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"L'Algérie doit urgemment construire une capacité de résilience"
Zoubir Benhamouche, expert international en économie
Publié dans Liberté le 28 - 05 - 2020

Zoubir Benhamouche est économiste à la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA), où ses recherches portent sur l'impact des institutions sur le développement économique. Dans cet entretien, il livre son analyse sur la situation de crise inédite que traverse actuellement la planète des suites de la pandémie de Covid-19. Pour lui, le monde est "entré dans une ère d'incertitudes". Pour ce qui est de l'Algérie, M. Benhamouche estime que "comme tous les pays d'Afrique, elle doit urgemment construire une capacité de résilience, car outre cette crise, d'autres, selon la majorité des experts, de la même nature ou même d'une nature que nous ignorons totalement, vont survenir".

Liberté : La crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 a plongé l'économie de la planète dans un nouveau cycle de récession à grande échelle. Cette mauvaise conjoncture est-elle durable ?
Zoubir Benhamouche : Je voudrais d'abord indiquer que les propos de cette interview n'engagent que moi, et nullement la CEA. La crise provoquée par le Covid-19 est sans précédent dans notre époque moderne, elle n'est sans doute même pas comparable à la crise de 1929. Les estimations du BIT en avril tablaient sur une réduction du temps de travail au deuxième trimestre 2020 équivalente à 195 postes de travail à plein temps. Les Etats-Unis ont perdu 40 millions d'emplois en quelques semaines.
On estime à 265 millions d'individus qui devront être soutenus par les programmes alimentaires, soit 3 fois plus que dans le passé récent, alors qu'en 2019, il manquait 10 milliards de dollars pour satisfaire tous les besoins. Nous vivons un double choc d'offre et de demande, et il y a un risque de crise financière, même si les réponses apportées par les banques centrales à travers le monde ont été rapides et d'ampleur.
La crise des subprimes a servi de leçon, et de nouveaux modes d'intervention ont été testés. Cependant, cette crise est sans commune mesure avec celle de 2009, dont le monde a mis des années à se remettre (certes avec des différences selon les pays et les régions). Cette crise est plus qu'un choc conjoncturel, elle sera durable et engendrera des changements de fond sans doute dans tous les domaines, économique, politique et social.
Quelles actions préconisez-vous pour atténuer l'impact de cette récession et permettre éventuellement à l'activité mondiale de renouer avec la croissance ?
À des degrés différents, les pays qui ont réagi rapidement et de façon adéquate, ont plus ou moins mis en œuvre les mêmes politiques, avec d'un côté des mesures de soutien aux entreprises et de l'autre des mesures sociales et sanitaires. Les sommes budgétaires engagées jusqu'ici par l'ensemble des pays de la planète dépassent 10 trillions de dollars, c'est déjà plus de trois fois le plan Marshall, il me semble. Il s'agit en effet d'éviter des faillites en cascade (et maintenir l'appareil productif le plus en état possible pour un redémarrage de l'activité) et, avec l'accroissement du sous-emploi et du chômage, limiter les conséquences sociales et soutenir la demande. Ce n'est pas un simple choc conjoncturel, c'est un énorme choc structurel.
Il ne suffira pas d'augmenter la dépense budgétaire pour une relance de l'économie, car le Covid-19 a engendré des disruptions dans nos modes de vie (consommation, travail...) et dans nos relations de production à l'échelle mondiale, qui ont des conséquences directes sur le fonctionnement des entreprises, et la pérennité de certaines activités (tourisme, transport aérien...), du moins sous leur forme pré-Covid-19.
Nous sommes entrés dans une ère d'incertitudes, ce qui va peser durablement sur la demande et l'offre. La reprise de la croissance, à la fois son amplitude et sa forme, va dépendre de nombreux facteurs. L'espace est trop restreint ici pour développer cela, mais comme on l'a bien vu avec la gestion de la crise sanitaire au niveau mondial, la gouvernance, à la fois mondiale et locale, sera l'un des facteurs clés. Avec une crise globale, la réponse ne peut être locale uniquement, et avec les enjeux majeurs qu'elle pose, il n'est pas possible de conserver la gouvernance du "monde d'avant".
Les pays dont les revenus dépendent étroitement des hydrocarbures, à l'image de l'Algérie, sont confrontés à la fois aux conséquences directes de la crise sanitaire et à la chute des prix du pétrole. Quelles perspectives se présentent aujourd'hui à leurs économies ?
Le prix du Brent a chuté de 50% en mars 2020, et les perspectives d'évolution de la demande mondiale ne laissent que peu de doute sur la durabilité de prix bas. Ainsi, les pays dont l'économie dépend largement des exportations de pétrole vont devoir composer avec une baisse durable de leurs revenus. Le Nigeria par exemple a vu ses revenus baisser de plus de 80% à fin avril. La dépendance aux hydrocarbures constitue une double faiblesse pour faire face à la crise et rebondir. D'une part, la chute des revenus grève considérablement les finances publiques, limitant la capacité des Etats à lancer des plans de soutien aussi massifs que dans les pays plus développés.
D'autre part, la faiblesse de diversification des économies constitue une inertie importante pour une relance économique, avec pour conséquence des recettes budgétaires qui ne vont pas s'accroître suffisamment et assez rapidement. Sachant qu'il n'y aura pas de retour à la normale, c'est-à-dire, dans le langage des économistes, que le monde va maintenant lentement "converger vers un nouvel état stationnaire", la faible complexité des économies rentières devient un frein beaucoup plus sévère pour leur développement.
A court terme, l'enjeu est de limiter le double impact de la baisse du prix du pétrole et de la crise sanitaire sur l'économie. Comme je l'ai dit précédemment, les pays développés ont laissé filer leurs déficits, les pays pétroliers n'ont certainement pas d'autre choix. Cependant, et nous pouvons en parler plus précisément dans le cas algérien, cela doit s'accompagner d'un choc de réformes et d'une libération des capacités d'innovation.
L'économie algérienne fait plus que jamais face au défi d'amorcer de véritables réformes structurelles. Par quel bout le pays doit-il prendre ces réformes, sachant que les questions liées aux enjeux de gouvernance restent encore à prendre en charge ?
L'Algérie ne fait pas exception, tous les pays de la sous-région, et même du continent africain dans son ensemble, doivent s'engager dans des réformes profondes, et notamment de leur gouvernance. Comme je l'ai dit précédemment, le soutien à court et moyen termes à l'économie est inévitable, surtout si le tissu productif est relativement fragile. Ce soutien doit s'accompagner de réformes, et cette période de crise doit être vue comme une fenêtre d'opportunité pour cela. Les crises sont en général les périodes qui sont les plus propices aux réformes de fond.
On peut citer le New Deal, qui a été l'occasion pour les Etats-Unis d'engager des réformes très importantes après la crise de 1929, ou les pays d'Asie du Sud-Est après la crise de 1997. La crise actuelle est d'une envergure inégalée et, surtout, va engendrer un changement de paradigme.
Cela implique, qu'au-delà des réformes suffisamment connues et discutées en Algérie (secteur financier, climat des affaires, commande publique etc.), les réformes devraient certainement être pensées pour doter le pays d'une capacité à se réinventer. La formule peut paraître quelque peu lyrique, mais il s'agit bien de cela. Dans un monde qui ne retournera pas à la "normale", sans que nous sachions encore ce que sera la nouvelle "normalité", ce sont la flexibilité, la capacité à réagir face à l'incertitude, à s'adapter et à tirer profit des opportunités qui seront déterminantes. Je crois que cela pourrait être un fil conducteur pour penser les réformes. Après la crise des subprimes, selon une étude de Mckinsey, les revenus des entreprises qui ont su se réinventer pour faire face au choc ont progressé de 10%, dès 2009, tandis que les autres ont vu leurs revenus baisser de 15%. L'Algérie, comme tous les pays d'Afrique, doit urgemment construire une capacité de résilience, car outre cette crise, d'autres, selon la majorité des experts, de la même nature ou même d'une nature que nous ignorons totalement, vont survenir.
Quels nouveaux enjeux se présentent aujourd'hui au continent africain au vu de ce contexte de crise mondiale et des bouleversements économiques et géopolitiques qui pourraient en découler ?
L'Afrique est touchée par le net recul de la demande mondiale qui a fait chuter les prix des matières premières, dont le continent dépend fortement. Les estimations de contraction de PIB sont variables selon les scenarii adoptés, mais le minimum semble être une croissance de -1,5% en 2020. L'impact sur l'emploi et la pauvreté pourrait ainsi être très important. Selon les estimations de la CEA, le Covid-19 pourrait provoquer un accroissement d'au moins 5 à 29 millions le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté extrême de 1,90 dollar par jour. La capacité de l'Afrique à faire face à la crise est grevée par une dette publique qui pèse lourdement sur les finances publiques. En 2019, plus de 22 pays avaient des ratios dette/PIB supérieurs à la moyenne africaine (61%). Sur les 37 pays dits "lourdement endettés" (classification FMI), 31 sont des pays africains.
Face à cette situation, sous l'impulsion de la CEA et de l'Union africaine, fin mars 2020, les ministres africains des Finances ont donc demandé le déblocage de 100 milliards, dont 44 milliards seront consacrés à l'allégement de la dette de tous les pays africains (avec une enveloppe supplémentaire de 50 milliards de dollars si la crise devait se poursuivre).
Pour finir sur une notre positive, il y a de nombreuses estimations de l'impact de la crise sur l'Afrique, mais celles-ci ne tiennent pas compte des opportunités que constituera la réorganisation des chaînes de valeur mondiale, en faveur de chaînes 0régionales. Quelques études montrent en effet que la Zleca pourrait contribuer significativement à atténuer l'impact de la contraction de la demande mondiale sur les économies africaines. A cet égard, le timing de la ratification de la Zleca est bon, même s'il est important maintenant que les pays aillent plus vite pour sa mise en œuvre.
Il peut être l'opportunité de penser des chaînes de valeur africaine dans des biens utiles pour lutter contre la pandémie (produits pharmaceutiques, matériels médicaux etc.). Par ailleurs, cette pandémie est peut-être le choc qu'il fallait pour que l'Afrique pense son avenir plus collectivement, et lance des projets africains dans l'éducation, les infrastructures (notamment digitales) et la R&D.


Entretien réalisé par : Akli Rezouali


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