Le conducteur qui a "foncé" sur les manifestants lors de la 38e marche, à Oran, a été jugé hier par le tribunal correctionnel de Cité Djamel. Ch. Mokhtar, 19 ans, était poursuivi pour homicide et blessures involontaires (article 289 du code pénal), accusation retenue par le parquet pour qualifier l'accident corporel qui a envoyé Guenoud Rabah, 59 ans, à l'hôpital où plusieurs lésions du bassin ont été décelées. Interrogé sur les faits, Mokhtar, employé dans une compagnie d'assurances — qui était également poursuivi pour possession d'armes blanches prohibées dans le cadre d'un second dossier —, a affirmé avoir agi dans la précipitation et sans intention de percuter la victime. "J'avais été arrêté par des manifestants… Il y a eu un échange de paroles… Quand j'ai démarré, le fourgon a dérapé et j'ai heurté l'homme. Lorsque je me suis rendu compte de l'accident, que la foule me poursuivait, je me suis rendu auprès des policiers" qui se trouvaient plus bas, en face de lycée Lotfi. Allongé sur une civière, G. Rabah a juré que le conducteur du fourgon l'avait ciblé. "Comme j'avais vu qu'il avait forcé le passage, je lui ai fait signe pour l'obliger à ralentir. Il m'a vu et il m'a foncé dessus volontairement alors que je me trouvais sur le trottoir. Et il ne s'est même pas arrêté", a raconté la victime, très remontée contre le prévenu. Appelé à témoigner, N. Ahmed, qui participait à la marche, a apporté de l'eau au moulin du plaignant. "La victime criait ‘arrête, arrête' mais le conducteur a continué à rouler jusqu'à le percuter sur le trottoir et à prendre la fuite. Si la police n'était pas stationnée plus bas, il ne se serait jamais arrêté. Je vous jure qu'il a agi exprès." Pour Me Ahmed Mebrek, avocat de la partie civile, le problème ne réside pas tant dans la préméditation — qui ne fait, selon lui, aucun doute au regard de la multitude des témoignages et des preuves matérielles — que dans les insuffisances de l'enquête policière qui a conclu à l'accident de la circulation alors que "deux plaques d'immatriculation, des bombes lacrymogènes et un couteau ont été découverts dans le fourgon". Il demandera la désignation d'un expert pour évaluer l'état de santé de son client et 300 000 DA au titre d'indemnités provisionnelles. Estimant que le dossier était incomplet, le procureur de la République a, lui, requis une instruction complémentaire. Les deux affaires ont été mises en délibéré pour le 24 novembre. S. Ould Ali