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"Envisager avec plus de lucidité la probable seconde vague''
professeur abdelaziz tadjeddine, épidémiologiste
Publié dans Liberté le 07 - 05 - 2020

Chef du service épidémiologie et de médecine préventive à l'hôpital pédiatrique de Canastel, directeur du laboratoire d'enseignement et de recherche en maladies émergentes et ré-émergentes à l'Université d'oran, le professeur Abdelaziz Tadjeddine revient dans cet entretien sur la stratégie de l'Algérie dans sa lutte contre la propagation du Covid-19.
Liberté : Quelles sont vos premières lectures concernant les dernières statistiques sur les contaminés par le Covid-19 en Algérie ?
Pr Abdelaziz Tadjeddine : La phase d'endiguement de l'épidémie n'est pas encore au rendez-vous. Le 20 mars, nous avons enregistré 65 nouveaux cas. Une semaine plus tard, le vendredi 27 mars, il y a eu une progression des cas de Covid-19 qui passent à 3 chiffres (314 cas). Le vendredi 1er mai, on est passé à 4 chiffres (1 027 cas). En outre, le cluster de Blida est en phase d'atténuation. Jusque-là, rien de vraiment inquiétant si l'on considère qu'il y a eu un déconfinement sauvage dont les conséquences pourraient être plus lourdes. Le nombre de décès déclarés par jour reste stable et relativement faible.
Comment analysez-vous la stratégie algérienne de lutte contre la propagation du virus ?
De mars à la mi-avril, la stratégie de lutte contre le Covid-19 apparaissait comme adéquate et cohérente parce que réaliste et totalement tributaire des faibles moyens disponibles en matière de tests, de masques, de respirateurs et de mise en œuvre de la distanciation sociale. La fermeture des établissements scolaires, des lieux de culte, des commerces et la décision de confinement large ont fortement impacté la propagation du virus. Le traitement selon le protocole de l'hydroxy-chloroquine, bien qu'il ne soit pas la panacée, a permis de mettre à la disposition des soignants une arme plus ou moins efficace.
Depuis la mi-avril, malgré les moyens reçus, largement médiatisés et mis en scène, il n'y a pas de réponse claire en matière de dépistage actif des contacts tel que nous l'avons préconisé tout au début avec la traçabilité et la cartographie géographique et épidémiologique. Contrairement à d'autres pays, nous n'avons pas eu un second cluster important après Blida, la wilaya d'Alger ayant bien contenu les cas, ce qui donne du répit et permet d'envisager avec plus de lucidité la suite, en particulier la probable "seconde vague" que personne ne peut exclure et que le principe de précaution nous impose comme probabilité dont il faut tenir compte.
La dernière instruction du Premier ministre d'autoriser l'ouverture de 90% des commerces n'a-t-elle pas remis en question tous les efforts du confinement décidé en amont ? Cette décision a même été contestée par certains walis qui ont décidé derechef de fermer les marchés...
Le confinement a été et reste une stratégie gagnante. On ne peut pas le prolonger indéfiniment, non seulement pour des raisons économiques, mais également et surtout sanitaires : problèmes psychologiques, psychiatriques et même physiques avec les nombreuses interventions chirurgicales qui ont été décalées, les traitements au long cours, les vaccinations… C'est dire qu'un confinement par palier et progressif doit être mis en place, ce qui ne signifie pas rouvrir les commerces de grande affluence tels que les marchés de fruits et légumes et les commerces de l'habillement à la veille de l'Aïd, mais les secteurs stratégiques du btp dans toutes les dimensions (quincaillerie, maçonnerie, plomberie…) et d'autres secteurs, en dehors du transport en commun.
Le déconfinement sauvage est contre-productif, il faut qu'il soit couplé à la mise à la disposition des travailleurs et des clients de masques grand public, une condition nécessaire en plus de la distanciation physique et, donc, un respect, à tout moment, de la distance d'au moins un mètre entre les personnes. Notre grand problème est qu'il n'y a pas une lecture et, surtout, une prise de décision décentralisée tenant compte des spécificités et des déterminants essentiels dans chaque bassin de population au plus près des communautés et de la population.
Il faut donner des pouvoirs plus larges aux walis qui, en théorie, connaissent mieux la population de leurs territoires, à condition d'être conseillés par des personnes compétentes, désintéressées et qu'il y ait réellement une démocratie participative où chacun a le droit à la parole et à une écoute attentive.
Comment expliquer l'indiscipline des Algériens, alors que le reste du monde respecte avec plus de rigueur le confinement ? Faut-il incriminer l'Etat pour cet état de fait ?
L'indiscipline des Algériens est une donnée constante, structurelle et séculaire qu'il faut intégrer en tant que telle dans toute tentative de modélisation comme élément déterminant. Dans le cas particulier du Covid-19, cette indiscipline est un atout à la seule condition qu'elle soit bien gérée.
Elle permet la circulation du virus de proche en proche en espérant atteindre un nombre suffisant pour "garantir" une immunité collective. L'important étant de déconfiner par territoire en commençant par les moins touchés et en priant pour que les chaleurs qui s'annoncent contribuent à l'atténuation du virus et surtout de la charge virale.
En tant qu'épidémiologiste, pensez-vous que la stratégie de dépistage actuelle est la plus appropriée, sachant que ce sont les services de sécurité qui retracent l'itinéraire des cas suspects ?
Le dépistage des contacts (premier degré, second degré) est une compétence acquise après de longues années d'études, qui obéit à des conditions essentielles qui sont l'adhésion, le consentement, l'information et la sensibilisation. Et je voudrais ajouter en tant qu'agent de terrain que l'Algérien est très réceptif lorsqu'on prend le temps de lui expliquer et de l'associer à la gestion de sa santé sans le culpabiliser et sans le mépriser.
La tentation du pouvoir est de reproduire le modèle chinois, très efficace pour les Chinois, mais totalement obsolète en Algérie. Il faut promouvoir la citoyenneté, la responsabilité individuelle et collective, et pas seulement dans le discours, mais dans les faits.
Vous aviez regretté, dans un premier temps, que le pays n'ait pas fait appel à ses épidémiologistes (voir Liberté du 22 mars 2020). Ce sentiment est-il toujours d'actualité ?
Ce n'est pas la corporation des épidémiologistes que je voudrais défendre, encore que leur rôle dans la planification, la programmation, la supervision et l'évaluation est primordial et qu'ils ont les compétences nécessaires.
Ce sont les spécialistes de santé publique en capacité d'anticiper sur des situations de crise, de proposer des modèles et d'évaluer la stratégie utilisée, son implantation, son impact, ses résultats.
Nous avons copié la politique et le système de santé français, et nous voyons bien que, non seulement il n'est pas performant, mais encore il est miné par les objectifs et des intérêts contradictoires alors même qu'il n'est pas aussi fortement centralisé comme le nôtre et qu'il existe des espaces d'intermédiation sans parler de la démocratie, y compris sanitaire. Cette pandémie a montré les limites de ce système qui a failli s'écrouler.
Du coup, nos décideurs se tournent vers le système chinois qui est aux antipodes des réalités algériennes aussi bien sur le plan de la démographie que sur les plans culturel, sanitaire et épidémiologique. La leçon à tirer est que plus nous avons besoin de programmes de santé de proximité prenant en considération les besoins des populations au niveau le plus périphérique.
Tenant compte du fait que l'Algérie a énormément investi dans la compétence humaine qui aujourd'hui est disponible partout dans le pays, ces ressources ne sont pas valorisées et elles sont utilisées comme de simples exécutants des ordres d'Alger totalement déconnectés.
Tous les professionnels de la santé s'accordent à tirer la sonnette d'alarme devant le comportement des Algériens. Pensez-vous que le pays dispose d'assez de structures pour faire face à une vague plus importante du Covid-19 ?
Le pays possède suffisamment de structures en comparaison avec des pays limitrophes, tout en sachant que des moyens importants n'ont pas été sollicités à ce jour (santé militaire). Depuis des années, nos plans Orsec n'ont pas été actualisés à tous les niveaux. Nous n'avons pas un plan pandémie actualisé. Je suis directeur d'un laboratoire d'enseignement et de recherche en maladies émergentes et ré-émergentes (Lermer), agréé auprès de l'Université d'Oran par la DGRST et domicilié à l'EHS pédiatrique de Canastel.
Nous avons formé des médecins à la veille et à la sécurité sanitaire, et ils sont plus d'une centaine répartis sur tout le territoire et en capacité d'être utiles. Concernant le Lermer, nous n'avons jamais été sollicités par le ministère de la Santé pour apporter notre contribution.
Pire, la formation postuniversitaire que nous avons mis en place, il y a plus de 10 ans, le Cesmere, a été délibérément arrêté par Ould Abbès, ministre de la Santé à l'époque, pour des raisons personnelles, alors même que de nombreux confrères sont intéressés par cette formation.
Vous êtes président de l'Association nationale de protection contre le sida, APCS Algérie, comment les porteurs du VIH vivent-ils cette période ? Ont-ils accès à leurs traitements ? Sont-ils pris en charge sachant que les services infectieux sont exclusivement dédiés aux contaminés par le coronavirus ?
En ce qui concerne la lutte contre le VIH-sida, il n'y a pas eu de discontinuité dans le traitement à ce jour grâce à une bonne collaboration avec les CDR d'Oran, d'Alger et de Béchar. Malheureusement, nous avons arrêté le dépistage pour raison de confinement et arrêt des activités des laboratoires. Je suis en contact continu avec des PVVIH (personnes vivant avec le VIH) et leurs représentantes au niveau du CA de l'APCS, et force est de constater qu'à ce jour, nous ne déplorons aucun cas de Covid-19 parmi elles.
Nous avons mis en place une unité de fabrication de masques grand public entièrement gérée par des femmes PVVIH en situation de précarité.
L'activité a commencé le 1er mai, et nous avons déjà les premiers masques. Ils sont efficaces et ils sont dédiés en priorité aux PVVIH et aux populations-clés, en particulier les usagers de drogues en intraveineux (UDI) à Alger qui sont très vulnérables du fait de leurs pratiques et, surtout, de la marginalisation et de la discrimination qu'ils subissent.


Interview réalisée par : Saïd oussad


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