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"La planche à billets devait s'accompagner de conditions drastiques"
Nour Meddahi et Raouf Boucekkine, économistes ayant fait partie du groupe d'experts sollicités en 2017 pour la mise en place du financement non conventionnel
Publié dans Liberté le 17 - 11 - 2019

Nour Meddahi et Raouf Boucekkine, professeurs d'économie et spécialistes internationaux en finances, ont tous deux fait partie du groupe d'experts sollicités en 2017 par le gouvernement algérien pour, entre autres, mettre en place une politique rationnelle et prudente de financement non conventionnel.
Trois ans après, la mise en œuvre effective de cette politique s'est transformée en de simples recours inconsidérés à la planche à billets, sans mesures d'accompagnement ni réformes structurelles, comme conçu et recommandé pourtant au départ par ces mêmes experts. Au bout, à peine déchu le régime de l'ancien président de la République Abdelaziz Bouteflika, le gouvernement a tout bonnement décidé de remettre en cause le recours à la monétisation des déficits publics par le biais de prêts accordés par la Banque d'Algérie (BA) au Trésor public à des taux de rémunération pour le moins dérisoires. En avril dernier, la banque centrale rend public un document pour le moins surprenant, intitulé "Point de situation sur le financement non conventionnel", où il est fait état de réticences clairement exprimées dès 2017 par la même banque centrale à l'égard du recours à la planche à billets. Dès lors, la BA tentait de rejeter toutes les responsabilités sur le groupe d'experts ayant recommandé la mise en place de cette politique.
La réaction de ces experts ne s'est pas fait attendre. Directement mis en cause à travers la note de la BA, Nour Meddahi et Raouf Boucekkine ont aussitôt répliqué en précisant notamment que la mise en œuvre du financement non conventionnel telle qu'ils l'ont recommandée à l'origine devait intervenir sous des conditions drastiques, dans le cadre d'une politique macroéconomique globale reposant sur l'ajustement graduel de la trajectoire budgétaire 2017-2019 adoptée par la loi de finances 2017 et la diversification des sources de financement de l'économie.
Les tirages qui devaient être autorisés ne devaient en outre pas dépasser, selon eux, un plafond de 2550 milliards DA à fin 2019, soit très loin du montant finalement tiré par le gouvernement de plus 6556 milliards DA, révélé officiellement dans ladite note de la Banque d'Algérie. Qui plus est, les remboursements à opérer au profit de la banque centrale au titre de ces financements sont assortis d'une durée trop longue et de taux d'intérêt minorés par rapport à ce qui était préconisé au départ. Témoignage et précisions à travers cet entretien.
Liberté : Quelles conditions de mise en œuvre de la politique de financement interne non conventionnel étaient conseillées et prévues au départ et qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ou mal exécuté au final ?
Nour Meddahi et Raouf Boucekkine : Comme nous l'avons toujours dit, le problème n'est pas du tout la planche à billets, qui peut être utilisée occasionnellement dans un pays fermé en crise extrême de liquidités comme le nôtre au début 2017 ; le problème vient d'abord du montant ahurissant qui a été finalement tiré, et ensuite, de façon non moins importante, peut-être plus grave encore, il y a l'absence totale de politique de consolidation budgétaire et de diversification du financement de l'économie concomitamment.
C'est vrai que le début de l'année 2017 a été terrible pour l'économie du pays : en premier lieu, le système bancaire était proche de l'asphyxie, puisque les liquidités bancaires atteignaient le niveau très faible de 820 milliards de DA, et que le ratio crédits bancaires/dépôts collectés en dinars était de 87,1%, sans compter l'effilochement du bas de laine du pays, le Fonds de régulation des recettes (FRR). Au même moment, la croissance du PIB hors hydrocarbures chutait brutalement à 2% au premier semestre 2017, contre une moyenne de 5,9% pour la période 2010-2015.
C'est dans ce contexte que nous avons recommandé et soutenu le financement non conventionnel dans un document remis au gouvernement Sellal en avril 2017([1]), avec un montant maximal de 2550 milliards de DA à fin 2019 (et donc très loin du montant finalement tiré, soit 6 556 milliards), sous des conditions drastiques, dans le cadre d'une politique macroéconomique globale reposant sur l'ajustement graduel de la trajectoire budgétaire 2017-2019 adoptée par la LF 2017 et la diversification des sources de financement de l'économie.
De fait, dès mars 2016, devant la persistance du contre-choc pétrolier de juin 2014, nous avions déjà recommandé de recourir au financement interne pour financer le déficit budgétaire sous forme d'un policy-mix avec un financement monétaire et des emprunts obligataires, avec une coordination accrue entre de la Banque d'Algérie (BA) et le gouvernement. Ni le financement obligataire dans une économie avec marchés non concurrentiels comme la nôtre ni le financement monétaire ne sont exempts de risques inflationnistes. Pour ce dernier, nous avons précisé dans notre document de novembre 2017 qu'au vu des mécanismes de transmission dans l'économie algérienne, une bonne gestion du financement monétaire par la BA et le Trésor devait suffire pour contenir le risque d'inflation à court terme.
Les faits nous ont donné raison. Malheureusement, la dynamique de consolidation qu'annonçait la trajectoire budgétaire 2017-2019 adoptée par la LF 2017 a été brisée net dès l'automne 2017 : la planche à billets s'est emballée pour financer les augmentations des dépenses budgétaires, le remboursement de la dette vis-à-vis de Sonatrach, le remboursement d'une partie de la dette de Sonelgaz vis-à-vis de la BNA (ce que nous avons explicitement exclu), et aussi pour financer des projets par le FNI afin de maquiller la hausse des dépenses et donc du déficit budgétaire. La folie de la période a même amené la BA, sous la direction de l'actuel ministre des Finances, à faire sauter des verrous contre le blanchiment d'argent, fragilisant la situation du pays auprès du gendarme mondial de ce fléau. Il faut féliciter l'actuelle direction de la BA d'avoir récemment remis ce verrou.
Les financements opérés par la Banque centrale au profit du Trésor sont censés être remboursés sur 30 ans avec un taux de 0,5%, est-ce rationnel et cohérent ?
Concernant le taux d'intérêt, nous avons proposé un taux proche de l'inflation pour que la BA puisse revendre les obligations de l'Etat sur le marché secondaire une fois que ce marché sera mature. Ce taux a été minoré pour que les remboursements annuels par le Trésor et le FNI soient faibles. Ainsi, le montant des intérêts annuels des 6556 milliards de DA est de 32,8 milliards de DA, alors que ce montant aurait été de 262,25 milliards de DA si le taux avait été de 4%.
Par ailleurs, pour éponger les excès de liquidités générés par l'énorme montant d'argent tiré par la planche à billets, la BA a à juste titre relancé son programme de reprise de liquidités en janvier 2018 et a aussi augmenté le taux des réserves obligatoires. Ces opérations sont rémunérées et coûtent donc de l'argent à la BA et malheureusement bien plus que les 0,5% qu'elle reçoit du Trésor et du FNI. Ainsi le taux d'intérêt des reprises de liquidités à sept jours a atteint 3,5% en avril dernier ! Oui, 3,5% soit plus que la rémunération que payent les banques publiques et le Trésor pour l'épargne des Algériens. Jamais un tel taux n'a été atteint du temps du gouverneur Laksaci qui a utilisé le programme de reprise de liquidités pendant plus d'une décennie, avec un taux de 0,75% pour les reprises de liquidités à 7 jours.
Malheureusement, le plus grave est ailleurs. Les prêts ont été faits sur de très longues périodes, au taux de 0,5%, ce qui veut dire que la valeur présente de ces remboursements est beaucoup plus faible que les montants prêtés à cause de l'inflation. Autrement dit, la BA a offert de l'argent, c'est le terme adéquat, au gouvernement et aussi à la caisse des retraites. En prenant un taux d'intérêt de 0,5% et un taux d'inflation de 4%, ce qui est le taux d'inflation de long terme de la BA, la valeur présente d'un prêt de 100 milliards de DA au Trésor est de 63 milliards de DA !! Il n'y a pas d'erreur de frappe, c'est bien 63 milliards de DA.
Ainsi, pour un prêt de 100 milliards de DA au Trésor, la BA a fait un cadeau de 37 milliards de DA. Est-ce son rôle ? Le ministre des Finances vient de dire que "le fardeau de ce financement sur le Trésor public n'est pas aussi important". En effet, le gros du fardeau est de fait sur la BA. Il n'est pas inutile de rappeler que ce ministre était gouverneur de la BA au moment de l'élaboration et de l'exécution du financement monétaire et que, comble de l'hypocrisie, il a affirmé qu'il était contre ce financement quand il a changé de fonction.

Propos recueillis par : Akli Rezouali
[1] Tous les documents mentionnés sont postés à l'adresse https://nourmeddahi.github.io/El-Djazair/El-Djazair.htm


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