Ce documentaire, projeté au CCA de Paris, rend honneur "aux femmes de la révolution algérienne, aux résistantes plus fortes que la torture, plus fortes que la mort". Pour les Algériens de France et particulièrement de Paris, le mois d'octobre permet d'évoquer les manifestations du 17 octobre 1961 contre l'ordre colonial, qui ont entraîné une répression féroce ayant causé la mort de nombreux Algériens. Cette année, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a dévoilé une stèle commémorative de l'évènement au niveau du pont Saint-Michel, sur la Seine. Si, pendant longtemps, les commémorations étaient le fait des représentations officielles et des moudjahidine de la Fédération de France, ce sont désormais des jeunes des nouvelles générations de l'immigration qui, à travers des associations, honorent le combat de leurs aïeuls. Parmi les nombreux évènements qui ont marqué cette année les commémorations du 17 Octobre à Paris, figure la projection, au CCA, du film 10 949 Femmes, de Nassima Guessoum, en collaboration avec l'association Collectif 17 Octobre 1961, banlieue nord/ouest qui active à Colombes (92). "Honneur et gloire aux femmes de la révolution algérienne, aux résistantes algériennes, plus fortes que la torture, plus fortes que la mort" : telle est l'idée de base du film, magistralement illustrée par le personnage de Nassima Hablal. "Cette héroïne oubliée de la révolution algérienne me raconte son histoire de femme dans la guerre, sa lutte pour une Algérie indépendante. Charmante, ironique et enjouée, elle me fait connaître ses amies d'antan Baya, infirmière dans les maquis, et Nelly, assistante sociale dans les bidonvilles de la capitale. À travers ses récits, je reconstitue un héritage incomplet. En interrogeant l'Algérie du passé, je comprends l'Algérie du présent... Ce film donne à voir cette transmission de la première à la troisième génération, mais il va au-delà", affirme la réalisatrice. Nassima Hablal était la secrétaire du CCE, le Comité de coordination et d'exécution, véritable direction de la Révolution. De plus, elle accomplissait diverses tâches, comme de procurer de fausses cartes d'identité aux membres du FLN, acheminer des militants vers le maquis, préparer la grève des 8 jours, à la veille du débat de l'ONU sur la question algérienne en janvier 1957. Elle a ainsi côtoyé les géants de la Révolution comme Abane Ramdane, Larbi Ben M'hidi et les autres. Nassima Guessoum lui rendait souvent visite à son domicile d'Alger et filmait son quotidien. Par des attitudes exubérantes et des moments de tristesse dus à l'évocation des martyrs et des années de prison, les traits de Nassima Hablal se précisent à travers les séquences du film, comme l'image d'une égérie qui prendrait progressivement forme sous la palette d'un peintre inspiré. Chantant ou concentrée, joviale ou le visage fermé, la moudjahida oubliée n'exprime ni haine ni regrets, mais cette dignité propre aux figures de légende. "J'ai voulu oublier ce passé, ces souffrances, mais comment oublier les êtres chers morts sous la torture. Il y avait des moments atroces", témoigne celle qui a été torturée par le lieutenant Charbonnier du premier RCP, puis le capitaine Faulque du premier REP, à la villa Sesini, centre de torture où elle a été détenue durant 40 jours. Un document, écrit par la suppliciée décrivant dans le détail les séances de torture, glace le sang des spectateurs, tant les scènes évoquées sont insoutenables. La moudjahida parle des souffrances d'autres femmes emprisonnées et torturées comme elle. À travers le combat de Nassima Hablal, le film 10 949 Femmes rend hommage aux femmes algériennes durant la guerre de Libération nationale. S'il a reçu un soutien officiel des responsables de la culture au début, ce film subit un incompréhensible "black listing", et n'est plus "invité" à des projections ou des diffusions en Algérie. Il le mériterait pourtant, ne serait-ce qu'en respect de la mémoire de Nassima Hablal, disparue depuis, ainsi que de tous ceux qui ont consenti le sacrifice suprême pour leur patrie.