En ces moments d'isolement dû au virus Covid 19, il est de bon ton de voir et de revoir Baccalauréat de Azzedine Abbar, fruit du Théâtre régional de Mostaganem, auréolé du premier prix lors de la treizième édition du Festival national du théâtre professionnel en 2018. D'ailleurs, on se souvient de l'engouement du public lorsque cette pièce de théâtre a été à l'affiche du TNA durant la soirée du lundi 10 février dernier. Baccalauréat de Azzedine Abbar s'interprète au fil d'effrayants actes scéniques et à la valeur caricaturale d'un emploi du temps qui n'augure rien de prometteur. Notamment pour l'essaim de futurs bacheliers qui n'a pour seule clé d'existence qu'une cave où gît l'obsolescence d'un système éducatif à bout de souffle, eu égard au modèle de tableau qui a l'apparence du hideux couperet de la guillotine. En témoigne aussi l'aigrie "oustada" (prof) Adila Soualem, qui est aussi à bout et au bout du pupitre taillé dans les chutes de bois, vestiges des palettes "made in France et viande hallal du Brésil" qu'a léguées la "confrérie" de "l'import-import" en guise de dîme fiscale à la collectivité. Aigrie, parce que la vie l'a lésée de l'amour qu'elle nourrissait sur l'épaule d'un vétéran de l'opéra d'Alger qui a eu son heure de gloire, mais sans qu'il soit distingué à la juste valeur de son talent. Martyr des esquintants feuilletons négociés sur les bords du Nil (Egypte) et achevé aux sagas à l'eau de rose acquises sur les rives du Bosphore (Turquie), l'Algérien dandine depuis d'une culture à l'autre. À telle enseigne qu'il n'a que ses costumes de scène élimés qu'il garde dans sa malle. "J'avoue avoir vécu l'époque où le cinéphile s'offrait un ticket à un prix prohibitif au temps où l'Algérie s'éclairait de ses enseignes de salles de cinéma, qu'il disait aux lycéens qui le parodient à leur tour parce qu'il est q'dim (vieillot). Mais qu'importe la précarité de l'endroit et l'opacité dans laquelle s'autorisent les leçons particulières au détriment du cours de soutien, l'essentiel est de ‘bûcher' en solo pour s'auréoler du titre de bachot." Du reste, l'attristant aspect sépulcral de la cave est aussi ce lieu où l'espoir de l'amour s'unit et se défait pour s'émietter à l'aube d'un demain désenchanté. Autre audace avérée de la pièce, l'acte de la leçon sur la règle de l'accord des nombres et le fameux chiffre "5" lorsqu'il était d'obédience taboue. Œuvre d'un enseignant à la retraite, le texte de Baccalauréat a été amélioré afin de l'offrir à un public de 7 à 77 ans qui fouille dans son destin, a-t-on su de Azzedine Abbar. Ça a tout l'air d'une scène burlesque où la musique de Abdelkader Sofi s'ajoute au tragique et où fuse de l'indocilité juvénile l'interrogation : "Qui suis-je, où vais-je ?" du comédien français José Artur (1927-2015). Et delà, la question ira en voguant tel Le Radeau de La Méduse (1818-1819) de l'artiste peintre Théodore Géricault (1791-1824). Seulement, la toile y perdra de sa superbe lorsqu'elle recouvre l'intitulé qui était en réalité le sien, à savoir Scène d'un naufrage de l'école ou de la famille que l'on doit au scénographe Ibrahim Ould Tata. Mais la question ne se pose pas, car il y a trop de houle. Louhal Nourreddine