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«Un confinement total serait la prochaine étape de la réponse»
Asma Saidouni, épidémiologiste, au Soir d'Algérie :
Publié dans Le Soir d'Algérie le 15 - 04 - 2020


Entretien réalisé par Karim Aimeur
Asma Saidouni Oulebsir est une épidémiologiste qui a exercé à l'OMS en participant à plusieurs missions, à savoir la riposte de l'Organisation mondiale de la santé à la flambée d'Ebola en Afrique de l'Ouest en 2015, la réponse à l'épidémie de la fièvre jaune au Congo en 2016 et l'épidémie de la cellulite nécrosante à Sao Tomé-et-Principe en 2017.
Elle a travaillé pour le gouvernement français comme épidémiologiste à Santé Publique France pendant deux ans. Depuis 3 ans, elle travaille à la FAO, d'abord un an au Ghana comme épidémiologiste au bureau régional du Centre d'urgence pour la lutte contre les maladies animales transfrontières de la FAO (Ectad) couvrant 14 pays de l'Afrique de l'Ouest et centrale. Actuellement, elle exerce au siège de la FAO à Rome et travaille sur le «Renforcement des systèmes d'alerte précoce». Originaire de la région de Boudjellil (Béjaïa), Asma Saidouni est native d'Alger en 1987. Elle a fait ses études jusqu'au baccalauréat à Bouira, avant de rejoindre l'université Saad-Dahleb de Blida, d'où elle a obtenu un diplôme de médecine vétérinaire.
Son parcours universitaire ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Elle obtiendra par la suite un diplôme de statistiques appliquées à la recherche clinique, épidémiologique et biologique de l'université Pierre-et-Marie-Curie. Ensuite un master en infectiologie spécialité microbiologie de l'université Paris-Diderot et un mastère spécialisé en santé publique, épidémiologie et risque infectieux délivré par l'école Pasteur/Cnam. Dans cet entretien qu'elle nous a accordé depuis son appartement de confinement à Rome, elle livre son avis et ses analyses de la progression du coronavirus dans le monde, abordant l'histoire des épidémies qui ont secoué l'humanité à travers l'histoire. Elle ne manque pas de rendre un hommage à ses enseignants de l'université de Blida qui lui ont ouvert les portes de l'OMC et de la FAO.
Le Soir d'Algérie : L'humanité traverse une crise sanitaire de grande ampleur. Le monde a-t-il connu une situation similaire à travers l'Histoire ?
Asma Saidouni : Oui, certes c'est une des grandes crises sanitaires qui a bouleversé nos habitudes au quotidien, mais le monde a connu d'autres épidémies et pandémies d'ampleur plus dévastatrice en termes de nombre de cas et de décès. Pour ne citer que les plus importantes et celles qui ont marqué l'Histoire ainsi que le rôle dominant des animaux qui précède les transmissions interhumaines, à l'image de la pandémie actuelle, la peste, une des maladies qui a provoqué plusieurs épidémies et pandémies qu'a connues l'humanité. C'est une zoonose due à la bactérie Yersinia pestis, qui se transmet le plus souvent des rongeurs à l'homme par les puces, mais également entre hommes par voie respiratoire. Sans traitement antibiotique approprié et rapide, son évolution est fatale dans 30 à 60% des cas. La deuxième épidémie de peste est la célèbre peste noire au XIVe siècle (1347-1350), qui a fait quelque 50 millions de morts, dont la moitié en Asie et en Afrique et l'autre moitié en Europe, où près du quart de la population a succombé.
La pandémie a été le début de plusieurs flambées de peste qui ont ravagé l'Europe et l'Asie au cours des siècles suivants, mais qui n'a pas totalement disparu. Selon l'OMS, entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2015, 3 248 cas de peste humaine, dont 584 décès, ont été répertoriés en RDC, Madagascar, Ouganda et Tanzanie. Plus près de chez nous, le VIH, avec une estimation de 36 millions de morts causés par le sida dans le monde depuis l'identification du virus. Plus récemment encore, le virus (H1N1), communément appelé «grippe porcine», a causé une pandémie en 2009.
Ce virus, selon les estimations, aurait causé entre 100 000 et 400 000 décès cette année-là. L'immunité de la population mondiale à (H1N1) était particulièrement limitée parce qu'il s'agissait d'un nouveau virus. Le Covid-19 n'est pas le premier coronavirus qui a émergé. En effet, le SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère) et le Mers-Cov (coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient) sont des coronavirus qui ont causé des épidémies en 2003 et à partir de 2012 respectivement. L'épidémie du SRAS a fait un total de 8 096 cas cumulés et 774 décès notifiés de la part des 28 pays affectés et le Mers-Cov 2494 cas, et 858 décès ont été notifiés à l'OMS par 27 pays.
Comment peut-on expliquer la propagation à grande vitesse du nouveau coronavirus ?
Plusieurs facteurs sont à prendre en compte. C'est un virus émergent et une population humaine avec une immunité naïve, donc peu d'informations au départ concernant sa virulence et sa contagiosité.
La globalisation a joué un rôle important dans l'évolution de l'épidémie, la proportion importante des formes asymptomatiques et légères (symptomatologie similaire à une simple grippe) est exacerbée par la survenue de l'épidémie Covid-19 pendant la saison grippale.
Y a-t-il un espoir de voir un vaccin mis en place rapidement ?
Espoir pour qu'un vaccin voit le jour oui, mais pas rapidement. Il y a 41 vaccins au stade préclinique de développement (Early Stage). La course au vaccin est mondiale et elle a été facilitée par le séquençage rapide du virus que la Chine avait mis à disposition des chercheurs. Peut-être un des vaccins prometteurs serait le mRNA-1273 en développement par Moderna Therapeutics qui a opté pour son développement en urgence, en sautant quelques étapes habituelles. Il est au stade d'essai sur les humains, sans essai préalable sur les animaux. Si tout va bien, il pourrait être disponible pour l'automne 2020. Mais de manière générale, je pense que pas moins de 18 mois soient nécessaires pour qu'un vaccin soit commercialisé et disponible et encore, ce ne sera pas directement pour des vaccinations à grande échelle, mais plutôt pour les catégories à risque comme les professionnels de santé en première ligne.
Comment évaluez-vous l'avancée de la pandémie dans le monde ?
C'est une crise sanitaire d'une grande ampleur avec un total de 212 pays ayant déclaré des cas et 1 610 909 cas confirmés et plus de 99 690 décès (données OMS actualisées au samedi 11/04/2020 à 19h30).
L'ampleur de cette pandémie s'étend au-delà de la crise sanitaire à laquelle font face beaucoup de pays. L'impact économique est considérable sur les pays et aussi sur les individus. Sans oublier l'impact important sur les pays les plus vulnérables ou en situation de crise humanitaire, d'où la création d'un plan de réponse humanitaire global Covid-19, qui devrait permettre à de nombreux pays déjà fragilisés par des crises humanitaires graves, en Afrique, en Amérique latine, en Asie et au Moyen-Orient de lutter contre la pandémie de Covid-19. Les mesures de confinement entraînent également une hausse alarmante des violences domestiques dans le monde.
Pourquoi, à votre avis, l'Europe et les Etats-Unis sont les plus affectés ? Est-ce à cause du manque d'anticipation ou d'erreur d'appréciation du danger ?
Ce sont des puissances mondiales avec des systèmes de santé et des politiques de santé qui ont été formés à gérer ces crises sanitaires. A mon avis, une des raisons principales est que l'OMS a été informée trop tard par la Chine, au détriment de la capacité de réagir des autres Etats. De plus, les données de départ partagées sur le taux de mortalité, le R0, étaient faibles (R0 : Taux de reproduction de base. Le R0 permet de connaître le nombre moyen de personnes qu'une personne contaminée pourrait infecter), ce qui aurait éventuellement conduit à une sous-estimation du risque de propagation mondiale. Et également la proportion de cas avec une légère symptomatologie qui ne s'associe pas au Covid-19 au tout début de l'épidémie. C'est comme un iceberg, on ne voyait que la partie émergée qui était les formes graves.
Quelles sont vos prévisions pour les prochains jours ?
Les mesures de contrôle en place vont réduire les transmissions, tout en permettant d'aplatir la courbe épidémique et soulager les hôpitaux. Un retour à la normale n'est envisageable qu'avec de bonnes stratégies de déconfinement qui pourraient passer par un dépistage de la population, un déconfinement par tranche d'âge ou secteur critique à la reprise de l'économie, ou tout autre stratégie adéquate avec les capacités des pays. Je pense que c'est un processus qui prendra du temps mais c'est nécessaire.
Comment analysez-vous la progression de la maladie en Algérie ?
Honnêtement, je ne pourrais pas trop me prononcer sur la question, car je ne travaille pas en Algérie et les informations que j'ai sont souvent celles des médias ou relayées par mes proches. Néanmoins, au vu du nombre de vols entre la France et l'Algérie, mais aussi le lien avec la Chine, l'introduction du virus était inévitable. Par ailleurs, je pense que l'Algérie a rapidement réagi en réduisant les vols internationaux juste après la déclaration de la pandémie par l'OMS le 12 mars 2020. Cependant, le nombre de tests effectués est très insuffisant.
Quelle évaluation faites-vous des mesures de prévention dans le pays. Est-ce la meilleure réponse pour se protéger ?
Concernant le confinement, actuellement, l'Algérie applique une stratégie de confinement partiel. Je pense qu'au vu de l'augmentation du nombre de nouveaux cas et la capacité du système de santé à faire face à l'épidémie avec un nombre insuffisant de lits en réanimation, manque de respirateurs et éventuellement de tenues de protection, un confirment total serait la prochaine étape de la réponse. De plus, les compagnes de sensibilisation sont vraiment nécessaires. Il faut communiquer sur le risque, sur les mesures de protection, sur les réelles capacités du pays à faire face à l'épidémie. Pour vaincre cette épidémie, nous devons être solidaires et respecter les mesures de contrôle et cela nécessite l'adhésion de chacun de nous.
Quelles sont les recommandations de l'OMS pour éradiquer le virus ?
C'est très optimiste à ce stade de parler de l'éradication du virus. Nous sommes en phase pandémique et beaucoup d'efforts sont consentis pour sortir de la phase pandémique. Les recommandations de l'OMS, à savoir se laver les mains, garder un minimum de 1 mètre, voire plus de distance avec les autres, ne pas se toucher le visage et d'autres recommandations visant à maintenir une bonne santé pendant le confinement visent principalement à contrôler et réduire les chaînes de transmission. Même si la recherche arrive à trouver un vaccin relativement protecteur, je ne pense pas qu'on parlera d'éradication d'emblée du virus. A ce jour, seules la variole chez l'homme et la peste bovine chez les animaux ont été éradiquées. Tout dépend également de la capacité du virus à muter. S'il mute et persiste dans les populations, il ne disparaîtra pas, mais circulera peut-être à bas bruit, comme la grippe. Selon les recommandations de l'OMS, la meilleure façon de mettre fin aux restrictions et d'atténuer les effets économiques de celles-ci consiste à s'attaquer au virus au moyen de la mise en place d'un ensemble de mesures très actives et complètes, à savoir détecter, tester, isoler et traiter les cas, et identifier les contacts.
On vous laisse le soin de conclure…
Le Covid-19, comme les autres épidémies de grande ampleur, a un lien avec la crise de la biodiversité, le commerce des animaux sauvages, pour ne citer que le SRAS et l'Ebola. Nous augmentons le risque de ces épidémies d'une part par la destruction des milieux naturels où vivent ces animaux sauvages, la destruction des forêts qui poussent les villageois à la chasse et vente de gibier dans les grandes villes, et cela expose des populations humaines à des espèces animales dont on ignore encore tous les agents pathogènes dont ils sont porteurs et capables de transmettre à l'homme. Au-delà de la crise actuelle, je pense qu'il faut garder en tête que 70% des maladies émergentes sont des zoonoses, c'est-à-dire une transmission animal-homme, et que la majorité provient d'animaux sauvages. Pour l'heure, il faut respecter les mesures de confinement et ne pas relâcher notre vigilance même si les courbes épidémiques commencent à s'infléchir, car il est très difficile d'estimer combien de gens sont encore porteurs du virus. Prenez soin de vous et restez chez vous ! Vous sauverez ainsi des vies.
K. A.


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