Native d'Alger de parents originaires des Hauts-Plateaux du Sud-Ouest algérien, Leïla Bessaïh y a suivi des études supérieures de commerce et travaillé à l'Anep, avant de décider, à l'âge de 30 ans, de se rendre au Canada où elle vit et travaille. Le Langage des âmes à l'écoute des cœurs, présenté au dernier Sila, est son premier recueil de poésie, paru cette année chez les éditions El-Qobia. La poétesse, dont le cœur balance entre les deux rives de l'Atlantique, a bien voulu accorder un entretien à Liberté. Liberté : Vous êtes revenue au pays pour présenter votre livre au Sila 2019, qu'avez-vous ressenti ? Leïla Bessaïh : Vivant au Canada, je ressens une joie particulière de revenir aux sources pour présenter mon premier recueil de poésie. J'y reviens avec un accomplissement spirituel. Tout ce que j'écris est en fait le reflet du parcours que j'ai traversé, depuis Alger, ce lieu mythique qui m'habitera pour le restant de mes jours. Je suis devenue par la force du destin un produit ou un amalgame de deux continents tellement différents. Le titre de votre recueil est-il votre propre définition de la poésie ? Dans cet ouvrage, c'est mon âme qui s'adressait à mon cœur. Le titre s'est imposé de lui-même. Comme un monologue qui s'entretenait au fond de mon être, je me retrouvais souvent dans mon monde à me parler à voix basse de toutes ces situations qui interpellent ma sensibilité et ma spiritualité. J'ai compris très jeune que la solitude était ma compagne la plus fidèle. Que voulez-vous exprimer à travers la poésie ? À travers mes mots et ma poésie, je retranscris une certaine sensibilité, spiritualité, un héritage légué par mon expérience de la vie, mes différentes pérégrinations, mes souffrances, mes joies aussi, mes observations, mes lectures, mes accomplissements et les conclusions auxquelles j'ai abouti de par mon modeste parcours. Mes mots expriment le regard d'une femme maghrébine et le vécu d'une femme musulmane et de foi, avec tout ce que j'ai reçu comme éducation, je dirais à la limite patriarcale. Les mots m'ont permis de définir avec justesse beaucoup de maux qui sommeillaient en moi comme pour les panser. La poésie a été comme un baume au cœur et un remède, elle est une écoute attentive aux bruissements intimes de mon être. La poésie est boudée par les éditeurs pour des raisons commerciales, l'homme moderne perd-il le sens poétique ? Ce qui m'anime est de ressentir cette émotion que je peux susciter à travers le pouvoir des mots et de la pensée. Nous sommes portés à oublier l'essentiel dans la vie dite moderne. La poésie aide à régénérer les sens, à revenir à l'essentiel, c'est-à-dire à ce qui est vital, aux émotions intérieures. Les chiffres, les maisons d'édition ne sont pas vitaux. L'important dans la poésie est de pouvoir toucher les cœurs, rechercher la lumière, la sagesse, l'apaisement de l'âme. Un poème pour nos lecteurs ? Je reviens d'une errance, lointaine et divinatoire ; l'esprit assoiffé, encore et encore ; j'ai puisé dans l'eau des sages ; j'ai nourri mes interminables silences ; j'ai trempé mes lèvres d'espérances… Le printemps s'offre à ma souche ; il irradie de sa pudeur, ma demeure, mes roses câlines ; il annonce le baptême de nos promesses ; il susurre la mélodie du bonheur, à mes racines fécondes ; le songe transmue, happe mon essence, me dépouille de mes certitudes ; je lui offre en retour, une rose bien rose, le talisman de mes vertus.
Le langage des âmes à l'écoute des cœurs, recueil de poésie de Leïla Bessaïh, éditions El-Qobia, Alger, 2019. Entretien réalisé par : Ali BEDRICI
