insolvabilité d'une société en matière d'audace dans l'émancipation de la femme. C'est le cas d'Amel et ses sœurs qui ne peuvent prétendre à une place au soleil. Et pour cause, Amel n'a d'autre choix que d'obtempérer au destin que la famille lui a conçu contre son gré : le mariage ! "Envolé donc le rêve d'Amel d'aller au terme de son cursus scolaire ! Plutôt que d'être médecin, le vœu parental a décidé qu'Amel sois mère de famille au foyer. Et depuis, je me suis sentie redevable envers Amel qui était en droit d'attendre mieux que ça d'une société où la famille décide pour la fille", a ajouté la conférencière. "Pis, le mariage est une nécessité et s'en est ainsi depuis le temps où l'esprit de «djahiliya» fait fi de l'avis de la fille", a déclaré la conférencière. Arborant le slogan "Ni conquête ni butin", Leïla Souidi s'est enrôlée tôt dans les rangs pour la lutte de l'égalité des droits homme/femme. Donc, c'est vêtue tantôt du brassard de syndicaliste, tantôt du bonnet de l'assistante sociale qu'elle a défendu les droits de la femme en quête d'un brin de bien-être. Au demeurant, la lecture d'Amel et ses sœurs a le profil d'une relecture d'un journal intime d'une lycéenne et partisane de la défense de l'opprimée et de la répudiée. "Mounia est répudiée au motif qu'elle est stérile ou qu'elle n'accouche que de filles. D'où l'argument fallacieux de l'époux à recourir à la polygamie ou au pire à la répudiation puis au tribunal", a indiqué la conférencière. Plutôt autobiographique, cette œuvre est une mosaïque d'aveux d'Amel, Chafia, Chérifa, Dalila et Fatiha, prises dans les rets de l'exclusion, que l'oratrice a cueillis depuis qu'elle a mis le pied à l'étrier du militantisme. Plus qu'un recueil de nouvelles, l'œuvre de Leïla Souidi est un cahier noir où l'auteure a osé la question : "Pourquoi s'est-on battue ? Et ce, eu égard à la perte d'acquis sociaux mais aussi moraux. À ce titre, le chemin vers la dignité à parité égale est encore long." Alors, livre pamphlet ou livre plaidoyer, Amel et ses sœurs est un éveil de conscience face à l'irrespect des libertés fondamentales, a-t-elle conclu à l'issue d'un débat houleux qui a permis d'alléger un tant soit peu cette pesanteur qui étouffe notre société. À noter que la rencontre a été modérée par notre confrère Meziani Abdelhakim.
Louhal Nourreddine Amel et ses sœurs, de Leïla Souidi, éditions El-Ibriz, 800 DA