Pour l'historien, ce mouvement, qu'il préfère appeler "révolution", s'accompagne d'une liberté d'expression et d'opinion : les Algériens sortent de leur bulle privée pour faire éclater au grand jour leur "mécontentement sur les insuffisances de l'Etat, les problèmes économiques". Benjamin Stora, professeur des Universités et historien de renom, signe un nouvel ouvrage sur l'Histoire algérienne. Publié aux Editions Bayard, Retours d'histoire, l'Algérie après Bouteflika retrace l'histoire politique du pays, à travers les différents mandats présidentiels, de l'indépendance aux grandes manifestations de 2019. Pour l'auteur, le Hirak s'attache au "souvenir toujours mobilisateur de la période révolutionnaire de la guerre et des fêtes du passage à l'indépendance", dont les espérances ont été étouffées par la "contre-révolution" d'un système partagé entre le pouvoir politique, l'armée, les oligarques et les renseignements. Meurtrie par la guerre de Libération puis la décennie noire, révoltée par la corruption et les inégalités, la société marche aujourd'hui pour revendiquer une nouvelle Algérie. Pour l'historien, ce mouvement, qu'il préfère appeler "révolution", s'accompagne d'une liberté d'expression et d'opinion : les Algériens sortent de leur "bulle privée" pour faire éclater au grand jour leur "mécontentement sur les insuffisances de l'Etat, les problèmes économiques". Et pourtant c'est une Algérie de non-dits qui défile dans les rues. De la guerre des mémoires franco-algériennes au destin des figures historiques du nationalisme algérien oubliées dans le discours national, en passant par l'amnistie décriée de la "réconciliation nationale", Benjamin Stora pose inévitablement la question de la mémoire, de l'unité nationale et des fractures sociales invisibilisées. Au sein même des marches, la jeunesse exige des réponses, une levée du voile obscur de la part du pouvoir en place depuis l'indépendance. Le départ de Abdelaziz Bouteflika en avril 2019, l'arrestation et la condamnation de plusieurs hauts responsables qui évoluaient dans son entourage, ainsi que l'élection du président Abdelmadjid Tebboune, élu en décembre de la même année, n'ont pas stoppé le Hirak. Benjamin Stora finit son ouvrage en s'interrogeant sur le devenir du mouvement, mais également sur les futures décisions du nouveau président algérien, qui déclarait "vouloir tendre la main au mouvement populaire de contestation". Quoi qu'il en soit, "le simple fait, pour une société, de sortir d'une domination par la peur l'ouvre sur un processus de reprise en main de son propre destin, sur lequel il sera bien difficile de revenir (...)". Laurine Bazemont Retours d'histoire, l'Algérie après Bouteflika de Benjamin Stora, Editions Bayard, 2020. Prix : 16,90 euros