Commerce extérieur: réunion sur la situation des marchandises bloquées aux ports    Ghaza: l'entité sioniste continue d'interdire l'accès aux médias internationaux    L'Australie s'engage à fournir des fonds supplémentaires pour les efforts d'aide humanitaire à Ghaza    Une responsable de l'UE appelle l'occupation sioniste à "cesser d'affamer" la population de Ghaza    Foot/Algérie: lancement de la deuxième promotion de la licence CAF PRO à Alger    Le ministre de la Justice préside la cérémonie d'installation du président de la Cour et du procureur général près la Cour de Constantine    Intégration numérique dans les cités universitaires : signature d'une convention entre l'ONOU et l'opérateur de téléphonie mobile "Djezzy"    Bilan du commerce extérieur en Algérie pour 2023, selon les données officielles de l'ONS    Le CHAN démarre Les Verts finalistes de la dernière édition, visent une performance honorable    La Tanzanie secoue le Burkina Faso    Ce pays qui est le mien    Mustapha Adane, une vie de création entre mémoire et matière    L'ambassadeur d'Egypte en Algérie souligne le caractère stratégique des relations entre les deux pays    Championnat arabe masculin 2025: retour triomphal à Alger de l'équipe nationale algérienne, vainqueur du titre    Rentrée universitaire 2025-2026 : début des cours dans l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur le 13 septembre prochain    Jeux africains scolaires (JAS-2025) Tennis - doubles : quatre médailles pour l'Algérie, dont deux en argent    Vague de chaleur, orages et de hautes vagues dimanche et lundi sur plusieurs wilayas    Protection des données à caractère personnel: l'ANPDP informe l'ensemble des acteurs des amendements apportés à la loi    Le président de la République reçoit l'ambassadeur de la Confédération suisse    Journée nationale de l'ANP: un lien sacré avec le peuple et une doctrine défensive ancrée    Une première place en or pour l'Algérie    Le ministre des transports annonce une augmentation du nombre de vols et l'ouverture de nouvelles lignes    L'Europe piégée et ensevelie    « Coûteux, insuffisants et inefficaces »    Une ville clochardisée    3.761 interventions à travers le territoire national    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha honore les Cadets de la nation lauréats du Baccalauréat et du BEM    L'économie de l'Algérie se porte L'économie de l'Algérie se porte biende l'Algérie se porte bien    L'élégance d'un artiste inoubliable    La célèbre statue féminine de Sétif au statut toujours contesté    Le ministère de la Culture organise un atelier international de formation sur le patrimoine mondial en collaboration avec l'AWHF    La délégation parlementaire algérienne tient une rencontre de travail avec la délégation autrichienne    Biskra commémore le 59 anniversaire des "massacres du dimanche noir"    Initiative Art 2 : 16 porteurs de projets innovants dans le domaine des industries culturelles et créatives retenus    Renforcement des perspectives de coopération dans le domaine de la jeunesse entre l'Algérie et la Chine    Le héros national, le Brigadier de Police Mellouk Faouzi s'en est allé    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Puissions-nous un jour guérir comme Idir
Puissions-nous un jour guérir comme Idir
Publié dans Liberté le 06 - 05 - 2020

Qui est Idir ? Un artiste qui prouve ce que le pays, dans ses radicalités, ses errances et ses angoisses désapprouve cycliquement : un- que l'universalité n'est pas la perte de soi, ni de la traîtrise aux siens. Deux- que l'altérité n'est pas une menace, ni une invasion, ni une exclusion. Au-delà de la blessure coloniale, on peut aller vers le monde et le rencontrer. Trois- l'amazighité n'est pas un enfermement sur soi, une compensation idéalisée des malheurs subis, ou une identité bâtie sur le rejet de l'autre parce qu'on a été rejeté, la supériorité infantile parce qu'on a été injustement écrasé.
L'Algérie est un pays obsédé par l'union, l'unicité, l'uniformité. On le sait, on le vit. Paradoxalement, cette obsession cultive en soi son contraire, ses diables intimes. De tout ce qui fait les grands courants idéologiques de cette terre malmenée, chacun, chaque famille politique ou culturelle, a tenté de faire son monopole à un moment ou un autre.
Cela nous a divisés, tués, éparpillés sur le chemin du développement et du bonheur et nous a dressés les uns contre les autres comme si, pour vivre, nous avions besoin de faire la guerre et de la refaire même à huis clos, même entre nous, même dans le ventre de nos mères, même avant de naître. Voilà donc que de l'islam, nous avons fait de l'islamisme. "Je suis Allah", remplace Dieu, je suis l'islam remplace une religion et je suis la vérité, ce qui permet tous les massacres.
Mais ce n'est pas la seule accaparation : nous avons sur le dos ceux qui ont monopolisé la mémoire de la guerre d'indépendance, "la famille révolutionnaire", le "je suis les chahids, le moudjahid, son fils, sa fille, son petit-fils"… etc. Et ceux qui ont tenté de définir l'amazighité par l'exclusivité, "la famille identitaire", celle qui croit que les racines sont aussi un monopole pour fonder une supranationalité, une algériannité meilleure que celle des autres, une caste ou une race.
Faut-il faire l'inventaire des malheurs subis et des occasions ratées à cause de ces radicalités sans issues ? Faut-il tout rappeler de ce que nous avons perdu comme vies, comme temps à vouloir les uns jouer à Dieu, les autres aux martyrs et les derniers aux ancêtres ? De tous, personne n'a essayé de jouer le rôle de nos enfants à venir. Ni a endossé leurs chairs fragiles.
D'où Idir, son beau visage qui fait l'effet de la mer calme et voyageuse.Car c'est une vie qui a donné du sens à la vie. Une seule de ses chansons, avant tant d'autres, nous a ouvert au monde et a prouvé que l'universalité ne nous tue pas mais nous honore, nous fait participer au reste de l'humanité et ne nous dissous pas dans l'indistinct ou la traîtrise. De cette conviction profonde, l'homme eut le don d'un visage reposé, serein et en paix.
Les traits d'un homme tourné vers l'avenir. Ce qui nous manque cruellement ; ressembler à cet homme et comprendre qu'il y a une voie pour la guérison et que mieux que les militantismes haineux, les vanités reconverties en radicalités, le ghetto sublimé ou la nation hiérarchisée, il y a l'éloge à faire de la vie. Une guitare est allée plus loin que mille marches. Elle vaut dix mille discours.
Bien sûr le malheur fut long et coûteux mais le martyr autorise-t-il à regarder l'autre comme il vous regarde ? Permet-il de répondre à une exclusion par une exclusion ? À rêver d'une séparation à cause d'un rejet ? Faut-il faire de la douleur une caste et un repli et une illusion de supériorité sur les autres ? à force de cultiver la différence n'a-t-on pas cultivé la solitude ?
Voilà que la mort d'Idir nous rappelle la vie riche : il est possible de guérir et d'avancer, conquérir, créer au lieu de tourner en rond autour des tombes et des vérités mortes et des blessures. Voilà l'homme qui a compris que si la Kabylie a défendu l'amazighité elle peut aussi la tuer en l'enfermant, la séparant, en la dégradant en haut-parleurs, en une muraille, en emblèmes, ou un regard de mépris donné après le mépris subi.
Le gardien d'un trésor a-t-il le droit de s'en faire propriétaire ? Nos meilleures enfants savent que l'amazighité est une nation, que la Kabylie est une région, entre dix ou mille autres. Idir a prouvé que cette amazighité est un univers et une universalité. On ne se souviendra pas de ses insultes car il n'en a pas proféré. Ni de sa théorie raciale, car il n'en a pas eu. Ni d'un militantisme méprisant et haineux, car il n'en a pas fait métier.
Ni d'une obsession du martyr ou d'une fixation sur la douleur car il a vu plus loin. Son algériannité a été la meilleure : elle n'a été ni régionaliste, ni de caste, ni autonomiste, ni victimaire, ni complotiste, ni traître, ni de souche, ni enfermée, ni exilée, ni amnésique, ni religieuse, ni fantasmée.
Son algériannité est possible pour tous. À la fin, dans sa tombe, c'est lui qui doit faire ce vœu que "puissions-nous un jour, enfin, vivre et se reposer en paix". Bâtir l'Algérie au lieu de la chercher dans les tombes ou dans le ciel ou dans les montagnes. Car lui il a su le faire, de son vivant.

Par : Kamel DAOUD


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.